La tentation de la confiscation : l’Etat junkie

La question qui va se poser, dans les prochains mois à l’Etat fonctionnaire, sera celle de trouver les moyens d’assurer sa solvabilité budgétaire ou plus prosaïquement d’assurer les fins de mois avec une dette qui aura considérablement augmenté à la suite du blocage de l’économie depuis le 17 mars.

Quelle sera la capacité, sa crédibilité à faire face à ses engagements car, bien évidemment, n’importe quel financier de base sait faire un ratio entre le montant de la dette et le montant des impôts collectés pour en déterminer le risque ; en ne perdant pas de vue qu’au plus fort de la crise grecque, le risque de défaillance ayant été estimé très élevé (et finalement avéré), les taux d’intérêts sont montés à 40% pour la dette à 10 ans ?

Il y a tout lieu d’être inquiet pour la suite car la France est ressortie passablement affaiblie de la crise de 2008, avec une explosion de l’endettement que rien n’a pu enrayer et il apparaît douteux, les mêmes causes produisant les mêmes effets,  que la crise de 2020 puisse être mieux surmontée …

L’Etat fonctionnaire est littéralement drogué à la dette et il faut rappeler que cette dette, qui ne fait que s’ajouter à celle, déjà considérable, accumulée en toute irresponsabilité depuis 45 ans, devrait culminer aux alentours de 120% du PIB à la fin de l’année 2020.

A terme, c’est tout simplement la question de la soutenabilité de la dette qui se posera ; c’est à dire la capacité de l’Etat fonctionnaire à faire face à cette dette qui va finir par absorber une part continuellement croissante du budget jusqu’à, à la fin, en confisquer l’essentiel !

Car, qui dit dette, dit remboursement et la France est un très gros client sur le marché des emprunts d’Etat (225 Md € d’émissions d’OAT en 2018 avec une maturation de 8 ans).

Or, le problème des dettes qui s’accumulent, c’est qu’à la fin on n’arrive plus à les rembourser ; surtout que la France présente une structure macro-économique particulière avec un secteur public et une dépense publique majoritaire (57% du PIB).

Cela signifie que le poids de la dette pèse exclusivement sur l’économie productive ; c’est à dire sur les 43% du secteur économique privé. Et c’est encore lui qui va devoir faire les efforts nécessaires pour supporter le poids supplémentaire de la nouvelle dette alors que beaucoup de PME et d’entrepreneurs individuels auront purement et simplement disparu ; liquidés par des dettes accumulés du fait d’une fermeture contrainte pendant plusieurs mois !

Les hommes de l’Etat tiennent des propos rassurants ; mais pourront-ils les tenir longtemps ?

Car il pourrait arriver un jour où le gouvernement devra dire la vérité, la vraie, celle des mesures qu’il va falloir prendre dans 6 ou 8 mois parce que la situation se sera encore dégradée … alors que le confinement et le blocage de l’économie ne sont que les conséquences d’une mauvaise appréciation du risque et de l’incapacité de fournir, en temps utile, les matériels de protection. Le système de l’Etat fonctionnaire a prouvé, de manière magistrale, son inefficacité et il doit être considéré comme le vrai responsable des dégâts économiques (et ils vont être nombreux) qui vont en résulter !

En fait, le gouvernement, et avec lui tout la haute fonction publique dont il n’est que l’émanation, pourrait bien se retrouver rapidement au pied du mur et il va donc alors lui falloir trouver des moyens de sauver la situation … alors que la réduction des dépenses n’est toujours pas à l’ordre du jour !

Il a, à sa disposition, des moyens conventionnels et des moyens non conventionnels, bien plus violents et dangereux.

I-les moyens conventionnels

La nature humaine étant, de manière constante, dans la tentation de la recherche de la facilité, les dirigeants de l’Etat fonctionnaire vont donc opter naturellement d’abord pour cette voie.

A-La facilité temporaire : la monétisation

La première stratégie, et la plus facile, est la monétisation permanente de la dette ; c’est à dire l’émission constante de monnaie. Très pratique, elle évite la remontée des taux d’intérêts et … des impôts qui sont d’autant plus impopulaires qu’ils ont déjà atteints des sommets inégalés !

