L’expert en tableau a-t-il vocation à devenir peintre ?

Les critiques ou les historiens de l’art n’ont pas vocation à devenir artistes. En règle générale, ils ne le revendiquent pas. Ils connaissent la différence entre la création et la consommation d’art, entre l’acteur et le spectateur.

Ils ont évidemment une action sur l’art, mais à la marge. Leurs erreurs sont légendaires, nul n’y prête une grande attention, pas plus les artistes que les amateurs d’art.

Il n’en est pas de même pour les économistes, dont la prétention et l’omniprésence dans l’économie fait des ravages. Si l’on exclut ceux de l’école autrichienne, qui se contentent d’un rôle d’observation et revendiquent une non intervention qui est le fond même de leur pensée, les autres sont terriblement envahissants.

Ils ne doutent de rien. Par exemple, Jacques SAPIR n’hésite pas à écrire ceci : « On a déjà vu des agrégés de lettres devenir banquiers, on n’a jamais vu l’inverse ». Pas mal, non ? Il se lâche ainsi dans un ouvrage où par ailleurs chaque mot est maitrisé, où il étale ses connaissances livresques qui sont faramineuses, accompagnées d’un vocabulaire accessible mais au prix d’un effort pas « facile-facile ».

Il ne lui vient pas un instant à l’esprit que la banque puisse être humainement plus passionnante, plus concrète, qu’ainsi elle puisse envahir toute une vie, pendant que les lettres peuvent rester au niveau du simple plaisir annexe, sauf pour certains à qui l’action fait peur, ce que l’on peut comprendre sans pour autant les mésestimer.

En ce qui concerne ce qu’il appelle la « microéconomie », c’est-à-dire vous et moi, il fait preuve non seulement d’incompétence totale, mais aussi de la plus grande mauvaise foi.

Par exemple, il met en avant la théorie, parfaitement acceptable, du « joueur en premier » et du « joueur en second ». De façon très convaincante, il démontre que celui qui prend la décision en second est avantagé par rapport à celui qui prend sa décision en premier. Par exemple, l’acheteur qui paie un produit joue en premier sans connaître parfaitement le produit qu’il achète, pendant que le vendeur, qui joue en second, reçoit le prix, donc un billet parfaitement connu de lui, pour une marchandise dont il connaît éventuellement les défauts. Il en conclut qu’il ne peut y avoir transaction sans protection par contrat du joueur en premier, ici l’acheteur. Que donc l’équilibre naturel des transactions n’existe pas sans une organisation sociale protectrice, il pense ainsi légitimer l’intervention de l’Etat législatif dans l’acte économique.

Le décalage de temps d’accès aux informations lui parait un obstacle sérieux à l’équilibre naturel de l’économie, auquel il ne croit pas, c’est le moins que l’on puisse dire.

Puis, soudain, il triche comme un malade. Il décide arbitrairement de la tranche de temps qui l’arrange.

Il prend l’exemple des salariés dans une usine en difficulté à qui l’on demande un effort pécuniaire. Il considère qu’ils sont les joueurs en premier, que le patron qui leur promet un avenir meilleur en échange de cet effort est le joueur en second qui n’est pas engagé, pendant qu’eux en acceptant la diminution de leurs salaires le sont. C’est ainsi qu’il conclut que l’Etat doit intervenir dans le débat et contraindre le patron.

Là est la tricherie, car ce n’est pas à ce moment que le temps s’est engagé entre le patron est les salariés, c’est le jour de la signature du contrat de travail.

Si l’on suit la théorie stupide de M. SAPIR, lorsque le patron a engagé les salariés on peut supposer que l’entreprise se portait bien. Que cela a duré un certain temps. Qu’alors les salariés ont demandé des augmentations. Ce jour là, le patron était le joueur en premier, en acceptant ces augmentations il ignorait si son entreprise continuerait à aller bien, le profit était pour les salariés joueurs en second. Si l’on suit la théorie de M. SAPIR, jamais le patron, joueur en premier ne devrait accepter une augmentation qui risque de le mettre un jour en difficulté.

Donc, c’est nul, ça ne marche pas.

Toujours dans ce même ouvrage, M. SAPIR attaque la théorie de l’équilibre naturel et la compare à une croyance, pendant qu’il prétend que l’économie vue par lui serait une science.

Il confond les mathématiques et la science. Oui, l’économie a besoin des mathématiques pour faire les comptes, pour quantifier ses résultats, mais certainement pas pour exister.

L’économie est avant tout une activité intellectuelle, largement aussi cérébrale que ce qu’il appelle les « lettres ». Pas plus que pour elles il n’est raisonnable de lui imposer la force, la censure, quelque soit l’excuse mise en œuvre dans ce but.

L’économie nait du hasard et du besoin.

Voici un exemple simple. Du niveau de la « microéconomie ».

Les locations meublées d’été se pratiquaient artisanalement par des particuliers, ou industriellement par des professionnels locaux ou nationaux. Tout cela encadré de façon très rigide. Puis est arrivé internet.

Chacun a pu mettre à la location ou prendre en location son ou ses meublés d’été sur des sites spécialisés. Le succès remporté a deux effets, imprévus de M. SAPIR :

– Une nouvelle profession s’est créée en interface entre le loueur et le locataire. Cette profession s’appelle « conciergerie ». Elle fait les états des lieux, le ménage de sortie, et l’accompagnement du locataire en cas de problème dû au logement pendant la durée du séjour. Pendant que loueurs et locataires contractent directement, évitant ainsi des frais intermédiaires.

– Les professionnels locaux ou nationaux de l’ancien système ont du souci à se faire. Leur activité doit-elle être artificiellement soutenue par l’Etat ?

Voilà un coup que les économistes mathématiciens n’ont pas vu venir. Il y en a ainsi des milliers.

En désespoir de cause, conscient que tout cela ne peut pas être appréhendé logiquement, mais planificateur et désireux de voir l’Etat intervenir pour pallier à l’irréalité prétendue par lui de l’équilibre économique naturel, il qualifie cet équilibre naturel de « croyance ».

Ici, il se rapproche de la réalité. Il est vrai que la croyance impacte directement la vie. Croire en l’au-delà détermine une vie différente de la certitude d’une irrémédiable disparition le jour de sa mort.

Effectivement, selon que l’on croit à la nécessité de l’économie ou qu’on la marginalise, la vie est différente. En cela la responsabilité de l’Etat, dans la formation et les informations qu’il donne sur ce sujet à ses ressortissants et tout particulièrement à ses jeunes, est essentielle. Mais c’est là que son rôle s’arrête.

Nous en reparlerons évidemment.

Bien cordialement. Henri Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

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