Tout le monde connait ce jeu, y a joué ou y joue encore avec ses enfants ou petits enfants. Il est impossible d’y jouer les yeux bandés.
Chaque baguette du jeu, par sa simple appartenance à la chute collective, est liée à d’autres, elles mêmes liées aussi à d’autres pour la même raison.
Nul ne peut espérer retirer une baguette du jeu sans aucun dégât s’il n’a pas, au préalable, apprécié avec justesse les rapports entre cette baguette et les autres.
C’est un peu ainsi que fonctionne notre société.
Nous sommes tous propulsés dans un vaste mouvement collectif qui implique pour chacun de nous des points d’appui intellectuels et matériels avec les autres.
L’autonomie, que certains espèrent, passe, comme pour la baguette du mikado, par une appréciation juste, précise, des liaisons qui nous rattachent aux autres et ces derniers encore aux autres, pour pouvoir s’en libérer sans dommage à soi ou à eux.
Cette autonomie, c’est ce que l’on appelle aussi la liberté individuelle.
Donc, la liberté individuelle n’est pas accessible par une simple démarche personnelle. C’est pourquoi, alors que tous ressentent, plus ou moins confusément, un besoin de liberté individuelle, bien peu y accèdent du fait de ces complications de liaison avec les autres et de la difficulté d’y mettre fin.
Dans l’absolu, chacun devrait pouvoir prendre conscience de ses implications au groupe dont il aurait à assumer le détachement pour accéder à son indépendance, à sa liberté individuelle. Mais, ce n’est pas si facile. Comme au mikado, cela demande une observation sans faille et une parfaite maitrise de soi.
Ce qui rend la tâche ardue
Pour de multiples raisons, la plus grande partie de nos liaisons au groupe nous sont dissimulées, opacifiées, travesties. Je ne parle pas des liaisons que chacun ne voit pas par négligence ou par refus de voir. Je parle du brouillard créé par les autres, par ceux qui par intérêt, par vice, par calcul ou par fatalisme compliquent à souhait les rapports entre tous.
Notre vie est une partie de mikado à l’aveugle.
C’est ainsi que ceux qui souhaite le collectivisme, la suppression de la liberté individuelle ou sa limitation drastique — soit qu’ils craignent la solitude, soit qu’ils se sentent capables de dominer le groupe à leur avantage – dissimulent le plus possible la réalité des imbrications entre les membres du groupe dans le but exclusif de retenir captifs ceux qui rêvent de liberté.
Le paradoxe
Plus la société fortifie ses membres, plus elle les rend aptes à l’indépendance, plus elle éprouve le besoin, pour survivre en tant que groupe, de leur dissimuler et de leur compliquer leurs liaisons.
C’est ainsi qu’alors que nos jeunes hommes (ou femmes évidemment), ont l’opportunité d’accéder à la connaissance, à la santé, à la compétence, à la richesse, autant de choses qui devraient permettre une liberté jusqu’alors inconnue, la puissance publique multiplie à l’envi l’opacité de nos rapports en commun.
Au point que l’accès à la liberté individuelle dans cet espace volontairement opacifié est accompagné de chocs violents faits aux autres ou à soi-même. C’est un comble.
L’enchainement
L’avalanche législative et règlementaire qui nous emporte n’a pas d’autre objectif que de nous lier au groupe, en complexifiant à outrance nos liaisons pour créer un maillage impossible à apprécier avec justesse dont il n’est donc pas aisé de s’affranchir.
Il est renversant de constater que ce sont ceux qui parlent le plus de la liberté qui sont les plus prolifiques en production de textes troublant la limpidité de nos liaisons, donc resserrant notre emprisonnement.
En son temps, la religion avait déjà usé de ce subterfuge. Elle avait édicté des règles opaques, mouvantes, interprétables par ses seuls sbires qui emprisonnaient les hommes. Ils durent payer l’accès à la liberté de leur vie. Avec le temps, ces règles nous paraissent d’une simplicité proche de la débilité, au point de nous amener à douter de l’équilibre intellectuel de nos ancêtres.
En réalité, pour eux, ces règles ne pouvaient pas être comprises tout simplement parce que leurs motifs et leurs liaisons étaient dissimulées. Elles étaient servies non comme des règles, mais comme des vérités qui ne pouvaient pas se discuter.
Il en est exactement de même aujourd’hui.
Les explications fournies lors de la production de la somme monstrueuse des textes qui nous lient artificiellement sont toujours fragmentaires. Une apparente technicité rendent ces textes non discutables, quand bien même ils touchent des choses simples de notre vie de tous les jours, comme notre logement, notre nourriture, nos déplacements, etc…
Le but est de nous interdire une vision simple, juste, de nos dépendances communes, de nos points d’appui commun.
Ainsi artificiellement aveuglés, nous ne pouvons pas prendre de distance par rapport au groupe sans être accusés de l’ébranler. Tout comme la baguette du mikado, nous ne pouvons pas nous retirer sans faire bouger toute la structure et être immédiatement dénoncés par les autres joueurs.
Bercy.
Bercy, toujours Bercy, qui évidemment est le champion toute catégorie de la complexité inutile dont le seul but est de nous enchaîner et de faire croire à tous qu’il n’existe nulle liberté pour chacun de nous sauf à déchaîner une souffrance épouvantable pour les autres.
Au grand « mikado bercylien », la « baguette contribuable » ne peut pas être retirée du jeu sans que l’ensemble, tel qu’il a été projeté sur la table par Bercy, ne s’écroule.
Effectivement, il arrive un moment ou plus personne ne peut retirer une baguette au mikado. Soit alors la partie s’arrête, soit l’un des joueurs triche. Il n’y a pas d’autre alternative. Il s’agit d’un cas ou le tricheur est utile.
Décidemment, ce mikado n’est pas un jeu moral….comment peut-on le laisser entre les mains des enfants ?
Mais, après tout, y a-t-il sur cette terre un autre enjeu que de passer le temps ?
Bien cordialement. H. Dumas