Décidément, naviguer dans les arcanes de notre fiscalité si complexe peut réserver quelques surprises.
La rémunération pour copie privée est due lors de l’achat de tout support pouvant servir à l’enregistrement ou au stockage de données numériques : Disque dur, clé USB, carte mémoire, cd-rom, dvd, baladeur numérique, ordinateur mais aussi les smart phones puisqu’ils sont équipés d’une capacité de mémoire de stockage.
Pour un smart phone Huawei P30 light au prix affiché à ELECTRO DEPOT de 238,94€, le magasin indique une « participation pour rémunération de la copie privée » de 16.80€.
Quand on pousse un peu plus loin l’investigation, on s’aperçoit que ce prélèvement représente 7,56% du prix TTC (238,94-16.80=222.14 16.80×100/222.14). Il s’ajoute à la TVA au taux de 20% et aux 0.02€ d’éco-participation pour le recyclage en fin de vie.
Et, tout en étant bien conscient du fait que plus le prix de l’appareil est élevé, moins l’impact de la taxe est important, si on s’en rapporte au prix hors taxes de l’appareil, on s’aperçoit le montant total de taxes non affiché est de 53.85€ pour un téléphone vendu 185.09 € hors taxes. (238.94-16.80-0.002=222.12-(222.12×16.67%)=222.12-37.02=185.09€).
Cela nous fait quand même pratiquement 30% de taxes qui ont le « mérite » d’être présentées comme des participations ; un peu comme si, au moment de recevoir votre avis d’impôt sur le revenu, on vous envoyait un bulletin de participation.
Décidément, la novlangue administrative n’est jamais à court de discours innovants !
De quoi s’agit-il exactement ?
Le site de la SACD (société des auteurs compositeurs dramatiques) nous explique qu’il ne s’agit pas d’une taxe mais d’une rémunération compensatoire pour le préjudice subi du fait de la copie des œuvres de l’esprit. Elle est destinée à compenser le « manque à gagner » que les artistes supportent du fait de la duplication, par les particuliers, des disques, cassettes et enregistrements vidéo de films.
Il ajoute même sans rire : « Au final, tout le monde y gagne. C’est la définition même d’un bon partenariat. ».
On peut rappeler que le « droit à la copie privée » a été mis en place en 1985 sous l’égide de J Lang alors ministre de la culture. Toutefois, attention, il ne s’agit pas d’un droit à copier mais d’une exception dans le cadre d’une utilisation privée, hors de tout commerce ou même cession à titre gratuit.
Conclusion qui s’impose : lorsque vous achetez un smart phone, pour téléphoner, vous devenez partenaire des auteurs compositeurs, sans aucun doute à l’insu de votre plein gré ; car il est évident que, après avoir acheté un téléphone portable, vous allez dès la sortie du magasin vous livrer de manière impitoyable à la copie compulsive …
Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que vous payez cette rémunération d’avance avant d’avoir fait quoique ce soit et avant tout éventuel « manque gagner » !
Or, si, vous avez un abonnement de base, vous n’avez qu’un accès limité à internet qui ne vous permet en aucun cas de faire du téléchargement ou de l’écoute en ligne ; ce qui fait que vous avez payé la taxe pour rien, en tout cas pour une activité que vous n’exercez pas.
Je connais d’ailleurs plusieurs personnes possédant un smart phone mais n’ayant jamais utilisé cette possibilité de copie privée
Les barèmes sont à la fois complexes et très précis mais en gros cette rémunération est fonction de la quantité de mémoire stockable sur l’appareil (32Go ou 64Go) et est, cerise sur le gâteau, assujettie à la TVA. Jusqu’à 32Go c’est 12€ TTC (10€ hors taxes) et jusqu’à 64Go c’est 16.80€ TTC (14€ hors taxes) car si l’artiste doit s’y retrouver, l’Etat ne doit pas y perdre !
Précision : Cette redevance pour copie privée ne concerne que les personnes privées ; c’est à dire que les professionnels n’y sont pas soumis quoiqu’ils l’aient été jusqu’en décembre 2011 ; date à laquelle la France a du se conformer aux règles européennes.
Rémunération, rente et parasitisme
Au XVème siècle on parlait, à propos du droit d’auteur, de « privilège » car c’est bien de cela dont il s’agit : c’est bien un privilège qui dure toute la vie de l’auteur et encore 70 ans après sa mort au profit de ses ayants droit !
