Un constat lucide dont il ne faut pas parler

Comme tous les ans, ce 21 avril, M.Villeroy de Galhau, gouverneur de la banque de France, a adressé au président de la république ses dernières analyses concernant la situation économique.

De ce rapport, il faut retenir 2 données significatives que je livre à votre réflexion :

Depuis la mise en place de l’€ en tant que monnaie unique, le pouvoir d’achat dans l’Union Européenne a progressé de +17% tandis qu’en France cette progression s’est établie à +26%

Dans le même laps de temps, le PIB par habitant de l’Union Européenne a augmenté de 25% tandis que celui de la France n’a progressé que de 19%.

Curieuse distorsion n’est-ce pas ?

Qu’est-ce que cela signifie et que doit-on en conclure ?

Dans sa présentation liminaire, le gouverneur écrit : « l’€ a bien aidé les français avec une inflation mieux maitrisée, une progression du pouvoir d’achat sensiblement plus favorable (+26%) que la moyenne européenne (+17%) et une baisse particulièrement marquée du cout des emprunts pour les ménages, pour les entreprises comme pour l’Etat. Mais l’€ ne peut remplacer les faiblesses structurelles de l’économie française qui préexistaient et expliquent notre retard relatif de croissance : parmi celles-ci nous avons depuis 10 ans bien progressé sur l’emploi mais pas sur les finances publiques »

La première idée serait que la France aurait trouvé un moyen miraculeux de « booster » le pouvoir d’achat des français ?

Succès extraordinaire donc ?

En fait, et contrairement aux proclamations optimistes d’un « économiste de plateau » intervenant sur une chaine d’info permanente, dont, par charité, je tairai le nom, on ne peut pas y voir un succès français, notamment de la redistribution, dont les gouvernants nous abreuvent à longueur d’année …

Si le pouvoir d’achat augmente plus vite que le PIB, c’est à dire que la richesse produite, c’est que les revenus des français augmentent plus vite que la richesse produite et il est peu probable que ce soient les salaires !

Prodigieuse lapalissade vous me direz …

Mais, alors, comment est-ce possible ?

C’est simple : la seule explication plausible est que cette augmentation n’a pu avoir lieu que par le biais d’une augmentation des aides sociales distribuées et le gouverneur de la banque de France l’écrit d’ailleurs sans ambages sans toutefois exprimer totalement son opinion … « Cette croissance du pouvoir d’achat a été portée par des transferts sociaux – et donc des déficits publics – qui restent plus importants que chez nos voisins, et par des salaires réels dynamiques. »

Et si la progression de la richesse produite est inférieure à la progression de ces aides, c’est que l’Etat fonctionnaire a trouvé une astuce …

Quelle est donc la source de revenus qui n’entre pas dans le PIB ; autrement dit comment peut-on se procurer de l’argent sans produire de richesses ?

Il n’y en a qu’une : l’emprunt !

Cela signifie clairement que les aides sociales qui ont été versées l’ont été à partir d’emprunts fait par l’Etat sur les marchés … et, de fait, la France est le plus gros emprunteur de l’Union Européenne tout comme il est celui où la dépense publique est la plus forte !

Faut-il s’en réjouir ?

Probablement pas ; et même si le gouverneur de la banque de France ne dit pas que les emprunts faits sont excessifs, cela confirme quand même que la France vit au-dessus de ses moyens et qu’elle s’endette juste pour distribuer des revenus de substitution à toute une partie de la population afin de compenser à la fois une dégradation relative de la compétitivité (par rapport aux autres pays de l’Union Européenne) et des pertes de revenus liés essentiellement à la cherté de la vie ; que ce soit en raison de l’inflation ou de la fiscalité dont il faut le rappeler que nous sommes les champions … du monde !

Ce constat n’est évidemment pas le résultat d’un hasard ; surtout lorsque l’on compare les performances américaines et françaises. Sur la même période, pendant que le PIB français progressait de 19%, celui des Etats Unis a progressé de 38% c’est à dire du double !

Sur une durée de 25 ans, cela fait moins de 1% de croissance par an … (0.76% l’an).

