Lettre ouverte à Irène Frain

Madame, vous êtes une écrivaine connue, que je ne connaissais pas, je vous rencontre pour la première fois en lisant “Un crime sans importance”, qui vous a valu Le Prix Interallié 2020.

Ce livre m’a touché profondément.

Votre sœur, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a été assassinée dans des conditions de violence et donc de souffrance révoltantes.

Elle a fait partie des dix sept agressions de personnes âgées, dans la même cité, avec les mêmes modes opératoires, toutes massacrées, mais seule votre sœur est morte après plusieurs semaines de coma.

Vous vivez sa souffrance tant vous étiez proches, tant vos sensibilités étaient concordantes, les autres victimes la vivent elles-mêmes, ayant survécu.

Vous constatez :

          – Que cette violence est sociétale. Vous pensez que l’assaillant, un jeune non retrouvé, serait un frustré de la consommation, un désorienté de notre société trop trépidante. Pourquoi pas ?

          – Mais aussi et surtout vous êtes abasourdie par l’indifférence qui entoure ces agressions, le fatalisme qui les accompagne. L’incapacité de la justice à apporter une réponse à tant de violence. Ce que tout le monde sait, ce que tout le monde tait.

En quelque sorte vous arrivez à la conclusion que cette société, qui prétend vous défendre, vous assurer le calme et la prospérité, peut agresser par personne interposée et ensuite vous laisser morte ou souffrante sur le bord de la route, sans émotion, sans compassion, sans état d’âme.

Oui, vous avez raison. C’est bien cela.

Mais êtes-vous capable d’aller plus loin ?

De ressentir que cette société peut aussi porter le mal directement, sans passer par la case sale gosse de banlieue ? Qu’elle peut elle-même tabasser jusqu’à ce que, pour certains la mort s’en suive, pour d’autres les dégâts soient tels qu’après leur disparition ils s’étalent sur plusieurs générations.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque des contrôleurs fiscaux, dans l’indifférence générale, massacrent un contribuable, volontairement et sans justification autre que celles qu’ils inventent pour les besoins de leur forfait.

La souffrance n’est pas différente pour ceux qui survivent, ni pour ceux qui en meurent, juste un peu plus longue dans le temps en règle générale.

Pas facile de comprendre cela, non ?

Et pourtant la justice, la presse, l’opinion publique, sont ici encore plus absentes que pour les personnes âgées agressées.

Oui, cette société n’est pas propre. Nous pouvons en parler si vous le souhaitez.

Car je vous vois, comme nous tous, faire fausse route, vous culpabiliser en pensant que la société, c’est-à-dire vous et moi, déraillent.

Que progrès et consommation seraient nos ennemis.

Détrompez-vous, ce n’est pas le cas. Ce sont simplement quelques hommes, les hommes de l’Etat, avides de pouvoir, débordants de vanité, qui nous entrainent dans ce bal maudit du faire semblant, car c’est en faisant ainsi qu’ils sont élus et jouissent de leur pouvoir, satisfont leur orgueil.

Votre ami a raison : “Ces morts ne peuvent pas rester sans voix”.

Hélas, je n’ai pas votre talent et donc aucune chance d’obtenir Le Prix Interallié.

Bien à vous. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

2 réflexions sur « Lettre ouverte à Irène Frain »

  1. Si vous n’avez pas le courage d’aller dépouiller physiquement votre voisin, vous pouvez aller vous cacher dans un isoloir de la mairie pour déléguer à un salaud de le faire à votre place. Et ça c’est légal.

  2. En effet une bonne lecture Henri!
    La France un pays Riche mal gouvernée depuis 1970. Un pays est cultivé non en raison de sa fertilité ou de son économie, mais en raison de sa liberté !
    Il n’y a pas le pouvoir mais l’abus de pouvoir en France car il y a un manque évident de contre-pouvoir.

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