L’or placement de secours ultime ?

Un certain nombre de personnes s’inquiètent à propos de leur patrimoine ; notamment en raison des risques inflationnistes, vrais ou supposés, qui sont annoncés dans les médias ou sur nombre de sites spécialisés dans les placements et souvent dans l’or et les métaux précieux.

Que faut-il en penser ?

L’Etat des lieux

Ce n’est pas dévoiler un grand secret que d’affirmer que la situation actuelle n’est pas favorable à l’épargnant.

Du côté des placements habituels, celui-ci est en effet confronté à une répression financière totale puisque les taux d’intérêts sont très faibles du fait de l’intervention massive des banques centrales et que, sur ces très faibles taux, il va subir un prélèvement forfaitaire unique de 30% (dont 17.2% de CSG et CRDS) sur les intérêts reçus (sauf à choisir d’être imposé au barème de l’IRPP si le taux d’imposition est inférieur à 12.8%).

Avec des taux anormalement bas, entre 0.5% et 1.5% l’an, l’épargnant subit en fait une spoliation ou une fiscalité de presque 100% puisque, faute d’intérêts, les placements ne rapportent presque plus rien !

Et, si l’inflation s’en mêle, l’épargnant va se retrouver grugé sur son capital …

En effet, si l’inflation monte à des niveaux très supérieurs aux taux disponibles sur le marché, il est clair que l’épargnant va vite être confronté à une érosion importante de son patrimoine financier alors que l’on sait que l’instauration des taux nuls est essentiellement une manipulation monétaire des banques centrales ayant pour but de conserver la solvabilité d’Etats surendettés (France, Italie, Espagne) qui ne pourraient absolument pas supporter une hausse des taux sans se retrouver très rapidement en défaut !

On comprend donc qu’entre la protection des intérêts de l’épargnant et la protection des intérêts de l’Etat, le choix a été vite fait !

Quelle alternative ?

Certains épargnants, inquiets, recherchent donc des placements alternatifs susceptibles de contourner le risque inflationniste et ceux-ci ne sont pas légion.

A côté des placements exotiques (voitures de collection, bouteilles de vin, …) les placements traditionnels présentés comme les plus sûrs sont l’immobilier et les métaux précieux.

L’immobilier connait actuellement un regain d’intérêt ; ce qui explique notamment la flambée actuelle des prix (il n’y a plus rien à vendre et tout part très vite).

L’immobilier constitue effectivement une bonne protection contre le risque d’érosion monétaire à ceci près que le ticket d’entrée peut être relativement élevé et que l’immobilier constitue une cible fiscale extrêmement tentante pour le pouvoir et ses services fiscaux.

Acheter de l’immobilier peut donc être intéressant mais il faut aussi ne pas perdre de vue qu’il faudra en assumer les charges (entretien et fiscalité au moment de la détention avec la taxe foncière et aussi au moment de la revente avec l’imposition des plus-values – sauf s’il s’agit d’une résidence principale).

Le mettre en location permet de percevoir des loyers (imposés) mais il faura gérer le risque d’impayé si le locataire a des problèmes financiers ou se trouve être malhonnête.

En cas de revente, les plus-values sont imposées à 19% (plus une taxe complémentaire entre 2 et 6% si la plus-value est supérieure à 50.000€) après application d’un abattement par année de détention.

D’autres, ont choisi de prendre plus de risques et se sont tournés vers les crypto actifs dont la principale caractéristique est d’être extrêmement volatils avec des variations de cours qui peuvent faire peur mais il n’y a pas de fiscalité claire (pour l’instant) et pas de frais de détention.

J’ai abordé plusieurs fois la question à propos de ces actifs sans actif …

Les derniers, pensent à se tourner vers les métaux précieux (l’or et l’argent) et il ne manque pas de sites proposant l’achat d’or et d’argent, ces derniers étant présentés comme l’ultime refuge devant le risque inflationniste. Ces sites n’hésitent pas à tenir des propos alarmistes voire même très alarmistes (ex : Business Bourse).

La peur est en effet un excellent moyen de persuasion …

L’or ultime refuge ?

