J’éprouve ce matin un sentiment étrange. Pourtant je suis blindé. Ou, en tout cas, je devrais l’être, depuis 60 ans. C’était le 4 décembre 1967 lors de ma prestation de serment d’avocat. Alors, je croyais en la justice. J’y ai cru assez longtemps. Jusqu’à ce que je m’aperçoive, bien plus tard, qu’elle n’était qu’un théâtre d’ombres, qu’un leurre, que tout se jouait ailleurs, dans des conciliabules à jamais inconnus des parties. « Ils se parlent » entre eux, bien sûr. Après, c’est l’omerta. La loi des mafias.
Depuis que le syndicat de la magistrature fait la loi, la justice n’est plus au service de la vérité mais d’une idéologie. On peut faire ce que l’on veut d’une justice adaptée aux convictions des juges. Au point que la justice a fait sienne cette idée aussi stupide que commode, pour les hypocrites, de relativité de la vérité. Relativité affichée qui n’a pour objet que de donner bonne conscience aux menteurs.
Alors oui, ce matin, en lisant les comptes-rendus du procès Dupond-Moretti à la Cour de Justice de la République, j’ai la nausée.
Pour une cabale judiciaire, il ne pouvait y avoir qu’un ministre coupable et des magistrats innocents, dévoués à leur tâche ingrate et ardue de déjouer les manœuvres d’un avocat marron devenu, contre leur gré, leur supérieur hiérarchique.
La ficelle est si grosse qu’ils n’y croient pas eux-mêmes et que le réquisitoire cinglant d’un procureur engagé échoue lamentablement dans les méandres d’une peine bâtarde à peine adaptée à réprimer un petit délinquant primaire.
Si Dupond-Moretti était coupable, la peine requise aurait dû être autrement plus sévère. Mais voilà, comme d’habitude, quand la justice utilise pour régler ses comptes l’appareil mis à sa disposition pour faire régner l’ordre social, elle est contrainte de transiger et se compromet.
Petite peine, assez significative pour flétrir, mais assez faible pour éviter l’accusation de vengeance.
C’est pourtant de cela et seulement de cela qu’il s’agit.
La défense saura le démontrer. Mais quelle importance ?
Reste à attendre la décision d’une juridiction imprévisible. Rien n’est sûr. Elle peut condamner un innocent. Rien ne rebutera les quelques parlementaires, anciens magistrats qui, dans leur vie antérieure, ont démontré leur capacité d’utiliser la justice comme arme de combat.
Si elle devait l’innocenter, on peut s’attendre à des hourvaris d’insultes contre des « parlementaires complices ».
Tout peut arriver. Ce procès est un procès politique.
Pour une fois, ce n’est pas le pouvoir qui ordonne. C’est le pouvoir occulte d’un syndicat.