Récréation ou Une journée au Palais Bourbon.

Invectives et rigolades, appels au calme, rappels au règlement, départs précipités, bancs vides, déclarations solennelles, brouhaha, hommages, Marseillaise…

C’est un lieu merveilleux où les acteurs sont dans la salle, et le public dans les coulisses. Acteurs et public ne se voient jamais mais ne peuvent se passer l’un de l’autre. L’œil de la caméra demeure leur seul lien. Pas de répétitions. Pas de reprise. Le direct est roi. Et comme trop souvent, les acteurs en rajoutent. Les cabots se prennent au jeu. Être vu reste l’essentiel. Suivre la caméra demeure l’objectif. La performance s’impose.

Loin de la scène, dans son univers éclaté, le public est juge du spectacle. En invité permanent, il est imprévisible. Trop divers, venant de partout, des beaux quartiers et des « quartiers », de la campagne et de la rue, analphabète ou cultivé, sans ressources ou gâté, ouvrier ou patron, c’est lui le peuple pour lequel ils jouent.

Peuple anonyme, écartelé, déchiqueté, tel que se l’approprient par tranches de partis, dans le temple de la démocratie, les acteurs de notre quotidien.

Le public est une mosaïque brisée.

Leur part de public, les acteurs ne peuvent en jouir qu’à temps partiel, le temps de reconstituer, seulement pour un temps, un pan de la mosaïque. Un public à conserver sous son emprise le plus longtemps possible. Tel est l’enjeu. Toutes les troupes sont en scène, en même temps et jouent leur partition face à l’œil noir de la caméra qui ne manque rien et face à ce public qu’ils ne peuvent pas voir. « Commedia dell’ arte ». Cacophonie.

Des improvisations de bon ou mauvais goût pour racoler leurs ouailles.  On les pêche au petit bonheur de tous les bords de l’hémicycle ! Ce qui donne aux débats, tantôt cet air bonhomme, parfois joyeux, tantôt celui d’un drame sous-jacent, tantôt celui d’une explosion de haine. Et tout cela en même temps au gré des rôles distribués.

Vu à travers l’écran, c’est un charivari.

Ou une récréation. La séance publique est un temps de décompression.

Ainsi en est-il des débats à l’Assemblée Nationale. Tant pis pour ceux qui voudraient y trouver l’enseignement de la République. Il y découvrent l’expression de la démocratie, diverse, d’expression populaire, bouffie de sentiments mais pauvre de raison.

Pour ne pas bouder son plaisir, il suffira de qualifier de distraction l’enseignement civique.

Comme Alice, il faudra pour cela passer de l’autre côté du miroir et se mêler au jeu de rôles. Se distraire du quotidien. Ce n’est plus de nos vies qu’il s’agit mais de leur interprétation.

Décidons simplement que c’est la vie des autres, et pas la nôtre.

Pour ce qui est de nous, il suffit d’éteindre l’image. Et revenus chez nous, dans le monde réel, remettons-en à nous.

Tout cela n’a aucune importance. Ce n’est que le vernis de la démocratie. Du théâtre.

Il suffit de faire semblant.

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Une réflexion sur « Récréation ou Une journée au Palais Bourbon. »

  1. On peut facilement éliminer ou d’identifier une vraie dictature, mais il est très difficile d’éliminer une fausse démocratie.=  » La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où grâce à la consommation et au divertissement les esclaves auraient l’amour de leur servitude. » Aldous Huxley (1864-1963), écrivain britannique, auteur du livre « Le Meilleur des Mondes »

    « Tous ces mensonges en France qui vous font croire que l’économie se porte bien” – Myret Zaki, qui s’indigne ?, cliquez pour écouter= https://www.youtube.com/watch?v=9u_UrufDdAI

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