Les Révolutionnaires ont, dans la nuit du 04 aout 1789, aboli tous les privilèges sauf … les droits d’auteurs qui ont été confirmés par 7 lois révolutionnaires entre 1791 et 1793. Au-delà de l’intérêt purement anecdotique, il faut en conclure que les auteurs/compositeurs avaient déjà leurs entrées dans les cercles du (nouveau) pouvoir !
Ce qui est surprenant c’est que ce droit d’auteur s’étend sur une durée extrêmement longue à la différence des brevets qui ne sont limités qu’à vingt ans ! Or, un brevet industriel, qui a pu nécessiter des années de recherches et des investissements très lourds, est quand même plus important qu’un droit quasi perpétuel sur une chanson écrite en 20 mn sur un coin de table et dont la valeur tient essentiellement à des dispositions légales pour le moins complaisantes …
En fait, à bien y regarder, la rémunération pour copie privée n’est même pas assise sur le talent de l’auteur mais sur le chiffre d’affaires des fabricants de matériels puisque, plus ceux-ci vendent d’appareils, plus les bénéficiaires touchent leur écot !
Finalement, ce n’est rien moins qu’un système de rente comme on les adore en France ; pays où tout un tas de gens vivent grassement sur le dos des autres et je n’évoquerai même pas ici les nombreuses subventions dont bénéficient ces pauvres artistes …
Si l’on veut voir les choses plus crûment, on peut même affirmer que c’est une forme de parasitisme, tout comme les ordres du clergé et de la noblesse sous l’ancien régime n’étaient qu’une forme de parasitisme institutionnalisé, qui a été mis en place en faveur des auteurs-compositeurs et des marchands de disques qui ont tant de mal à gagner leur vie.
Il est vrai que pour ces derniers, leur avenir est plutôt derrière eux car plus personne n’achète de disques !
En effet, le marché de la musique a considérablement changé depuis 20 ans et plus personne ne fait plus de copie de disques vinyles, de cd ou de cassettes audio ; ces dernières étant d’ailleurs introuvables. Le streaming en ligne domine complètement le marché et, bien souvent, il n’y a même pas de copie possible … juste de l’écoute.
On peut rappeler qu’il existe de nombreuses formules d’abonnement vers des fournisseurs de musique en ligne tels que Itunes, Deezer, spotify, Netflix, Apple music, Amazon, Soundcloud, Facebook. C’est un marché de la musique en ligne légale qui constitue, avec une part de 12%, la troisième source de revenus des auteurs.
Sur ces sites, le téléchargement se fait morceau par morceau et il est impossible de les céder car vous ne payez qu’un droit d’écoute.
Néanmoins, vous l’avez compris, non seulement la taxe demeure mais elle pourrait bientôt aussi s’appliquer aux smart phones reconditionnés qui auront donc l’avantage de payer cette taxe deux fois ; un peu comme si on faisait payer la taxe carbone sur les voitures neuves puis à nouveau sur les voitures d’occasion … même si elles sont pratiquement interdites de rouler …
Il faut en conclure que cette profession qui, en général, gagne déjà très bien sa vie et pendant très longtemps, envisage sérieusement d’augmenter la collecte des « droits d’auteurs » assis sur des ventes de matériels !
En effet, il faut bien aider ces pauvres auteurs compositeurs qui ne s’en sortent plus et il faut savoir que les bénéficiaires s’accrochent d’autant plus à celle-ci que la rente française est beaucoup plus avantageuse que pour le reste de l’Union Européenne. Ils n’ont donc pas manqué de faire pression sur les pouvoirs publics français pour refuser une quelconque harmonisation européenne qui serait bénéfique pour les consommateurs !
Mais, proximité du pouvoir aidant, les pleureuses du spectacle ont réussi à attendrir nos élites qui n’ont en fait rien à leur refuser ; surtout que, c’est bien connu, les artistes sont tous de gauche sauf pour … le portefeuille définitivement placé à droite … très à droite.
Compte tenu des prix pratiqués et des faibles marges, il est peu probable que le marché du smart phone recyclé (hormis les Apple sensiblement plus chers) résiste à une telle taxe … car qui va acheter du matériel reconditionné s’il peut avoir mieux neuf pour moins cher ?
