Quatre associations de défense de l’environnement ont obtenu ce 14 Octobre la condamnation de l’Etat par le Tribunal Administratif de Paris pour inaction climatique, assortie du paiement d’un Euro symbolique et d’une injonction de réparer le préjudice écologique causé.
Le 4 Août dernier, c’est le Conseil d’Etat (www.conseil-etat.fr) qui, pour sa part, avait condamné l’Etat à verser une astreinte de 10 M€ au motif que le Gouvernement n’avait pas pris les mesures nécessaires au rétablissement de la qualité de l’air dans 5 zones du territoire national. Cette astreinte est à payer à 5 associations, dont Les Amis de la Terre, à hauteur de 1,2M€, et le solde (8,8 M€) à des agences publiques. Elle porte uniquement sur le 1° semestre 2021 : début 2022, le Conseil d’Etat se prononcera sur l’imposition d’une nouvelle astreinte au titre du 2° semestre 2021, et ainsi de suite.
Une victoire pour les Associations
Les Associations à l’origine de ces diverses actions se sont bruyamment réjouis du succès de leur démarche devant la justice administrative et on les comprend. La France a en effet voté des lois et pris des engagements internationaux, notamment en 2015 dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. D’après ces Associations, ces engagements ne sont pas tenus ou leur mise en œuvre suit une trajectoire qui montre qu’ils ne le seront pas. Par leurs actions en justice, elles renforcent leur pression sur les pouvoirs publics en matière environnementale.
Une lecture institutionnelle rapide des faits semble valider la bonne santé de la séparation des pouvoirs dans notre pays : le citoyen réuni en association peut saisir le pouvoir judiciaire pour forcer l’exécutif à respecter la loi votée par le Parlement ou les traités qu’il a approuvés. En soi, ça semble une bonne nouvelle. Mais examinons ça de plus près.
Qui est le Conseil d’Etat ?
Le Conseil d’Etat a été créé par Bonaparte en 1799, même si depuis le XIII°s et surtout à partir de Louis XIV, le Roi s’entourait d’un conseil de juristes. Sous la V° République, il remplit trois fonctions :
- conseil du Gouvernement et dans certains cas du Parlement, notamment au sujet des projets et propositions de loi,
- échelon suprême de la justice administrative, c’est à dire juge d’appel de dernier ressort de tout litige relatif à l’action des pouvoirs publics,
- gestion des tribunaux et des cours d’appel administratifs.
Autrement dit, le Conseil d’Etat est étroitement impliqué dans l’analyse des projets de loi et, en même temps, est juge suprême de leur interprétation. Faire du conseil juridique le juge ultime d’une loi qu’il a validée est contraire aux principes élémentaires de gouvernance. On ne peut pas être juge et partie, situation fort justement dénoncée par l’Union Européenne.
Par ailleurs, formellement, le Président du Conseil d’Etat est le Premier Ministre ; autrement dit, le Conseil d’Etat dépend du Gouvernement. En pratique, la Présidence du Conseil d’Etat est assurée par son Vice-Président, depuis 2018 Bruno Lasserre, haut fonctionnaire énarque.
Les Conseillers d’Etat sont au nombre de 300 environ, dont 1/3 environ sont en disponibilité dans d’autres institutions ou dans le privé. Ils sont fonctionnaires, nommés à vie et constituent à eux seuls un corps de fonctionnaires (parmi les plus de 300 catégories de fonctionnaires que compte notre pays). Les jeunes conseillers sont exclusivement recrutés à la sortie de l’ENA. D’ailleurs, le Vice Président du Conseil d’Etat est de droit Président du Conseil d’Administration de l’ENA : vous l’avez compris, nous sommes ici au cœur du cœur de la caste des hauts fonctionnaires et énarques qui dirigent la France.
Le Conseil d’Etat condamne les Français à payer
En condamnant l’Etat, ce sont les Français que le Conseil d’Etat condamne à payer : l’Etat c’est nous et son budget ce sont nos impôts. Ce jugement n’aura aucune incidence personnelle pour les membres du Gouvernement, aucune réduction de leur budget n’interviendra : c’est nous contribuables qui paierons. A ce titre, le cocorico des Associations, par ailleurs subventionnées avec nos impôts, nous laisse soudain un mauvais goût dans la bouche. La créativité des fonctionnaires pour nous faire les poches me laisse bouche bée !
Le Parlement évincé
Dans son discours, prononcé le 21 Mai devant la Cour de Cassation (www.conseil-etat.fr), le Vice-Président Lasserre explique que rien n’obligeait le Conseil d’Etat à « ouvrir son prétoire au contentieux climatique ». Il aurait très bien pu décider de ne pas juger cette affaire, ne serait-ce que parce qu’en qualité de conseiller de l’Etat, il était illégitime à le condamner sur un dossier éminemment politique.
L’analyse politique est que cette caste de fonctionnaires a pris la décision politique de se substituer au Parlement dans son rôle de contrôle de l’action du gouvernement (art. 47 de la Constitution). Le monde fonctionnaire a confisqué le pouvoir et les contre-pouvoirs.
En s’arrogeant le contrôle de l’action du gouvernement, les fonctionnaires évincent le Parlement, c’est à dire nous le Peuple, de la vie politique. Ce jugement est une farce ; plus grave, c’est un clou de plus planté par la caste des hauts fonctionnaires dans le cercueil de la démocratie en France.
Bravo !
Excellent constat.
Mais en l’occurrence c’est tout le système de la Vème République qui est en cause !
Vème république dont je n’ai cessé de dénoncer le caractère anti démocratique …
Merci qui ?