Une spécialité française : la fiction de l’exonération fiscale

En cette période de honteux déficits publics, et au moment où les hommes du gouvernement cherchent des solutions aux dettes accumulées par leur seul fait, probablement au moyen d’une augmentation de la fiscalité, il n’est pas inutile de se pencher à nouveau sur un impôt à haut rendement, véritable cash machine de l’Etat-Bercy.

Le lecteur voudra bien m’excuser par avance devant la complexité des explications que je vais lui fournir ; lesquelles ne sont en fait que le résultat des manipulations fiscales de l’Etat-Bercy.

Vous connaissez surement la version officielle selon laquelle 57% des français ne paient pas d’impôt sur le revenu ; ce qui ne manque évidemment pas de réjouir ceux qui font partie de ce quota car, pensent-ils, ils ont un avantage sur ceux qui paient des impôts sur le revenu.

Le problème … c’est que c’est faux !

En fait, la proportion de français payant l’impôt sur le revenu est bien plus élevée et s’établit probablement à près de 90% mais évidemment on ne présente pas les choses sous cet angle et surtout on n’a pas donné à cet impôt le nom qu’il mérite !

Comment, on nous aurait menti ?

En fait, et de manière évidente, oui, mais, lorsque Michel Rocard, alors premier ministre de F Mitterrand, l’a mise en place, il ne fallait surtout pas choquer les français et d’ailleurs, avec son taux de « seulement » 1.1%, l’affaire est passée, si l’on peut dire, « comme une lettre à la poste » !

Ce taux « modéré » constitue en fait une nouvelle forme de l’application de la parabole de la grenouille que l’on fait bouillir à petit feu et qui ne réagit pas car, bien évidemment, en violation de toutes les promesses, cette modération n’a pas duré …

Dans un pays sur imposé comme la France, le maquillage fiscal  est une spécialité des hommes de pouvoir et il est vrai que les services concernés doivent faire preuve d’une grande imagination pour faire avaler la pilule aux français surtout lorsque l’on sait que nous avons le taux d’imposition le plus élevé au monde !

Il s’agit bien évidemment de la CSG, la désormais fameuse contribution sociale généralisée.

Nature de la CSG :

Au-delà de sa dénomination qui ne veut rien dire, cette contribution sociale n’est pas une cotisation sociale puisqu’elle n’ouvre pas droit aux prestations sociales de la sécurité sociale.

Elle en fait un impôt (une taxe selon les mots de la DGFIP) affecté au financement de la sécurité sociale ce qui a été confirmé par Michel Taly, directeur du Service de la législation fiscale de 1989 à 1995, selon lequel la CSG, « touchant tous les revenus et ne comportant aucune contrepartie directe en termes de prestation, est incontestablement un impôt sur le revenu, qui rapporte d’ailleurs plus que l’impôt sur le revenu lui-même ».

Et le dernier doute se lève lorsque l’on sait que la CSG n’est que partiellement déductible des revenus imposables (et non de l’impôt sur le revenu comme indiqué de manière volontairement erronée par les services de l’Etat-Bercy).

Enfin, elle est appliquée sans abattement et son taux est progressif, en fonction des revenus, tout comme l’IRPP !

C’est le deuxième impôt en termes de recettes derrière la TVA.

Suprême astuce, le système est ainsi fait que bien peu de personnes connaissent le montant de la CSG qu’ils acquittent alors que la CSG rapporte plus que l’IRPP (142 Mds€ contre 98 Mds€) !

Posez-vous la question : combien de CSG est-ce que je paie ? Et vous verrez que vous êtes incapable de donner une réponse !

Si, selon les services du fisc, 70 % de la recette de l’Impôt sur le Revenu est fournie par les 10 % des foyers les plus aisés (ceux qui ont un revenu fiscal de référence de plus de 50 000 €), l’assiette de la CSG est beaucoup plus large puisqu’elle est payée par … presque tout le monde !

