Le sparadrap du capitaine Haddock !

Le sparadrap du capitaine Haddock !

Alors qu’il venait d’être désigné comme candidat à l’élection présidentielle à l’issue de la primaire de son camp, François Fillon avait répondu à Alain Juppé, qui célébrait « le modèle social français », que celui-ci n’existait pas. Autrement dit qu’il était mort. Dès le lendemain, chapitré par Bernard Accoyer, Fillon se dédisait et renvoyait le remplacement de ce modèle aux calendes grecques. Les amateurs de Tintin évoquent lors de tels épisodes le sparadrap du capitaine Haddock.

Le « modèle social français » colle en effet aux doigts de la classe politique française. Rien d’étonnant : les prestations sociales dans notre pays représentent la moitié des dépenses publiques. Aucune politique alternative n’est possible sauf à réduire drastiquement les dépenses sociales. En l’état, aucun parti politique ne le propose. Nous allons donc continuer notre chemin de croix, avec des soulèvements successifs des diverses catégories mécontentes, jusqu’à ce qu’enfin une de ces jacqueries se transforme en révolution. Mais celle-ci ne sera pas la révolution des actifs. Il n’y en a plus assez. Ce sera la révolution des ayants droit.

Au terme d’inévitables épisodes dramatiques, lasse de défendre des avantages qui n’en sont plus, la population cherchera un homme fort et inévitablement le trouvera. Il serrera la vis de tout le monde, à l’exception de ses affidés, et vogue la galère. Ce scénario est celui de la révolution française et de toutes les révolutions du même type. Il fait partie des constantes historiques. Pour y échapper, il n’y a qu’une solution : la réforme. Tout le monde a le mot à la bouche, mais de là à passer à l’acte, il y a un abîme. Celui qui sépare les volontaires et les velléitaires.

Aujourd’hui, en France, la population est velléitaire. Pourquoi ? Parce qu’elle ne va pas si mal que cela. Il y a pourtant 25 millions de Français qui ne s’en sortent pas, mais avec la débrouille, ils s’en sortent quand même. Plutôt mal, évidemment. Mais il y aura toujours un Mélenchon quelconque pour les aider à se défouler. Ils vivront d’expédients, mais sans mourir de faim. Rappelons que la famine a joué un rôle décisif dans la révolution de 1789.

La seule chance sérieuse de réforme est l’Europe. Elle est aujourd’hui vouée aux gémonies par un nombre croissant de Français qui ne voient en elle qu’un facteur de mesures attentatoires à la liberté, sans parler de son coût que des éditorialistes peu informés brandissent à l’envi alors que nous ne laissons que 9 milliards à la caisse commune européenne. Il est vrai qu’en France on a une façon assez particulière de compter, puisque la SNCF par exemple se vante de faire des bénéfices alors qu’elle reçoit 19 milliards de subventions.

A ce stade de dévoiement du débat politique, les bras vous en tombent. Si l’on peut faire gober n’importe quoi au peuple, on n’est plus en démocratie. Si l’on peut réduire l’échange public d’idées à quelques plateaux télévisés où l’on retrouve jour après jour les mêmes cachetonneurs, il n’est pas possible d’espérer quelque lumière. Comme le disait Coluche, « à la télévision ils ne peuvent pas dire la vérité, il y a trop de gens qui regardent ». Pourtant, il y a dans ces débats des journalistes intelligents et informés – j’en connais – qui pourtant se taisent quand ils devraient parler. Ils illustrent en fait la formule bien connue selon laquelle il y a deux catégories de journalistes, ceux qui la ferment et ceux qui sont au chômage.

Les lois qui mettent la Sécurité sociale en concurrence et rendent donc au peuple sa liberté de choix et son aisance financière figurent au Journal officiel. Il suffit de les appliquer. Ceux qui le font se heurtent à des magistrats qui leur disent que ce qui est écrit n’est en fait pas écrit, en raison du caractère surnaturel de la Sécurité sociale. Cette disparition de lois écrites est un phénomène physique qu’on ne s’explique pas si l’on n’est pas soi-même imprégné de la mystique sociale. Il est plus facile d’être canonisé que mentalement libéré de la Sécu !

La réalité va pourtant s’imposer. Il suffit pour cela qu’un nombre suffisant de Français dignes de ce nom, c’est-à-dire épris de liberté, usent de leur droit et fassent front aux actes d’intimidation des caisses de sécurité sociale, en attaquant leurs responsables en extorsion. Les articles du code pénal punissant celle-ci sont de nature à dissuader tous ceux qui pratiquent ce sport dangereux. Surtout quand ils se croient protégés de la loi par ceux qui sont censés la faire respecter !

La foule se meut lentement. Nous avons permis à un demi-million d’entrepreneurs de sauver leur entreprise en s’assurant librement. La performance est belle, mais incomplète. Il faut aussi libérer la foule des salariés. La lutte désormais est entre le mouvement et l’immobilisme. Même dans les dictatures sanglantes, des hommes et des femmes luttent pour leur liberté. Alors pourquoi pas en France ?

Claude Reichman

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Une réflexion sur « Le sparadrap du capitaine Haddock ! »

  1. Nous disposons d’un vivier étonnamment abondant qui s’appelle les fonctionnaires. Ils sont 5,7 millions plus 1,8 millions d’administratifs en contrats privés, et pourtant la France est mal administrée. Il est temps de se séparer très rapidement de 2 millions d’entre eux et après nous aviserons selon les observations objectives.

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