Cela est dû au fait que nous vivotons dans la croissance molle depuis 25 ans avec une perte de compétitivité lente mais réelle.

La « stratégie » des hommes de l’Etat, par ailleurs bien conscients de la situation, n’a donc eu pour but que de masquer cette réalité et de gagner du temps sans engager de réformes susceptibles de heurter la population tout en lui permettant de travailler toujours moins ; et finalement d’entretenir des cohortes d’inactifs, tout en maintenant leur pouvoir d’achat.

Seulement, le problème avec les emprunts, c’est qu’il faut les rembourser et, en fin de compte, gagner du temps n’est que le moyen de reporter les efforts à faire sur les générations suivantes car les emprunts d’aujourd’hui sont les impôts de demain !

Il s’agit là de la preuve objective la plus évidente de l’incompétence des gouvernants français qui n’ont rien fait en faveur de l’amélioration de la compétitivité économique et se sont limités à une gestion communicationnelle au jour le jour.

Mais il y a aussi une explication moins claire.

C’est la possibilité par le biais de la redistribution de contrôler la société car l’administration, par un réflexe pavlovien, veut tout contrôler et d’ailleurs, c’est elle qui décide qui a le droit de gagner de l’argent en France ; et ce système existe aussi pour les entreprises qui sont surimposées puis subventionnées … si elles se comportent bien !

Autrement dit, faire contrôler l’activité économique par une caste de bureaucrates est le meilleur moyen de tuer la croissance !

D’ailleurs, le gouverneur de la banque de France se montre finalement assez peu optimiste tout en usant d’un langage diplomatique en écrivant : « il faut sortir de l’illusion récurrente que c’est la croissance qui va régler le problème des déficits publics.»

Autrement dit, en l’état il n’y aura pas de croissance et il va falloir réduire les dépenses …

Sera-t-il écouté et surtout sera-t-il entendu par les responsables politiques ?

Rien n’est moins sûr … car on peut compter sur l’obstination des gouvernants français pour persister à nier la réalité dans le seul but de ne pas remettre en cause le système dont ils sont aussi et surtout les premiers bénéficiaires !

D’ailleurs, il circule déjà dans les rédactions de presse les éléments de langage du pouvoir selon lesquels une dégradation de la note de crédit française (qui n’a pas eu lieu) ne changera rien sur le taux des obligations souveraines.

On se rassure comme on peut …

L’exemple récent de la SNCF est là pour nous le rappeler puisque les agents du secteur public refusent obstinément de renoncer à leurs privilèges sous la menace d’une grève pendant les jeux olympiques qui « gâcherait la fête » ; à tel point qu’ils ont réussi à obtenir de la direction un contournement pur et simple de la loi sur les retraites afin de bénéficier d’un système avantageux mais extrêmement couteux de financement de « fin d’activité » autrement dit de préretraite à partir de 52 ans qui sera évidemment entièrement financé par les autres ; c’est à dire par vos impôts alors que, rappelons-le, la SNCF est cette entreprise publique en état de cessation des paiements permanent subventionné à hauteur de 15 à 20 Mds € par an (oui vous avez bien lu !).

On apprend par ailleurs que les conducteurs de la RATP sont aussi « entrés dans la danse » et recevront une prime de 2.500€ pour … ne pas faire grève pendant les jeux olympiques !

Ces jeux promettent finalement d’être surtout une fête phénoménale de la gabegie à la française !

Il ne faut donc pas s’étonner de la dérive des comptes publics dont, à la fin, personne n’endossera la responsabilité …

Tant qu’on acceptera ce genre de « compromis » basé essentiellement sur le chantage et la menace et surtout tant que la haute fonction publique considérera qu’elle peut se permettre de s’abstraire de toute contrainte comptable à propos d’une dette publique qui ne peut pas être à extension infinie, il ne pourra y avoir aucun changement.

La seule chose dont on peut être sûr c’est que, plus on attend, plus la purge sera dure … surtout si ce sont des évènements extérieurs qui nous l’imposent …

Bien cordialement à tous !

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

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