Accessoirement, à une époque où l’on nous explique qu’il faut sauvez la planète, il apparaît pour le moins contreproductif d’empêcher de facto le recyclage d’appareils qui seront purement et simplement mis au rebus au nom de la protection d’une corporation qui n’est pas vraiment dans le besoin !
Mais l’essentiel n’est-il pas de participer ?
Petite précision qui en fera sourire plus d’un : je n’ai pas de smart phone …
Bien cordialement à tous !
Licence de publication : La reproduction de cet article est autorisée à la condition de le reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur et le site originel de publication.
M. Philos
J’ai noté votre article uniquement sur la forme : 3/5
Concernant le contenu, je rejoins le commentaire précédent :
C’est un fromage et j’ajouterai qu’à vue de nez il semble que pour vous il sente aussi fort que le munster ou le maroilles.
C’est pour ma part, un article indigne de vous et de ceux que vous avez pu produire jusqu’ici et dans votre spécialité : droit fiscal et des affaires, économie… arrêtez moi si je me trompe.
Il me semble en effet qu’il stigmatise une catégorie de francais : les artistes.
En ce sens, il divise les français ou tous ceux qui indépendamment de leur origine ont choisi de s’installer, de travailler et de vivre en France
Je pense que durant cette période trouble que nous traversons, il serait plus judicieux de se concentrer sur ce qui rassemble et non sur ce qui divise.
S’il est admis par bon nombre d’entre nous que le système actuel de notre pays est bourré d’incohérences et d’imperfections, je vois mal comment transformer efficacement ce qui a besoin de l’être dans le désordre que créent ces chamailleries dignes de gamins de 6 ans
Que diriez-vous d’une rémunération pour les maçons sur tous les outils de bricolage vendus en France au motif que cela leur retirerait une part de travail ?
La « taxe » sur les appareils d’enregistrement au profit d’un catégorie professionnelle ressort du même état d’esprit.
Évoquer les avantages indus perçus par certains n’est pas nécessairement une stigmatisation. C’est de l’information et je n’y vois aucune indignité !
En outre, s’il fallait faire le tour de tous les avantages perçus par ceux que vous appelez « les artistes », un article n’y suffirait pas !
Après, on peut aussi avoir une vision sélective : stigmatiser les agents des impôts c’est bien, s’en prendre aux auteurs/compositeurs c’est mal … mais alors c’est juste un parti pris !
A vous de voir dans quelle catégorie vous vous placez …
Au nom de quoi devrais-je payer pour des merdes que je n’écouterai/acheterai jamais ?
Vous avez raison.
Beaucoup perçoivent des avantages indus. d’accord sur ce point.
Pourquoi pointer du doigt particulièrement ceux dont bénéficie une catégorie de professionnels si ce n’est à dessein ?
Je précise que je suis un témoin, rien d’autre, autrement dit je n’ai aucun intérêt à défendre les auteurs, compositeurs ou artistes.
Je vous propose d’aller au bout de votre démarche et de citer tous les avantages qui vous semblent indus et prévus dans le système actuel.
Si cela peut faire avancer le ‘schmilblik’, si tel est votre objectif.
« Ce qui est surprenant c’est que ce droit d’auteur s’étend sur une durée extrêmement longue à la différence des brevets qui ne sont limités qu’à vingt ans ! Or, un brevet industriel, qui a pu nécessiter des années de recherches et des investissements très lourds, est quand même plus important qu’un droit quasi perpétuel sur une chanson écrite en 20 mn sur un coin de table et dont la valeur tient essentiellement à des dispositions légales pour le moins complaisantes … »
Totalement d’accord avec vous, et ce qu’il faut encore préciser c’est qu’un brevet n’est pas gratuit, il faut payer des redevances annuelles très élevées pour bénéficier de la toute relative protection de l’état qui le délivre. Et il faut un brevet par zone économique, c’est à dire en pratique au moins un brevet européen à défaut d’un français et un brevet aux Etats-Unis. Autrement dit le pauvre petit inventeur isolé qui a une idée de génie part perdant d’avance pour faire valoir ses droits.
Alors là bravo.
Un sujet dont personne ne parle, mais qui est objectivement un fromage hors du commun.
Rares sont les artistes qui perçoivent 70 ans de recettes sur création, nombreux sont les héritiers qui touchent, même si l’œuvre est ouvertement contre les droits de succession et le capital….