Emmanuel Macron au Rwanda, responsable mais pas coupable

E Macron vient d’effectuer une visite officielle au Rwanda et, lors d’un discours très attendu, il a reconnu les « responsabilités » de la France dans le génocide des Tutsis entre 1993 et 1994.

Nicolas Sarkozy avait déjà reconnu, à ce propos, de « graves erreurs » et « une forme d’aveuglement » des autorités françaises ayant eu des conséquences « absolument dramatiques ».

Une vérité occultée

J’ai attentivement écouté ce discours.

Au-delà des envolés lyriques et ampoulées habituelles d’E Macron, il n’y a rien dans ce discours d’important et surtout pas la relation de la vérité …

Son discours constitue une espèce d’exercice d’équilibrisme entre une vérité officielle, des actions condamnables et la nécessité de manifester une empathie pour les victimes ; le président français n’ayant pas prononcé le mot « excuses » bien que certains y aient vu une demande de pardon indirecte.

Il a parlé de « la France » sans jamais désigner par leur nom les véritables responsables de l’époque, à savoir François Mitterrand au premier chef qui est resté sourd aux mises en garde répétées des militaires sur place !

E Macron a pu affirmer : «  La France a un rôle, une histoire, une responsabilité politique au Rwanda. Elle est restée de fait aux côtés d’un régime génocidaire mais n’a pas été complice [Elle a] une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire ».

Pour E Macron, la France est « responsable » mais pas « complice » même si elle a fourni des armes, une assistance militaire et a assuré la formation des soldats de l’ethnie hutu dans le cadre de l’opération Turquoise.

On peut dès lors se demander à partir de quel moment s’établit la complicité ?

Il suffit pour cela de se référer à l’article 121-7 du Code pénal qui énonce : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. »

Et c’est clairement ce qu’ont fait les autorités françaises de l’époque. Elles se sont donc rendues complices du génocide par le biais de la fourniture de moyens tout en ne faisant rien pour l’empêcher ; n’en déplaise à M E Macron !

Le rapport Duclert est très clair à ce propos et a conclu aux « responsabilités lourdes et accablantes » de la France et à l’« aveuglement » du président socialiste de l’époque et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu soutenu alors par la France en mettant explicitement en cause ses proches conseillers, au nombre d’une dizaine, dont Hubert Védrine, alors ministre des affaires étrangères et le général Christian Quesnot, alors chef d’Etat-major.

Le Lt-Colonel Ancel, qui était au Rwanda en 1994, confirme de son côté : « Le rôle de la France a été désastreux parce qu’en réalité l’Élysée a décidé de soutenir les génocidaires avant le génocide qui a été préparé pendant de nombreuses années, mais aussi pendant le génocide et sans doute après le génocide » !

Et c’est aussi ce qu’affirme un rapport rwandais : « l’État français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible ».

Il est bien évident que les responsables français ne souhaitaient pas l’assassinat atroce, à coup de machettes, de 800.000 personnes mais il ne faut pas oublier que la France a pris parti clairement pour le camp hutu en lui fournissant des armes, en entrainant ses troupes et en lui fournissant des moyens logistiques.

En clair, les militaires français sur place n’ont commis aucun acte d’appui direct au génocide et n’ont pas de sang sur les mains mais le président de l’époque et son proche entourage portent une lourde responsabilité qu’E Macron a commodément passé sous silence !

En fait, on se rend compte qu’E Macron n’a pas pu échapper au schéma du discours de l’énarque « responsable mais pas coupable » c’est à dire qu’il a décidé d’auto exonérer la France et ses dirigeants de l’époque à propos de faits qui sont néanmoins avérés !

La réconciliation

Homme fort du pays depuis 1994, président depuis 2000, Paul Kagamé, qui est un tutsi, a salué la prestation du président français dont les paroles ont eu selon lui « plus de valeur que des excuses » alors qu’ancien chef de la rébellion, il a régulièrement accusé la France de complicité dans le génocide du printemps 1994.

Cette « réconciliation » signifie surtout que Kagamé accepte de passer l’éponge sur le fait que la France de F Mitterrand a soutenu, armé et entrainé les hutus et il serait probablement utile de se demander pourquoi ?

Alors, au-delà des mots, nul doute que, derrière cette façade très policée et consensuelle et de ces « retrouvailles », il y a une sombre histoire d’argent ; c’est à dire le versement d’une future aide économique au pouvoir rwandais qui en a bien besoin. On peut même imaginer que cette aide pourrait atterrir, comme cela est souvent le cas dans ces pays, dans la poche même des dirigeants …. Même si cette aide sera évoquée sous des termes plus valorisants !

