Rencontre avec l’évidence : la liberté inversée

L’évidence, c’est le truc tellement naturel ou habituel que — bien que l’ayant journellement sous le nez — on ne le voit plus.

Messieurs Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet, professeurs réputés en sciences religieuses à la Sorbonne, ont coécrit : « Qu’est-ce que le Shî’isme ? ».

Ce livre, un peu ardu pour le néophyte que je suis, peut être lu comme un guide vers une tradition religieuse folklorique ou, ainsi que je l’ai lu, comme un fil d’Ariane à tirer pour comprendre les ressorts de cette organisation religieuse et politique particulière qui, comme toutes les autres, vise à la maitrise des masses au bénéfice d’une minorité.

Ici, les imâms font très fort, et page 348 les auteurs nous donnent la clef : « La liberté se trouve dans la soumission »!!!

Cette conclusion m’a dans un premier temps fait sourire, sans doute suis-je un peu naïf. En effet, à la réflexion, il n’y a pas de quoi sourire.

Car, finalement, il n’y a pas une grande différence entre cette religion, que chacun s’accorde à trouver moyenâgeuse, et notre propre organisation sociale.

La liberté se trouve dans la soumission : « Bonsanmécébiensur » comme dirait le commissaire Bourrel. Voyons voir ça.

La liberté c’est Janus, elle a deux visages selon qu’on la vit ou qu’on la regarde.

Vue de l’extérieur, la liberté consisterait à faire ce que l’on veut.

Dans l’absolu, l’homme libre ne redoute nulle situation. Son intelligence et son courage sont censés lui permettre d’affronter et de régler tout problème. Ne dit-on pas que la volonté permet de déplacer les montagnes. Rien donc, pour la légende, ne peut entraver la liberté, pour peu que ceux qui luttent pour en jouir s’engagent totalement.

Eventuellement, on peut accepter qu’ils y laissent la peau, mais alors c’est tout bénéfice pour leurs successeurs qui ne manqueront pas de récolter les fruits de leur sacrifice, jouissant ainsi intégralement de la liberté posthume des héros.

Ça c’est l’image d’Epinal de la liberté en France.

Dans la pratique, la liberté ne peut se développer que dans un espace qui lui est dédié, où sont aussi présents la tolérance, le respect de cette liberté, de ses fruits, et des difficultés qu’elle génère, l’acceptation que tous n’y accéderont pas : beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Certains prétendent que la France a été cet espace, je n’en sais rien, je n’y étais pas et je me méfie de l’histoire.

Vue de l’intérieur, la liberté se complique, elle se heurte à l’environnement matériel rarement coopératif, mais surtout aux autres hommes. Par ailleurs, un frein très efficace entrave la liberté, c’est la responsabilité qu’elle implique.

Pris entre les complications pratiques et les comptes à rendre, les candidats à la liberté doivent faire face à bien des difficultés pour en jouir. Seuls les téméraires vont au bout, prennent le vrai risque libertaire. Pour les autres, il faudra se contenter de la liberté inversée.

La liberté inversée

La plus grande masse est irrémédiablement attirée par l’idée de la liberté inversée, c’est-à-dire par l’absence de responsabilité qui à elle seule fournit une impression de liberté.

Evidemment, cette absence de responsabilité n’est pas réelle, il s’agit d’un simple transfert. Entendons nous bien, il n’est pas d’action qui n’enchaine pas de conséquence, donc de responsabilité.

La liberté inversée, dans notre démocratie laïque, consiste à déplacer les conséquences — et donc la responsabilité — des actions vers une structure globale, l’Etat, à laquelle les acteurs ont été au préalable irrémédiablement soumis.

Pourtant cette structure est une vue de l’esprit — un mirage de magicien – installée, à leur seul bénéfice, par des escrocs qui se font appeler « les hommes de l’Etat ». En effet, certes la responsabilité devient inaccessible, ne peux qu’être très difficilement engagée, mais elle reste présente, elle empoisonne durablement l’atmosphère et en devenant factuelle elle déstabilise l’édifice social.

Deux exemples pratiques

Les fonctionnaires :

Une immense majorité de français rêvent pour eux-mêmes ou pour leurs enfants du statut de fonctionnaire. Qu’est le statut de fonctionnaire si ce n’est la soumission à une structure globale l’Etat, en vue d’échapper à la responsabilité personnelle de ses actes ? Tout le monde, y compris eux-mêmes, s’accorde à reconnaître la « liberté » qu’offre aux fonctionnaires leur soumission à l’Etat.

Les professions libérales :

Ceux qui les pratiquent prennent très vite conscience du prix à payer et comprennent très rapidement que la liberté qu’ils pensaient trouver n’existe pas. Ils ne sont pas libres, ils sont seulement indépendants, ce n’est pas pareil. Ils paient cette indépendance du prix de leur liberté, réduite à néant par leur responsabilité — sans cesse mise abusivement en avant au point de les paralyser totalement — et par l’irrespect total des fruits éventuels de cette liberté.

La réflexion, même comme ici superficielle, sur les liaisons entre la liberté et la soumission laisse un goût amer pour celui qui, comme moi, n’y avait pas réfléchi plus que ça.

Allons plus loin

La liberté inversée, cet ersatz de liberté, nous soumet insidieusement et nous prépare à des soumissions plus graves à venir.

C’est ainsi que la soumission peut devenir naturelle au point de n’avoir pour objectif dans la vie d’un homme ou d’un peuple que de choisir son maître, celui à qui l’on va aveuglement se soumettre.

Nos démocraties n’en sont-elles pas là ? Bien sûr que si, pas besoin d’un dessin.

Bien plus grave

Cette adhésion de nos démocraties à la liberté inversée, fille de la soumission, est enseignée à longueur de journée à nos jeunes, y compris à ceux qui en banlieue savent qu’ici la soumission qu’on leur enseigne ne débouchera même pas pour eux sur la liberté inversée.

Comment s’étonner que, formés ainsi, ils aillent ensuite se soumettre ailleurs, en espérant  jouir de la liberté inversée, la seule qui leur a été apprise, qui corrobore celle que prêchent les imâms.

Au terme de ma réflexion je comprends que notre pays, nos socialistes champions de la liberté inversée, ont éradiqué l’idée de la vraie liberté individuelle et de ses corollaires la responsabilité individuelle et la prise de risque, que ce sont eux qui ont ainsi fait le lit du terrorisme local qui les scandalise, qui n’est que l’absolu de la soumission en échange de l’absolu la liberté inversée.

Bien cordialement. H. Dumas

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles 5,00 sur 5 (1 avis)
Loading...

A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

2 réflexions sur « Rencontre avec l’évidence : la liberté inversée »

  1. Bien entendu, « que »… aujourd’hui… il FAUT être Fonctionnaire…Paroles d’un vieil indépendant…
    Il faut casser le mythe, et le rêve d’être Indépendant..il ne faut plus tromper les Jeunes…Etre Indépendant : STRESS, NUITS SANS SOMMEIL, CRISE D’ANGOISSE, PLEURS, VIE DE FAMILLE COMPLIQUEE(CONFLITS, INCOMPREHENSION…DIVORCE)…ET…Finir Ruiné…ou SUICIDE…
    LE CHOIX est FACILE…
    Bon courage a tous les futurs indépendants…avec mes 66ans…je n’ose même pas me promettre, ni me permettre de retraite…mes (ex) copains Fonctionnaires, sont déjà fatigués de leur retraite(déjà 11 ans, voir plus pour certains)…Liberté, EGALITE, Fraternité….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *