Je viens de lire le dernier livre de Vincent Jauvert intitulé la mafia d’Etat et censé faire des révélations sur la haute fonction publique.
Il n’y a malheureusement rien de bien nouveau dans ce livre sous le soleil de la haute fonction publique qui comprend les énarques mais aussi les X mines/polytechnique.
En fait, au-delà du titre un rien racoleur, ce livre ne m’a rien appris et si vous lisez régulièrement Témoignage Fiscal vous n’en apprendrez pas beaucoup plus !
En outre, on ne peut pas parler de mafia puisqu’il ne s’agit pas d’une organisation criminelle.
Par contre, nous nous trouvons bien en présence d’une caste qui a pris le contrôle de l’ensemble de l’appareil étatique et politique et qui recherche et protège tous les avantages possibles et imaginables dont ils peuvent bénéficier ; bien qu’on puisse aussi affirmer que la plupart des hauts fonctionnaires exercent des fonctions administratives de manière tout à fait ordinaire.
Vincent Jauvert évoque l’interpénétration de la haute fonction publique, de la politique et des grandes entreprises françaises sans vraiment développer ce point alors qu’il s’agit d’un cas unique en Europe.
Il aurait pu notamment donner la liste de toutes les grandes entreprises françaises dirigées par des membres de la caste mais il ne l’a pas fait !
Il ne parle pas non plus des échecs retentissants liés à la direction d’entreprises privées ou publiques par des énarques ou des polytechniciens. (Crédit Lyonnais, Areva, …)
Il donne des noms (enfin quelques noms) certains connus du grand public, d’autres moins, en indiquant leurs rémunérations évidemment conséquentes qui sont celles de cadres supérieurs avec l’évident dessein de choquer ou de provoquer le lecteur.
Il fustige les gros salaires ou comment être de gauche avec 150.000€ de salaire annuel !
Il évoque enfin les jetons de présence dans les conseils d’administration pour des fonctions plus que théoriques ou comment bénéficier de rémunérations conséquentes sans fournir quelque travail que ce soit ; ces bons postes se transmettant dans le cadre d’une véritable chasse gardée car il y a des castes dans la caste et une concurrence sévère entre conseil d’Etat, inspection des finances, cour des comptes (ce qu’on appelle les grands corps).
Il évoque par le menu ces règles laxistes qui leur permettent de bénéficier (en détachement) de la poursuite de leur carrière dans l’administration tout … en n’y travaillant pas ; ce qui leur permet de progresser en grade et d’escompter une meilleure retraite !
Il raconte les petites combines, les emplois réservés, le pantouflage, les allers et retours entre politique et administration mais aussi entre grandes entreprises et administration, les incertitudes du statut de haut fonctionnaire exploitées sans vergogne par la caste et l’exploitation des failles du système même s’il existe un système de contrôle de légalité qui a été pendant longtemps, et cela n’est sans doute pas un hasard, complètement défaillant …
Car, c’est cela la dure vie des hauts fonctionnaires qui bénéficient de l’emploi à vie !
Il évoque enfin l’omerta qui existe à propos des salaires de ces hauts fonctionnaires et dirigeants qui alternent administration, politique, sièges confortables dans des conseils d’administration de sociétés privées ou publiques ainsi que les difficultés pour en connaitre les montants qui sont pour l’essentiel secrets car cela relève, selon leurs bénéficiaires, de la sphère privée et n’a rien à voir avec la vie publique.
Il nous révèle notamment qu’Edouard Philippe, le haut fonctionnaire politicien « préféré des français », est un adepte de l’opacité la plus totale à propos de la haute fonction publique puisqu’il est hostile à toute transparence en ce qui concerne les statuts, les postes, les fonctions employées et les rémunérations et qu’il a refusé de répondre à toutes les demandes d’entrevues et à toutes les questions !
Jauvert relève cette curiosité française avec bon sens en précisant que dans les pays du nord de l’Europe et au Royaume Uni ces rémunérations sont publiques. Il insiste même en précisant qu’en France, le moindre élu, disposant de beaucoup moins de pouvoir, voit ses rémunérations divulguées via la HATVP (haute autorité pour la transparence de la vie publique).
Il souligne néanmoins l’évolution favorable de la transparence depuis la mise en place, sous Hollande, de la HATVP ; à la suite du scandale Cahuzac.
Il raconte aussi le lancement en politique qui semble être un moyen d’échapper à la routine de l’administration avec ces petits arrangements qui permettent de se lancer sans risques en reprenant le fauteuil d’un collègue !
Il parle bien de l’entre soi mais peu de l’endogamie et pourtant ces élites se marient entre elles (on retrouve souvent les fils et les filles de …).
Il évoque assez longuement l’usine à élite : l’IEP de Paris autrement dit sciences po et son contrôle total par l’élite alors qu’elle fonctionne au moins pour la moitié à partir de fonds publics.
On a toujours parlé de réformer le système après en avoir constaté les dérives et les abus mais la caste veille au grain et bloque systématiquement toute tentative de réforme qui porterait atteinte à ses prébendes !
E Macron lui-même avait promis, en 2017, de réformer la haute fonction publique (dont il est lui-même issu) mais tout cela est resté lettre morte. On a juste changé le nom de l’ENA qui est devenue l’INSP (institut national du service public) ce qui, on en conviendra, est un peu court …
C’est pourtant simple, il suffit :
-d’interdire le pantouflage dans les entreprises privées,
-de supprimer la progression automatique de la carrière lorsque l’on n’occupe pas d’emploi dans l’administration,
-d’instaurer une incompatibilité entre mandat électif, poste politique et poste dans l’administration et de contraindre le fonctionnaire à démissionner lorsqu’il se lance en politique comme c’est le cas au Royaume Uni ou en Allemagne !
Mais, vous pensez bien que, de cela, ils ne veulent absolument pas !
Vincent Jauvert, la mafia d’Etat, Éditions du seuil
Bien cordialement à tous !
Απο την Ελλαδα Κατακολον (De la Grèce – Katakolon).
On ne dit pas haut fonctionnaire mais parasite social institutionnel.
Pourquoi ce silence complet sur le dossier concernant l’enquête de Thierry Benne sur les rémunérations illégales des membres du Conseil Constitutionnel publiée sur le site de l’IREF ?