Cela permet aussi de contourner le fait que le blocage de l’économie va faire chuter le PIB et donc les recettes fiscales ; l’augmentation des dépenses publiques s’accompagnant d’une chute du niveau d’activité qui ne peut qu’aggraver les choses.

La monétisation est une technique classique de financement des Etats pendant les guerres avec une constante : une très forte dévalorisation de la monnaie et des périodes de forte inflation. Cela signifie notamment que, eu égard au montant des dettes accumulées et à la chute du PIB, si nous n’avions pas intégré la zone €, notre position actuelle serait intenable et obligerait à une très forte dévaluation de la monnaie avec un appauvrissement symétrique de la population.

Pour l’instant, le gouvernement affiche un satisfecit de façade : « la dette explose mais les taux d’intérêt baissent » car la puissance de la BCE permet de maintenir les taux bas et empêche la spéculation sur les monnaies !

Toutefois, le gouvernement français ne fait pas vraiment ce qu’il veut car, depuis l’adoption de l’€, c’est la BCE  qui contrôle le processus de l’émission monétaire en jouant, avec cette émission, le rôle d’assureur et de garant des dépenses des Etats sous forme de prêts.

On est bien loin d’avoir fait les comptes de la crise au niveau économique et financier, mais on sait que la seule solution est la neutralisation ultérieure, dans le bilan de la BCE, de la dette résultant de cette émission monétaire. En effet, l’Etat français sera totalement incapable de rembourser la BCE et il est exclu que cette dernière le pousse à la faillite.

Néanmoins, ce n’est qu’une partie du problème car le programme d’aide de la BCE ne couvre pas, loin s’en faut, toutes les dépenses de l’Etat français et, au-delà du risque d’inflation, ce qui est plus grave encore, c’est qu’il va inévitablement devenir « accro » à la morphine monétaire ; il ne pourra plus s’en passer.

Vous pensez, c’est tellement pratique !

Seulement, créer de la monnaie, ce n’est pas créer de la richesse, car avec cette « nouvelle monnaie » l’Etat ne produit rien et cette pratique, bien connue des années 80, avait propulsé l’inflation aux alentours de 14% l’an.

On se situe alors dans l’aléa moral car il faut être conscient qu’il va y avoir, à un moment ou un autre, un conflit entre la progression des dépenses publiques, la réduction des recettes fiscales et l’arrêt de la morphine monétaire. Pour l’instant, tout va bien (si l’on peut dire), la BCE paie en émettant de la monnaie mais il est évident que, sur la durée, cette stratégie n’est pas tenable car elle va provoquer des déséquilibres financiers qui pourraient faire basculer l’ensemble de la zone monétaire et les pays du nord s’opposeront à cette dérive car … personne n’a envie de faire faillite à cause des autres !

On ne sait donc pas combien de temps la BCE va accepter de jouer ce rôle, mais on peut être certain que le gouvernement français, tout comme l’italien, sauront jouer du chantage (le spectre de la faillite car on est « à l’os ») pour essayer d’obtenir, le plus longtemps possible, cette morphine monétaire …

En tout cas, pour l’instant l’Etat fonctionnaire en profite, c’est le moins qu’on puisse dire, et il annonce mesures sur mesures (de dépenses) ; la dernière en date étant une prime de 1.000 € pour 400.000 fonctionnaires … c’est à dire une petite dépense supplémentaire de 400 millions € !

Or, le spectre de l’arrêt de la morphine monétaire pose inéluctablement la question de la gestion de cette dette ; et il n’est pas sûr que les investisseurs acceptent de se substituer à la BCE pour acheter de la dette française ; ce qui va inéluctablement entrainer une hausse des taux d’intérêts avec pour résultat d’aggraver la détresse fiscale !

