On peut légitimement se demander ce qu’il va se passer avec la crise consécutive aux mesures de blocage de l’économie prises par le gouvernement en vue de stopper la propagation de l’épidémie de Covid.
Si l’on écoute le gouvernement, tout va très bien. Il aide les entreprises pour qu’elles ne fassent pas faillite, il paie les salaires des salariés au chômage en mettant en place un véritable revenu universel.
G Darmanin, ministre du budget, a pu ainsi affirmer (sur France inter) qu’il n’y avait pas de plafond à la dette et que, de toute façon, nous pouvions nous endetter parce que nous avions des comptes publics en bon état !?!
Même le nouveau président de la cour des comptes estime qu’il n’y a aucun problème concernant le montant de la dette publique …
Par contre, si l’on va sur certains sites, notre perte est assurée, l’argent ne vaut plus rien, les banques vont faire faillite, l’Etat va tout nous prendre, il faut se débancariser (solder les comptes bancaires) et acheter de l’or pour faire face à une prochaine hyperinflation qui va détruire notre patrimoine …
Qu’en est-il au-delà des incantations et des menaces vraies ou supposées ?
Les données de la situation
La seule chose dont on soit sûr c’est que la situation est totalement inédite en temps de paix puisque le gouvernement a bloqué toute activité économique pendant plus de deux mois de confinement.
Le point faible de cette stratégie est qu’elle repose entièrement sur la dette et l’émission monétaire. Le gouvernement empile les déficits sans aucun état d’âme :
-on s’attend à une violente récession (supérieure à 11%) et les données publiées indiquent que ce sera la pire récession de l’Union Européenne. Le déficit budgétaire est attendu à 200 Md€ et il faut se rendre compte de l’énormité des chiffres car cela représente un déficit de 66% du budget (le total des recettes du PLF 2020 était prévu à 306 Md€) !
-le déficit de l’assurance chômage est évalué à 25 Md€
-le déficit de la sécu devrait plonger à 51 Md€,
-le chômage a déjà augmenté de 843.000 personnes et on s’attend à une nouvelle forte progression en septembre avec une vague de faillites principalement dans le petit commerce et l’artisanat.
-les caisses de retraite par répartition se retrouvent en difficulté parce que … les cotisations ne rentrent plus. On s’attend à un déficit de 30 Md€ !
Les mesures prises par le gouvernement ont donc un cout énorme et on s’attend à un dérapage de la dette publique au-delà de 120% du PIB. Après seulement 13 jours de confinement, cette dette vient de passer à 101,2% du PIB à la fin du premier trimestre 2020.
Les solutions du gouvernement
Pour l’instant, une bonne partie du financement est obtenue par le biais de l’émission monétaire de la BCE dans le cadre d’un plan européen de 750 Md€. Les vannes de l’impression monétaire sont ouvertes ; le gouvernement utilise le carnet de chèques de la BCE et dépense sans compter de l’argent fraichement imprimé qui ne lui a rien couté !
D’un point de vue pratique, tout va donc très bien mais cette « stratégie » présente quelques difficultés.
-L’Etat dépense beaucoup plus tandis qu’il collecte beaucoup moins d’impôts … alors même que les comptes étaient déjà en mauvais état avant la crise.
Les ressources de l’Etat, qui sont en principe les impôts qu’il collecte, ne le sont plus et la dette ne serait plus les impôts de demain ! Il faut d’ailleurs être conscient qu’il serait tout bonnement impossible de collecter des impôts pour financer toutes les dépenses actuelles, puisque déjà, en temps normal, la France est incapable de collecter suffisamment de taxes et d’impôts pour couvrir ses dépenses usuelles, et ce alors que le niveau de prélèvements obligatoires est l’un des plus élevés du monde. Pour mémoire le budget est en déficit depuis 1974 et la dette publique a été multipliée par cinq, pour passer de 20% du PIB en 1980 à 100% du PIB en 2019.
Alors que normalement c’est la création de richesses qui conditionne le montant des impôts et la création de monnaie, c’est désormais le crédit et l’émission monétaire tous azimuts …
La France, qui avait déjà battu un record en empruntant 200 milliards € en 2019, devrait pulvériser ce chiffre en le portant à 260 milliards (au lieu des 205 budgétés dans la loi de finances initiale pour 2020).
On en est arrivé à un stade tel que l’Etat ne peut plus rembourser ses dettes avec ses ressources fiscales. Il lui faudra donc nécessairement emprunter pour rembourser !
L’agence France trésor tente d’ailleurs d’attirer l’investisseur en octroyant, pour contrebalancer les taux à zéro, des primes d’émission et des taux d’intérêts indexés sur l’inflation ; mais si celle-ci repart à la hausse, elle aura fatalement un effet mortel sur les finances publiques alors que, selon l’Ifrap, 600 Md € viennent à échéance d’ici 2023 !
-Arroser de milliards une économie complètement à l’arrêt constitue essentiellement une solution de substitution à caractère temporaire qui ne garantit en rien une reprise économique prochaine.
La conjonction d’une reprise d’activité anémique, inférieure au niveau déjà faible d’avant confinement, de pertes de revenus importantes et permanentes, avec une relance budgétaire qui ne suffira pas à stimuler la consommation et les investissements va avoir évidemment les conséquences immédiates : une chute importante des rentrées fiscales.
-La diffusion d’argent gratuit fausse complètement l’économie. Elle provoque l’émergence d’entreprises zombies dans la mesure où l’on sauve toutes les entreprises même celles non rentables, quel qu’en soit le prix.