Meilleure preuve il est impossible de connaître le nombre de personnes exonérées !

En fait, il faut vraiment n’avoir pratiquement aucun revenu pour ne pas la payer car cela ne concerne que les personnes du premier décile !

Pourquoi la CSG :

La CSG a été mise en place pour financer les dépenses de sécurité sociale mais elle sert aujourd’hui aussi à financer d’autres dépenses dont certaines ayant trait à la dépendance ou à l’assurance chômage ; c’est à dire que les buts initiaux, comme c’est trop souvent le cas en France, ont été dévoyés ; notamment parce que la tentation d’un alourdissement de la fiscalité est une constante des dirigeants français.

Ce à quoi les « responsables » vous répondront qu’ils n’ont … pas eu le choix.

A l’origine, elle avait pour but de faire face à l’augmentation constante des dépenses sociales et de transférer une partie des cotisations sociales assises sur les salaires afin d’en alléger la charge et, en cela, on a copié certains pays nordiques pour lesquels les dépenses sociales sont financées par l’impôt et non par les cotisations sociales.

Un système complexe :

Les différents gouvernements pris entre des « nécessités budgétaires » (comprendre dettes insolubles du fait de dépenses qu’on ne veut pas réduire) et un évident clientélisme électoraliste, le taux originel de 1.1% a … divergé et la CSG est devenue progressive !

Désormais, il existe, à l’heure actuelle, 4 taux différents qui correspondent en fait au barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP).

Un taux zéro, un taux réduit à 3.8%, un taux médian à 6.6%, un taux normal à 8.3%.

A ces taux, il faut ajouter (sauf pour le taux zéro) la CRDS au taux de 0.50% (contribution au remboursement de la dette sociale) qui devait être temporaire mais qui est devenue … définitive.

Ces taux s’appliquent en fonction du RFR (revenu fiscal de référence).

En outre, la CSG n’est que partiellement déductible du revenu pour les tranches à 6.6 et 8.3%.

Ces règles posées, vous allez voir que le diable se tapit dans les détails que l’on peut ramener à 2 questions simples : que se passe-t-il lorsque les revenus baissent ou montent et que vous franchissez les seuils fixés selon le tableau ci-dessus.

On peut imaginer que le taux de CSG varie …

Pas si simple … et mon expérience personnelle m’a fait découvrir des aspects insoupçonnés de cette branche de la fiscalité.

1er cas de figure : vos revenus baissent :

Je vous invite, pour cela, à vous replacer dans le contexte en vous référant à un article paru le 22 mars 2018 dans lequel je relatais mes relations épistolaires houleuses avec la DGFIP à ce propos.

La question évoquée était que, bien qu’ayant vu mes revenus baisser fortement et que ceux-ci étaient passés en dessous du seuil d’exonération, je me retrouvais néanmoins toujours assujetti à la CSG !

L’essentiel de l’explication tenait au fait qu’il fallait en fait attendre d’avoir des revenus en dessous du seuil d’exonération pendant 2 années de suite pour pouvoir prétendre à l’exonération.

L’exonération ne joue donc qu’à partir, en fait, de la troisième année.

Le constat que je faisais à l’époque était qu’avec des revenus inférieurs au RSA (lequel est exonéré de CSG), je restais assujetti à la CSG parce que je devais être en dessous du plafond pendant 2 années de suite.

J’ai pris cela pour une aberration fiscale en contradiction avec le principe de l’égalité fiscale tant vantée par le pouvoir.

Il ne faut pas se leurrer ; ce n’est pas un hasard si le système est ainsi conçu car il n’y a aucune raison objective justifiant ce délai de 2 ans !

Le but est évidemment de collecter un maximum d’impôt jusques et y compris sur les retraités qui ont les revenus les plus faibles !

2ème cas de figure : vos revenus montent 

Bien évidemment, depuis 2018, ma situation a évolué notamment parce que je suis devenu retraité en 2021 (à 63 ans).

