Une mondialisation de la fiscalité se met-elle en place ?

Les pays du « G7 Finances » (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.) viennent de se réunir à Londres et se sont engagés sur l’objectif d’un taux d’impôt minimal mondial sur les sociétés « d’au moins 15% ».

Cet engagement a été pris à l’initiative des Etats Unis et du nouveau président démocrate J Biden ; au rebours de la politique de D Trump qui avait fortement réduit les impôts sur les entreprises dans le but de favoriser leur retour aux Etats Unis.

Les USA sont passés de l’incitation fiscale à la contrainte fiscale notamment en raison des énormes plans de relance annoncés et de la distribution de chèques à chaque foyer, et se retrouvent dans l’obligation d’augmenter fortement les impôts ; ne serait-ce que pour éviter d’utiliser de manière continue et abusive la planche à billets porteuse d’inflation et de dérèglement de l’économie.

Les pays du G7 veulent surtout mettre fin à la concurrence fiscale qui s’est mise en place du fait de la globalisation des échanges (appelée aussi mondialisation) et qui a conduit, depuis trente ans, à une chute importante des recettes fiscales issues des entreprises alors que, parallèlement, le mouvement général de socialisation des sociétés a conduit à une explosion des dépenses publiques et logiquement a rendu les Etats de plus en plus dépendants de leurs recettes fiscales.

Des règles d’application mondiale

Cet impôt serait appliqué au lieu d’implantation du siège social et on peut considérer que cette démarche n’est pas illégitime lorsque l’on sait que le taux moyen d’imposition des multinationales est de 7.5% et que certaines, particulièrement les GAFAM, ne paient pratiquement rien … tout en réalisant des centaines de milliards de chiffre d’affaires.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne ont déjà mis en œuvre leur propre taxe numérique.

Alors qu’au départ, on parlait d’un taux de 21%, ce taux mondial, bien que ramené à 15%, aboutirait donc au doublement du taux moyen effectif actuel particulièrement bas …

Tout la difficulté sera évidemment d’imposer cette mesure à tous les Etats de la planète, y compris ceux qui n’ont pas participé à cette réunion et surtout aux paradis fiscaux ; et là cela risque d’être extrêmement complexe surtout que les entreprises visées n’hésiteront pas à transférer leur siège social vers des pays qui refuseront d’appliquer cette règle fiscale.

Il faudra déjà que cet engagement soit ratifié par les pays de l’OCDE ; or, rien que dans l’Union Européenne, nous sommes déjà en présence d’une ligne de partage entre les Etats qui cherchent des ressources budgétaires (France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas) et ceux qui ont fondé leur modèle économique sur une fiscalité attractive (Irlande qui pratique un taux de 12.5%, Hongrie, Bulgarie, Chypre, Malte, Luxembourg et même la Suisse qui applique dans certains cantons un taux inférieur à 12%).

C’est donc pour l’instant essentiellement une gesticulation médiatique destinée à amuser le bon peuple et à lui faire croire que ce seront les autres qui paieront les impôts nécessaires pour rembourser les dépenses publiques engagées depuis un an et demi !

Madame Yellen, secrétaire d’Etat au trésor de J Biden ne vient-elle pas d’affirmer « Cet impôt minimum mondial va mettre fin à la course au moins-disant fiscal pour les entreprises, et contribuer à plus d’équité pour la classe moyenne et les travailleurs aux États-Unis et à travers le monde ».

La situation française

Bruno Le Maire n’a pas pu s’empêcher d’exulter en affirmant qu’il s’agissait d’un accord « historique » tout en prétendant que cette décision avait été prise à l’initiative de la France alors que l’on sait que nos élites cherchent à taxer les géants du numérique qui, jusqu’ici, ont réussi globalement à échapper à l’impôt français !

Seulement, à bien y regarder, ce taux de 15% n’est pas vraiment comparable avec les taux pratiqués en France ; ce qui explique d’ailleurs que Bruno Le Maire ait ensuite affirmé  « c’est un point de départ et dans les mois qui viennent nous allons nous battre pour que ce taux d’imposition minimal soit le plus élevé possible » c’est à dire le plus proche possible des taux pratiqués par la France !