Attention : quand on parle d’acheter de l’or, il faut évidemment savoir qu’on ne parle que d’or physique. Il faut absolument proscrire les titres papier, très pratiques puisqu’ils évitent de stocker du métal, mais dont on sait qu’ils sont bien plus nombreux en circulation que le stock d’or disponible. Il y a eu dans le passé des problèmes lorsque certains acheteurs ont voulu obtenir la contrepartie physique de leurs achats papier.

Les sites spécialisés n’hésitent pas à présenter, spécialement l’or, comme une monnaie.

Seulement, si l’or a été une monnaie (pièces) quoique relativement peu utilisée dans la vie courante (c’était essentiellement des pièces de faible valeur en argent ou d’alliage), ce n’est plus le cas aujourd’hui !

L’or n’est pas une monnaie ; d’ailleurs il n’a cours légal dans aucun pays du monde !

C’est seulement un métal précieux côté (en dollars) qui peut être thésaurisé et c’est pourquoi le placement le plus adapté est l’achat d’or au poids. Les bijoux restent avant tout des bijoux et la valeur des pièces d’or est plus volatile sans compter qu’il y a une prime par rapport à la valeur de l’or au poids (jusqu’à 20%).

L’or présente effectivement l’intérêt de contourner le risque inflationniste et l’évolution des derniers cours de bourse montre qu’il a sensiblement progressé en passant de 1.780 à 1.900 $ l’once.

A ce stade, il faut faire un peu de mathématiques pour comprendre de quoi l’on parle.

L’or est coté aux bourses de Chicago et Londres, en dollars américains et l’unité de mesure de base est l’once d’or alors que beaucoup d’investisseurs achètent des lingots d’un kg.

On utilise donc deux systèmes de mesure différents pour un même métal ; ce qui contribue à créer une certaine confusion.

Le kg est une mesure issue du système métrique et il correspond au poids d’un litre d’eau ; c’est à dire d’un volume d’eau contenu dans un cube de 10 cm de côté, le cm étant lui-même la mesure de la largeur d’une goutte d’eau posée sur une surface lisse (essayez, vous pourrez le constater vous-même).

L’once est issue d’un système de mesures datant du moyen âge et qui est encore en usage au Royaume Uni et dans les pays issus du Commonwealth ainsi qu’aux Etats Unis (qui sont une ancienne colonie britannique). Pour les mesures de distances, ces pays utilisent encore les pouces, les pieds et les miles.

Une once est égale à 28.349 grammes ; ce qui ne fait finalement pas beaucoup.

On comprend alors, par une simple règle de trois, que dans un kilogramme, il y a 35.275 onces.

Cela nous met donc, au cours actuel, le kilo d’or (lingot) à 1.900×35.275= 63.494 $ ce qui n’est pas vraiment bon marché. Mais, on peut en acheter des quantités moindres (lingotins).

Quels inconvénients ?

L’or présente plusieurs avantages : c’est un métal inaltérable, précieux et donc toujours recherché dont la valeur intrinsèque est nettement supérieure à celle d’un bout de papier imprimé (billet de banque) ou des cryptos qui n’ont aucune existence physique.

Côté en bourse, on connait toujours la valeur de ce qu’on possède.

Les frais d’entretien de l’or, contrairement à l’immobilier, sont nuls !

Néanmoins, sa détention présente quelques problèmes surtout si on envisage de garder de l’or chez soi. On n’est jamais à l’abri d’un cambriolage et je ne suis pas sûr que votre assureur accepte de prendre en charge le risque de détention de plusieurs lingots sans des mesures de sécurité extrêmement lourdes.

Une solution peut être d’ouvrir un coffre dans une banque mais cette possibilité est payante avec en outre l’obligation de déclarer auprès de la banque la valeur des biens qui y sont entreposés ; ce qui influe sur le prix de la location mais aussi peut attirer l’attention des services fiscaux si la valeur déclarée est très importante (car la banque informe le fisc de la valeur déclarée).

Le négoce de l’or est assez réduit mais vous pouvez passer par votre banque ou par des intermédiaires spécialisés qui prendront une commission en sus du prix affiché.

Par ailleurs, il faut savoir que la fiscalité sur l’or est très lourde.

Car, s’il n’y a pas de taxe à l’achat, ni de tva, il existe une fiscalité très lourde sur la revente de l’or.