Mes revenus ont fait un bon significatif à 1.100€ par mois et, du coup, j’ai dépassé de 284€ le plafond d’exonération fixé en 2024 à 12.230€/an.

J’ai cru naïvement que, dans le cadre d’un parallélisme fiscal, en rapport avec ma situation de 2018, je ne redeviendrai imposable qu’après un dépassement du plafond pendant 2 années de suite.

Je me basais, pour cela, sur le site officiel de la DGFIP sur lequel vous pouvez lire un alinéa lapidaire et succinct rédigé comme suit :

Le passage du taux zéro (ou réduit) au taux médian (ou normal) ne s’applique que si vos revenus vous ont fait franchir le plafond du taux réduit 2 années consécutives.

duquel je n’ai retenu, à tort, que la fin de la phrase « ne s’applique que si vos revenus vous ont fait franchir le plafond du taux réduit 2 années consécutives »

Erreur grave dont je n’ai pris toute la mesure que lorsque j’ai constaté que les différentes caisses de retraites se sont mises à amputer, sans aucune explication, mes pensions du montant de la CSG au taux de 3.8% et de la CRDS au taux de 0.5%.

J’ai bien essayé d’obtenir des explications auprès des différentes caisses de retraite … sans résultat … jusqu’à ce que je contacte le centre des pensions de la fonction publique de Rennes dont je dépends et qui me verse une pension de réversion en raison du décès de mon épouse qui était fonctionnaire.

Voici la réponse :

Suite à votre mel du 30 janvier 2024, je vous rappelle que les règles de “lissage”  ne concernent que les pensionnés qui sont totalement exonérés de cotisations sociales une première année et qui devraient repasser en cotisations sociales à taux plein (9.1%) ou à taux médian (7.4%) la deuxième année mais qui passent, avec cette règle de lissage, en taux réduit (4.3%).

Aucune règle de lissage ne s’applique pour les retraités qui, comme vous, ont été exonérés de toutes cotisations pendant 3 ans. Par conséquent, cette année votre RFR correspond à l’application du taux réduit sur votre pension.

Texte particulièrement obscur vous en conviendrez et inexact, car nous savons que la CSG n’est pas une cotisation sociale mais un impôt, … qui m’a permis d’apprendre une nouvelle expression : le lissage fiscal.

J’ai alors compris que l’exonération n’a lieu qu’en cas de passage du taux zéro ou du taux réduit au taux médian ou normal mais pas en cas de passage du taux zéro au taux réduit …

Je n’ai pas pu résister à la tentation d’une réponse sarcastique dont je vous livre la teneur.

Je vous remercie pour votre réponse qui m’a permis effectivement de retrouver les données fiscales applicables ; car vous êtes bien le seul à m’avoir fourni ces explications parmi les 4 régimes dont je dépends.

 Je ne comprends d’ailleurs même pas que les administrations et caisses de retraites puissent appliquer des règles aussi complexes sans aucune explication vis-à-vis des ayant droits.

 Cela m’amène vous faire quelques observations qui évidemment ne serviront à rien … tout en sachant que vous n’êtes pas personnellement responsable de cette situation.

 Avec un RFR pour 2022 (impôts de 2023) de 12.514€, je dépasse donc de 284€ le plafond d’exonération fixé à 12.230€.

 Par contre, j’ai calculé que je vais me retrouver à devoir payer en 2024 la CSG et la CRDS pour un montant de 600€ par an !

 Voilà un effet de seuil particulièrement bien ressenti !

 Par ailleurs, j’ai bien compris que le lissage n’avait lieu qu’au profit du Trésor Public puisque, avant d’être exonéré, j’avais pour seuls revenus la pension de réversion de mon épouse prédécédée de 540€ par mois (versée par vos services) et que les services de la DGFIP m’ont expliqué, sans aucun complexe, que j’étais obligé de payer pendant deux années la CSG alors que mes revenus étaient inférieurs au RSA (qui lui est exonéré).