C’est pour cela que certains suggèrent, au-delà de toute raison et de toute indécence, de pousser cette monétisation jusqu’à obtenir le retour de l’inflation et pourquoi pas de l’hyper inflation ; alors que l’on sait que cette dernière est dangereuse. D’abord, elle ne se décrète pas et, ensuite, lorsque le processus est engagé, il devient alors incontrôlable avec pour résultat de ruiner la population et de détruire l’économie ; ce qui pourrait être porteur d’époques troublées… la République de Weimar de 1923 est là pour en attester.

B-la solution impossible : le retour à une forte croissance

Certains espèrent une croissance forte qui permettrait d’éponger la dette sur la durée et de redresser la situation. Il ne faut pas y compter pour quatre raisons :

La croissance ne peut être que industrielle. Or, l’Etat fonctionnaire a toujours méprisé l’industrie et a finalement tout fait pour la matraquer avec pour résultat un ratio PIB/industrie le plus faible d’Europe avec la Grèce !

L’endettement excessif de l’Etat fait que tous les gouvernements, depuis une bonne trentaine d’années, ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour capter l’épargne des français afin d’alimenter la dette publique. Le secteur privé (et le marché des actions et obligations) étant perçu comme un concurrent, l’Etat fonctionnaire a utilisé des moyens de coercition, que n’ont pas les entreprises, pour les éliminer des marchés financiers !

La réindustrialisation ne se décrète pas ; surtout que l’époque est plutôt à une réduction de l’activité industrielle du fait de la saturation générale et du ralentissement économique général qui avait commencé en 2019. Il n’est qu’à voir les difficultés de l’industrie allemande…

On nous parle de relocalisations mais celles-ci ne seront possibles que si l’environnement économique et fiscal s’y prête et rien ne permet de penser, pour l’instant, qu’on peut espérer quelque chose sur ce plan ! En effet, il faut que les produits fabriqués localement soient compétitifs en qualité et en prix par rapport à ceux importés sinon, c’est perdu d’avance !

La dette publique n’a fait qu’augmenter depuis 1974, y compris pendant les périodes où la croissance a été assez forte. Il n’y a donc aucune raison que l’Etat fonctionnaire change son « logiciel » sur ce plan ! Or, cette dette pèse sur l’économie et on sait que plus elle est élevée plus elle affaiblit l’économie et la croissance potentielle.

C-Le recours classique à l’impôt.

Cette stratégie, classique en France,  n’est pas sans risque car l’augmentation de la pression fiscale peut être mal acceptée par la population. Les gilets jaunes sont encore dans toutes les mémoires …

Les promesses antérieures de réduction de la pression fiscale vont évidemment être oubliées et la voie fiscale pourrait consister en une majoration de l’impôt sur le revenu sur les hauts revenus, une taxe spéciale sur les immeubles, un impôt spécial « coronavirus », un retour de l’ISF, une augmentation de la TVA, de la CSG ou plus probablement une combinaison de l’ensemble ; la « meilleure solution » étant de ne frapper que la partie de la population qui ne pourra pas se plaindre ou qui ne risque pas de descendre dans la rue.

Cette dernière idée commence d’ores et déjà faire son chemin puisqu’on commence à parler d’un impôt sur la « fortune pour tous » qui serait plutôt un impôt sur le patrimoine ; impôt qui présenterait l’inconvénient de frapper même ceux qui n’ont pas de revenus et exonérerait ceux qui ont de gros revenus mais pas de patrimoine (parce qu’ils dépensent tout) et qui poserait aussi le problème de l’évaluation des patrimoines avec des contestations à n’en plus finir !

Néanmoins, on sait que l’exigence du rendement fiscal laisse souvent de côté la question de l’équité …

Evidemment, ne seraient assujettis que ceux qui paient un impôt sur le revenu et ceux qui sont propriétaires d’un immeuble (maison ou appartement).

Ce système aurait fatalement des effets indésirables et notamment pour principal défaut de faire payer aux victimes et à des gens qui n’y sont absolument pour rien, les conséquences d’un désastre imputable à la seule haute fonction publique ; laquelle continuera imperturbablement à percevoir son (gros) salaire après avoir décidé, sous couvert de la fiction d’une loi fiscale, de dépenser sans compter l’argent qu’on n’avait pas !