Vous avez le choix entre deux options :

-soit la taxe sur les métaux précieux de 11.5% de la valeur de revente ; ce qui signifie que vous devez faire au minimum une plus-value de 12% pour pouvoir simplement retrouver le prix qui vous avez payé à l’achat. (la taxe est de 6.5% pour les bijoux et pièces de collection).

Pour situer le montant de cette taxe, cela signifie que sur un lingot de 63.494 $ vous allez payer 7.301 $ de taxes.

A cette taxe, il faudra ajouter éventuellement la commission de change (passage du dollar à l’€) et la commission de l’intermédiaire (qui ne travaille pas gratuitement).

-soit l’imposition de la plus-value après abattement de 5% par année de détention au-delà de la 2ème, au taux de 36,2%, y compris prélèvements sociaux. On a donc une exonération totale au bout de 22 ans à la condition de pouvoir prouver la date et le prix d’achat. Mais, la commission de l’intermédiaire reste due …

Autant dire qu’il faut escompter un bon d’au moins 20% des cours pour pouvoir espérer une quelconque plus-value et il vous appartient de faire au préalable un calcul pour choisir le régime de fiscalité le moins pénalisant.

Par ailleurs, il faut savoir que les cours de l’or sont largement manipulés par les banques et les Etats ; ce qui explique qu’il monte relativement peu … même dans les périodes de fortes tensions.

C’est un marché sensible qui reste sous contrôle …

De ce fait, il semble extrêmement peu probable qu’il puisse atteindre les sommets avancés par certains sites spécialisés qui n’hésitent pas à annoncer des multiplications des cours par dix ou plus !

Conclusion :

Il faut se méfier des effets d’annonces car, la réalité est qu’il n’y a pas de placement miracle et, en l’espèce, à propos de l’or, dans bien des cas, le principal gagnant, après l’Etat fiscal, est surtout l’intermédiaire qui vous a vendu l’or !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

4 réflexions sur « L’or placement de secours ultime ? »

  1. Je suis d’accord – le potentiel de hausse est faible
    J’y reviendrai dans un prochain article sur l’inflation

  2. Contourner la fiscalité de l’or n’est pas très compliqué, il y a des pays d’Europe où son achat et sa vente sont très peu taxés, aucune obligation d’en acheter exclusivement en France.

    Stocker l’or peut aussi se faire dans les ports francs de Luxembourg ou de Genève, pas seulement dans un coffre à la BNP.

    Acheter de l’or mais pourquoi ? Les cours sont excessivement élevés.

    Reste les diamants (le marché est au plus bas et un diamant est très facilement dissimulable et introuvable au détecteur de métaux dans un mur ou dans le sol), les oeuvres d’art, les tableaux (très peu taxés en France et pas d’ISF ou autres impôts sur la richesse), les livres très anciens (les faux sont quasi-inexistants), les objets rares : un Stradivarius par exemple.

    1. Vos observations sont pertinentes mais je me suis mis à la place du citoyen ordinaire.
      Je suis d’accord avec vous mais ce n’était pas le sujet, acheter de l’or en France ne présente pas d’intérêt. Après, la logistique peut être un peu compliquée pour acheter à l’étranger.

      1. Certes je suis un peu en dehors du sujet, mais en fait si le bon peuple se tourne vers l’or, c’est bien parce que le livret A, le PEL, les SICAV et l’assurance-vie ne rapportent plus grand chose et même rien du tout.

        A situation extra-ordinaire : les taux négatifs, un état français surendetté, il faut opposer un comportement extra-ordinaire, c’est-à-dire déjà réduire le plus possible les possibilités de prédation fiscale, ne plus penser franco-français même si on aime et surtout si on aime son pays. Le principal écueil étant la force de l’habitude.

        La logistique concernant l’achat de l’or à l’étranger n’est pas si compliqué que cela pour beaucoup : gare de Paris-nord à Lille-europe en TGV = 1 heure et gare de Lille-flandres à Anvers-central = 2 heures 30 , la Vestingstraat, entre autres rues intéressantes, est juste à côté de la gare d’Anvers (attention toutefois au retour aux portiques de sécurité à Paris-nord, il faut passer ailleurs…).

        Mais étant donné le niveau élevé des cours de l’or, pas certain que cela soit une bonne affaire.

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