 Par ailleurs, bien évidemment, fort de ce même principe, et bien que mes revenus vont évidemment revenir « avec un peu de chance », du fait du prélèvement de la CSG (déductible), en dessous du plafond d’exonération, je demeurerai encore assujetti, du fait du lissage, pendant 2 années avant d’être à nouveau exonéré !!!!

Conclusion imparable : en étant en dessous du plafond 2 années sur 3 je vais me retrouver exonéré une année sur 3 !

Tout simplement prodigieux !

Après la fiction du consentement à l’impôt, on a désormais la fiction de l’exonération !

On a du mal à y voir justice et équité fiscale …on se situe plutôt dans un système fiscal totalement hypocrite et pervers dans lequel, si l’on est à la limite du plafond, on n’est finalement exonéré, malgré des revenus très faibles, qu’une année sur trois de cet impôt sur le revenu déguisé qu’est la CSG !

 Pensez-vous sérieusement qu’en appliquant des règles pareilles, alors que mes revenus se situent à la limite du seuil de pauvreté, nous devenions des citoyens respectueux et obéissants alors que c’est le gouvernement qui a déclenché, avec sa politique du kouakilenkout, une inflation délirante qui lamine littéralement nos revenus lorsqu’on va à Lidl faire ses courses ?

Bien évidemment, ce courrier n’a appelé aucune réponse.

On ne trouve en fait l’info juste que sur le site de la CFDT retraités

Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 le franchissement du seuil de la CSG à taux réduit de 3,8% à un taux supérieur (6,6% ou 8,3%), et le passage du taux zéro de Casa au taux normal de 0,3% ne se feront que si le ménage fiscal dépasse deux années de suite le seuil du taux réduit du barème.

Dit autrement, le taux médian ou le taux normal sont prélevés si le revenu fiscal de référence dépasse le seuil d’assujettissement à la CSG à taux réduit pendant 2 années consécutives (revenu fiscal de référence figurant sur les 2 avis d’impôt précédents).

Attention, il n’y a pas de lissage si on passe du taux zéro au taux de 3,8% ou du taux de 6,6 au taux de 8,3%. La CFDT Retraités regrette que le lissage ne s’applique pas à tous les taux.

Conclusion :

Vous l’avez compris, si vos revenus se situent juste au dessus du seuil d’exonération, vous ne serez finalement exonéré qu’une année sur trois et le lissage fiscal est en fait un concept qui ne bénéficie qu’à l’administration fiscale.

La fiscalité est devenue tellement complexe que les règles fiscales défient toute logique pour ne pas dire qu’elles sont probablement à la limite de la constitutionnalité du fait de la violation manifeste de nos principes républicains d’égalité de traitement.

Est-ce rassurant ?

Bien évidemment non !

Y a-t-il une justification à cette différence de traitement ?

Non, aucune et il n’y a pas d’autre explication que celle d’un refus de l’Etat-Bercy de laisser des personnes à faibles revenus ne pas « passer à la caisse » !

L’Etat-Bercy n’y a vu qu’un odieux manque à gagner !

Il faut dire qu’avec la frénésie de dépenses des petits hommes gris de l’Etat, la recherche de « gisements fiscaux » est devenue un souci permanent.

Dura lex, Sed lex ! (*)

Bien cordialement à tous !

 

(*) La loi est dure mais c’est la loi.

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

3 réflexions sur « Une spécialité française : la fiction de l’exonération fiscale »

  1. Super votre article ! J’ai la chance de régler d’acompte de CSG plus de 2000 € par an, d’avoir un RFR supérieur à 50.000 €, de ne pas payer d’impôt et de ne pas avoir tout compris dans vos raisonnements.
    Mais sur le fond, je participe pleinement.
    VIVE LA LIBERTÉ ÉCONOMIQUE.
    Cordialement

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