En outre, certains (entrepreneurs, commerçants), qui ne vont ne rien toucher ou presque au titre des aides promises, ne seront pas forcément dans de bonnes dispositions à ce propos. Il se peut même, s’ils sont ruinés, qu’ils ne soient pas en mesure de payer quoique ce soit … avec un risque de décalage dans le temps entre des données patrimoniales datant d’il y a deux ans …fatalement totalement périmées en 2021.

Enfin, une pression fiscale trop lourde ferait fuir les plus riches avec un effet induit sur l’emploi qui devrait, de toute façon, connaître des heures sombres car … ce ne sont ni les pauvres ni les fonctionnaires qui créent des emplois !

En résumé : Une dette énorme en forte progression, une marge fiscale réduite, une croissance nulle ou presque, une inflation faible ; la situation est mal engagée et la haute fonction publique va vite arriver au constat, si la situation empire, qu’il n’y a aucun moyen de réduire, voire même tout simplement de contenir la dette par les moyens conventionnels.

Lorsque la BCE stoppera ses émissions, si la situation ne se redresse pas, il ne restera alors plus que les solutions non conventionnelles que nous verrons, dans un prochain article.

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

12 réflexions sur « La tentation de la confiscation : l’Etat junkie »

  1. Une solution radicale (mais impossible” à mettre en marche”) : se séparer avec tristesse d’un à deux millions de ponxionnaires, sachant que chacun d’entre eux occupe impunément la place de 2 à 3 employés du secteur libre

    1. Le jour ou on tranche dans le lard, il faut tous les supprimer, en supprimant ce statut qui est pour une bonne partie responsable de notre situation, si nous ne résolvons pas ce problème, il resurgira.

      1. Incontestablement !

        Il faut impérativement supprimer le statut de la fonction publique et contraindre tout fonctionnaire se lançant en politique (au niveau national) à démissionner de la FP !

        Reste ensuite à établir un système de responsabilité des fonctionnaires …

        Le seul problème est que la FP est le pouvoir dominant et qu’elle n’acceptera pas la remise en cause de ses prérogatives !

        La monarchie en 1789 était dans la même position ; on sait où cela nous a mené !

  2. Très long… mais pas trop !

    Vaste panorama de la situation du pays que ce petit moustique ( pardon, virus) n’a fait que cristalliser!

    A ce jour, une chose est certaine pour tout citoyen concerné, c’est qu’il est cerné par des…cons
    Pardon pour cette facilité grossière mais mon expérience et mes heures de vol dans ce milieu en périphérie de la « haute » technocratie française m’ont enseigné l’obligation, à partir d’un certain état, de manier la métaphore provocatrice…avec les risques qui vont avec – le risque, c’est la vie et pour moi, un réel plaisir – mais parfois une satisfaction, au moins passagère voire fugace, de constater un effet instantané sur l’état des circonvolutions pariétales de mes interlocuteurs !

    Encore merci Monsieur Philos pour votre contribution au déscillement de nos concitoyens

  3. La seule solution pour sauver ce pays est de le fuir, car cette fois il n’y aura pas les Américains, Les Anglais et les Russes pour nous délivrer de la pandémie issue du Nazisme de Vichy. Il ne sert à rien de pérorer ou de faire des analyses, nous savons ou est le mal, le tour du problème a été fait .

    1. Fuir !?…au rugby,la règle c’est de ne pas relever la mêlée
      Pour ma part, j’ai toujours mis mon grain de sel quand la bagarre était profitable

      1. Oui, la Grèce revient d’encore plus loin. Nous n’avons que trois millions de fonctionnaires nuisibles à neutraliser.

      2. Cher Henri, je pense que résister est nécessaire , mais les résistants comme ma famille l’a vécu en 1940 à 1945 sont passés du statut de terroristes à résistants grâces aux Anglais, USA, Russie.
        J’essaie seulement d’être réaliste car combien de divisions sommes nous ?
        Rappel de Mon coup de colère et mon analyse de la situation actuelle en France = cliquez pour lire la suite :
        https://developpement-mental-semantique.com/mon-coup-de-colere-et-mon-analyse-de-la-situation-actuelle/

        Amitiés

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