Or, non seulement le critère de la rentabilité est jeté aux orties mais Bruno Le Maire va même jusqu’à conditionner l’accord de prêts au respect d’exigences environnementales (Air France) ou de fermeture de sites industriel non rentables (Renault Dieppe qui produit 7 voitures par jour avec 350 employés !?!) ou d’emploi (Peugeot et ses ouvriers polonais d’Opel) complètement hors de propos et anti économiques qui vont inéluctablement les mettre en difficulté face à des concurrents, chinois notamment, qui ne leur feront aucun cadeau. Il est illusoire de croire que des entreprises confrontées à des chutes brutales des ventes ne vont pas devoir se restructurer malgré les « aides » promises.
Ce faisant, Bruno Le Maire tente clairement d’orienter la stratégie industrielle ou commerciale de certains grands groupes.
On peut comprendre que l’Etat, dans son rôle régalien, apporte des fonds pour relancer les entreprises, mais il est contreproductif qu’il se mêle de la gestion des entreprises, et de leur stratégie. Toutefois, on sait que Bruno Le Maire fait de la politique ; c’est à dire qu’il a pour mission de raccrocher l’électorat en vue de 2022 ; c’est à dire que ses directives sont données dans le seul but de protéger sa caste et de la maintenir au pouvoir !
Au-delà des mots et des postures
L’arrosage monétaire masque une double réalité : d’une part la prise de contrôle indirecte des entreprises privées par l’administration sous prétexte d’aides et d’autre part le déclin économique constant de la France et l’augmentation correspondante de la dette publique !
En effet, il faut être conscient que, par un phénomène de vases communicants, ce que nous avons perdu au niveau du PIB, c’est dans la dette que nous le retrouvons aujourd’hui. Le PIB perdu a été compensé par un endettement massif qui ne fait que s’accélérer.
La réalité est qu’il n’y a plus aucune discipline budgétaire ; nous sommes en dérive budgétaire totale et en plein aléa de moralité. Le gouvernement dépense et … croise les doigts. Aucune pérennité n’est plus assurée car il ne faut pas oublier que le PIB va reculer de 11% en 2020 et revenir de 2.450 Md€ à 2.180 Md€.
Comment dès lors maintenir des dépenses publiques à un tel niveau ou même au niveau d’avant crise sanitaire ?
Il n’y a, à ce jour, aucune réponse à cette question qui … n’est d’ailleurs pas posée
Il faut dès lors admettre que la France n’a plus aucune option ; elle dépend désormais totalement ou presque de la BCE qui assure sa solvabilité budgétaire (tout comme celle de l’Italie) et si celle-ci stoppe son émission monétaire, le gouvernement français se retrouvera totalement démuni, le pays sera insolvable.
A cela s’ajoute le fait que les banques centrales n’ont jamais pu sortir des financements non conventionnels (QE) pour tenter de booster une croissance potentielle très faible (entre -1 et +1% l’an). Il faut donc envisager sérieusement que la BCE ne puisse jamais stopper sa politique monétaire et ne puisse jamais obtenir non plus la restitution des sommes avancées.
Le bilan de la BCE va enfler dans des proportions gigantesques … au risque de déstabiliser toute la zone européenne.
Néanmoins, il faut être conscient que les dirigeants de l’Etat fonctionnaire s’accommoderont très bien d’une dette à 130% du PIB car ils n’obéissent pas à des règles économiques mais seulement à des contraintes et contingences politiques et … tant qu’on ne les mettra pas face à leurs responsabilités, ils ne bougeront pas !
Leur souci n’est ni de rembourser ni de bien gérer mais … juste de conserver le pouvoir et de durer et pour durer il n’y a désormais plus qu’une seule stratégie : l’argent des autres !
Par ailleurs, il leur faut aussi ménager les populations alors qu’après les gilets jaunes nous avons désormais des revendications identitaires. Les dirigeants de l’Etat fonctionnaire craignent clairement que la situation ne dégénère et échappe à leur contrôle.
On va donc payer pour satisfaire tout le monde !
Les appels à la solidarité européenne d’E Macron vont d’ailleurs en ce sens, de même que les appels à notre proche voisin allemand. Il compte fermement que les excédents allemands financeront les déficits chroniques français avec le calcul cynique qu’au bout d’un certain temps, les sommes seront tellement énormes que l’Allemagne ne pourra plus stopper le mécanisme sans provoquer sa propre perte !
On peut toujours rêver mais cela veut dire que tant que les pays du nord de la zone € laisseront faire, les choses continueront ainsi …
Seulement, les évènements ont prouvé que, quoique l’on fasse, on ne peut pas tout contrôler et que des évènements fortuits et imprévus peuvent bouleverser les meilleures prévisions !
Cela veut dire que, tôt ou tard, il faudra payer la facture ; que ce soit par une augmentation des impôts, une flambée de l’inflation, une forte hausse des taux d’intérêt des crédits ou les trois à la fois.
Prétendre l’inverse c’est soit se leurrer soit vouloir tromper la population car la monétisation finira fatalement par provoquer, à un moment ou à un autre, un phénomène inflationniste du fait d’une trop forte distorsion entre la quantité de monnaie en circulation et ce que l’on peut acheter avec !
Pour l’heure, on ne sait ni ou ni quand cela interviendra mais elle finira par se produire lorsque les agents économiques perdront confiance dans la monnaie.
Bien cordialement à tous !
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Reconstruire notre économie en resserrant les liens avec le marxisme urbi et orbi, au profit de ceux qui ne mettent jamais les mains à la poche sinon à celle des autres ?
Merci pour votre analyse extralucide et synthétique.
Merci pour cette synthèse très claire.
Martine donnette 418 milliards dus aux francais par les grandes surfaces?!
Bruno Lemaire ne fait rien pour les encaisser?!
Tout se passe comme si le personnel politique et une partie des fonx voulait finir au bout d’une pique !