Et on comprend mieux le sens de cette déclaration lorsque l’on sait que le taux d’impôt sur les sociétés français varie de 26.5 à 27.5% en fonction du Chiffre d’Affaires et qu’il est donc largement supérieur au taux moyen d’impôt sur les sociétés dans le monde qui se situe lui à 22% !

Et encore, ces taux français ont-ils baissé ces dernières années parce qu’ils se situaient encore, il y a peu, à un niveau bien supérieur … vraiment trop pénalisant (au-delà de 30%) ; ce qui explique d’ailleurs le manque de compétitivité des petites et moyennes entreprises françaises, qui ne disposent elles aucun moyen d’évitement fiscal et paient donc bien plus que cette moyenne mondiale de 22% ; enfin pour celles … qui font des bénéfices !

Car, la France fait figure à cet égard de véritable précurseur c’est à dire qu’elle cherche à tout prix à récupérer des recettes fiscales après avoir tari leur source du fait d’une politique fiscale qui a totalement laminé notre secteur industriel avec des entreprises qui ont soit disparu soit délocalisé !

N’oublions pas non plus que le grand fantasme des élites françaises, qui sont toutes, il faut le rappeler, des fonctionnaires payés par les impôts des autres, est d’augmenter les impôts et surtout de resserrer les mailles du tamis pour augmenter le rendement fiscal !

La logique des petits hommes gris de l’Etat étant d’engager toujours plus de dépenses du fait de l’augmentation permanente de leur sphère d’intervention, cette augmentation s’accompagne en retour d’une augmentation inéluctable de la pression fiscale et explique que nous soyons passés de l’impôt volontaire et citoyen à l’extorsion fiscale, voire même parfois à la spoliation pure et simple !

On se situe là évidemment au niveau de la conception française de l’impôt redistributif et solidaire qui peut tout et surtout de remodeler la société en luttant contre les inégalités … en contradiction flagrante avec les principes constitutionnels affirmés dans la déclaration des droits de l’homme de 1789 !

Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. 14. Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

Fatalement, dans cette logique, on comprend que tout bénéfice non taxé par l’Etat constitue un « manque à gagner » vite requalifié, pour les besoins de la cause, de fraude fiscale et on sait que les services de Bercy évaluent le montant de cette fraude fiscale à l’aune de déficits budgétaires essentiellement liés à une mauvaise gestion de la part de ces mêmes fonctionnaires !

En outre, on sait que l’évasion fiscale est un exercice très difficile en France du fait des très importants moyens de traque mis en place !

Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est qu’un pays surimposé comme la France se retrouve, de facto, entouré de paradis fiscaux relatifs et que cela provoque à la fois une perte de compétitivité et la fuite des entreprises qui recherchent de meilleures conditions d’activité.

On comprend alors que la notion de paradis fiscal est une notion relative qui n’existe que par rapport aux enfers fiscaux et que la France est bien un enfer fiscal !

Il eut été souhaitable, au lieu de fixer un taux minimal d’imposition, qu’on fixe un taux maximal d’imposition … Mais, il faut être lucide, à 15% l’impôt sur les sociétés mondial sera toujours d’un montant beaucoup trop faible par rapport à la pratique fiscale française !

Augmenter l’impôt moyen mondial, c’est donc diminuer la concurrence fiscale face à laquelle l’Etat fonctionnaire se trouve totalement démuni et le fantasme des petits hommes gris de l’Etat est donc de faire monter le taux d’imposition des autres pays au taux français !

Et c’est d’ailleurs là que se situe désormais la marge de progression fiscale (les spécialistes parlent de « nouveaux gisements fiscaux ») surtout qu’il va falloir un jour renflouer les caisses étatiques vidées par les politiques budgétaires récentes (quoiqu’en France, elles étaient déjà vides) ce que l’on peut traduire par l’expression suivante :

Après avoir complètement essoré les entreprises françaises, Bercy veut s’attaquer aux entreprises situées à l’étranger !

Vaste programme !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

3 réflexions sur « Une mondialisation de la fiscalité se met-elle en place ? »

  1. L’impôt sur les bénéfices détruira donc l’emploi. Ce qui tombe bien, le but du socialisme étant d’instaurer la dépendance. Comme en URSS, les salariés français pourront aller picoler au bistrot pendant leurs heures de travail.

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