Car, conformément à l’adage d’application constante, les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts qui, parfois, se confondent avec ceux de leurs dirigeants !

Enfin,  les français sont-ils concernés par ces palinodies ?

Non évidemment, sauf en ce qui concerne les conséquences financières car la prochaine aide économique sera financée par nos impôts  !

En déclarant « Je viens reconnaître nos responsabilités » E Macron a-t-il été mandaté par les français ou du moins leur représentation nationale ?

Non évidemment, les français n’ont pas participé au génocide, ni de près ni de loin, il n’en ont même pas eu conscience, mais on ne leur demande pas non plus leur avis quant aux engagements de leur pays à propos de faits relevant de la responsabilité d’un tout petit groupe de personnes … dont il n’est d’ailleurs pas question de mettre en cause la responsabilité !

Mais c’est une tradition de la Vème république. Le président, chef de l’Etat, des armées et de la diplomatie fait ce qu’il veut, comme il le veut, sans rendre de comptes … qu’en soit vivement remercié le Général De Gaulle qui a su mettre en place des institutions aussi peu démocratiques !

Et d’ailleurs, au-delà de ces aspects et considérations, se pose, de manière générale, la question de notre présence en Afrique, de ce que nous y faisons et du cout exorbitant que cela représente pour un pays comme la France ?

Quelques rappels …

-E Macron a récemment reçu à l’Elysée le président soudanais ; ce qui a été l’occasion d’accorder au Soudan un prêt de 1.5 Md de US$, que nous n’avons pas, pour lui permettre de solder une dette vis-à-vis du FMI ; prêt qui ne sera évidemment jamais remboursé !

-L’opération Barkhane, au Mali, dure depuis 8 ans et nous coute une fortune, sans compter les 55 soldats morts, pour des résultats totalement nuls ; Mali où, je le rappelle, la transition du pouvoir se fait de coup d’état en coup d’état ; à tel point qu’E Macron vient de menacer le nouveau pouvoir malien de retirer les troupes françaises si « le Mali allait dans le sens d’un islamisme radical » alors qu’officiellement nous y sommes tout justement pour … arrêter l’avance Islamique !

Comprenne qui pourra sauf à ce que les motifs invoqués ne soient pas les bons (certains pensent que notre présence au Mali sert surtout à protéger les mines d’uranium du Niger voisin) !

Je n’ai qu’un souhait : Mais qu’il le fasse, qu’on arrête cette opération sans but ni fin ! Nous n’avons rien à faire au Mali et rien à y gagner !

Il est d’ailleurs tout à fait symptomatique que nous soyions le seul pays de l’Union Européenne à y envoyer des troupes dans un cadre quasi colonial alors que tous les pays de l’Union Européenne ont les mêmes intérêts. Si c’était aussi important qu’on veut bien nous le faire accroire, nous n’y serions pas seuls !

-Dassault a récemment vendu 30 avions de type Rafale à l’Egypte pour un montant de 4 Md€. L’Egypte a obtenu un prêt garanti par la France à hauteur de 85 % pour financer ces achats avec encore une fois un risque évident de défaut dont le contribuable français assumera, s’il y a lieu, les conséquences !

Autrement dit, on fait financer par le contribuable les ventes d’armes d’une entreprise privée. Cela s’appelle du capitalisme de connivence et il n’est pas inutile de rappeler, qu’en matière d’exportations d’armes, le parlement français n’a absolument aucun droit de regard.

Est-ce normal dans une démocratie !?! Là encore, il faut en remercier le Général De Gaulle …

La France n’est plus qu’un abyme de dettes et E Macron trouve le moyen de continuer à jeter l’argent, que nous n’avons pas, par les fenêtres !

Mais de cela il ne sera pas question non plus ; alors que le « bon plaisir » du prince n’a pas de raison d’être dans une démocratie qui se respecte !

Bien cordialement à tous !

Licence de publication : La reproduction de cet article est autorisée à la condition de le reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur et le site originel de publication.

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles 5,00 sur 5 (6 avis)
Loading...

A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

3 réflexions sur « Emmanuel Macron au Rwanda, responsable mais pas coupable »

  1. Et ce reportage a l’époque où l’on voit le journaliste commenter pendant que derrière lui un soldat exécute à la mitraillette des gens dans une fosse.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *