La grande distribution trinque

Les annonces se suivent et se ressemblent : Carrefour va mal (1200 suppressions de postes), Auchan va mal (fermeture de plusieurs magasins), Casino va encore plus mal avec sa mise sous protection de justice.

Décidément, le secteur de la grande distribution n’est plus ce qu’il était !

Peut-on en conclure que quelque chose a changé ? A l’évidence oui !

Ce type de commerce, avec des surfaces de vente de plus en plus grandes, voire carrément démesurées, a connu son heure de gloire à partir des années 1970 (le premier supermarché était un Carrefour à Ste Geneviève des Bois).

Ce type de commerce, par ailleurs typiquement français, dont l’expansion a d’ailleurs souvent signifié la mort du petit commerce de détail, fonctionnait sur le principe des flux de trésorerie par l’intermédiaire de centrales d’achat très puissantes dont la réputation de dureté dans la négociation n’est plus à faire !

Plusieurs lois ont été édictées pour essayer de modérer leur puissance souvent abusive ; sans effet significatif !

Il faut dire que pour un fabriquant accéder à la force de vente d’un groupe comme Carrefour ou Leclerc constitue une assurance d’atteindre des volumes de ventes impossibles à réaliser en direct.

Seulement, en contrepartie, ces groupes achetaient la marchandise au prix le plus bas possible et la vendaient rapidement tout en ne la payant que 4 à 6 mois plus tard ; la trésorerie dégagée étant placée et rapportant à son tour des revenus ! Seulement, cela ne fonctionne plus aujourd’hui puisque les taux d’intérêts sont à zéro du fait de la politique monétaire de la BCE. Celà engendre probablement une perte de revenus de ce côté-là !

Ces grandes surfaces se sont d’ailleurs livré une concurrence féroce basée essentiellement sur les prix les plus bas, voire la vente à perte ; lesquels prix bas étaient fatalement obtenus en étranglant toujours plus le producteur, hormis quelques produits de marque avec lesquels … on ne peut pas négocier du fait de leur notoriété. (Coca cola, Nescafé …)

Dans la profession, il faut distinguer deux types d’organisation : les groupes intégrés et les regroupements de commerçants indépendants.

Carrefour est un groupe intégré c’est à dire que tous les magasins appartiennent à la même société. C’est le cas aussi pour Casino et pour Auchan.

Par contre, Leclerc, Intermarché et système U sont des regroupements de commerçants indépendants affiliés  à une centrale d’achat ; laquelle négocie les achats en (gros) volumes afin de leur faire bénéficier des meilleurs prix. Les enseignes ne sont donc pas propriétaires des magasins.

L’effet capitalistique n’est donc pas le même bien qu’on ne puisse pas affirmer qu’un modèle soit supérieur à l’autre ; si ce n’est que l’on voit que ce sont bien les groupes intégrés qui ont actuellement le plus de difficultés.

Que se passe-t-il donc ?

Le fait principal est la modification du comportement des clients du fait de l’émergence d’Internet et on en connaît le principal artisan : Amazon, l’une des Gafa !

Mais elle n’est pas la seule, car il y a des dizaines de sites (Cdiscount, Alibaba qui est chinois …) qui vous permettent désormais de trouver, confortablement installés devant votre écran, l’objet convoité voire introuvable !

Mais, ce phénomène n’est pas propre à la grande distribution car il touche, à un moment ou à une autre, tous les domaines de l’économie.

Dans les années 70, la France a vu l’effondrement de ses industries textiles, de ses mines de charbon, de ses chantiers navals, de sa sidérurgie parce que des concurrents avaient émergés et qu’ils étaient plus compétitifs ! Et ce mouvement est à la fois irréversible et incontournable ; ce qui signifie que toutes les tentatives de l’Etat pour enrayer ce phénomène ont lamentablement échoué !

Le transport aérien avec l’émergence des compagnies low cost mais aussi la presse quotidienne en version papier (désormais lourdement subventionnée par l’Etat) ont connu et connaissent encore des difficultés. Les cinémas font face au marché de la vidéo à la demande (VOD) sur Internet avec des poids lourds comme Netflix ; tout comme les marchands de disques (CD) confrontés à la musique en ligne et les libraires confrontés au livre numérique.

Le modèle de la grande distribution a été très compétitif mais, aujourd’hui, il a beaucoup de mal à faire face à la concurrence d’Internet ! Il y a donc une modification des structures du commerce de (relative) proximité.

L’Etat est d’ailleurs en partie responsable de cette situation car il a  poussé à la détention d’Internet parce que celà l’arrangeait ; notamment en transférant une charge de travail sur les contribuables. De plus, avec les smart phones et la connexion 4G puis bientôt la 5G les gens sont connectés en permanence et en profitent.

Or, il n’y a pas besoin d’être bien malin pour s’apercevoir que les prix obtenus sur Internet sans se déplacer, avec la livraison gratuite sont souvent 30% moins chers que ceux pratiqués dans les grandes surfaces pas toujours situées à coté de votre domicile ! Le bénéfice est donc double, des prix plus bas sans avoir à perdre son temps dans des déplacements interurbains !

Ces groupes de grandes surfaces ont d’ailleurs compris le danger, sans vraiment pouvoir y faire face pour l’instant car … ils ont beaucoup de mal à s’adapter. Ils se sont lancés, eux aussi, dans le e-commerce mais sans grand succès pour l’instant ce qui les amène à « réduire la voilure » ; en supprimant certains secteurs jugés insuffisamment rentables (Carrefour et Auchan) ou même en fermant certains magasins considérés comme non rentables (Auchan). Monoprix, pour sa part, tente de s’allier avec Amazon !

C’est en fait le modèle de la grande surface où l’on trouve tout, absolument tout, qui est en train d’évoluer et cette évolution n’est d’ailleurs pas finie parce que le modèle évolue sans cesse ; et, pour l’instant, les grandes surfaces ne peuvent pas lutter … il n’y a pas de parade alors que les ventes de CD audio et vidéo se sont écroulées, qu’on peut désormais acheter son matériel informatique sur Internet tout comme son matériel électroménager !

Aux USA, les magasins Walmart, numéro un mondial, ont trouvé une parade inapplicable en France en raison du droit du travail : ils sont ouverts 24 h sur 24 h ce qui fait que vous pouvez aller faire vos courses à 3 h du matin si ça vous chante !

Mais, Walmart s’est aperçu aussi que la livraison est le nerf de la guerre dans le e-commerce car les consommateurs veulent recevoir le plus tôt possible le produit commandé sur internet. Il a donc prévu de mettre en place un service de livraisons gratuites à domicile le jour suivant la commande et prévoit d’étendre ce service à 75% de la population américaine d’ici la fin de l’année !

Quelle conclusion en tirer : Que le monde change et qu’il évolue, quoique l’on en dise et quoique l’on fasse, et que c‘est un processus à la fois irréversible et inévitable et que s’y opposer et le refuser constitue la plus mauvaise solution !

Bien sûr, on peut incriminer la mondialisation, pas toujours heureuse, ou la globalisation des échanges mais il faut être conscient que la globalisation correspond à une vague de fond complexe liée au développement des communications (Internet, avions), à la suppression du rideau de fer et la chute de l’empire soviétique, au développement économique de la Chine et de l’Asie !

Le nier, c’est nier l’évolution du monde !

Cela amène d’ailleurs sans doute estimer que les grandes zones commerciales situées en périphérie des villes (du style Plan de Campagne au nord de Marseille) vont connaître des difficultés grandissantes parce que, tout simplement, le modèle économique a changé !

On n’arrête pas le progrès technologique et c’est le principe de la destruction créatrice qui s’applique alors ; c’est à dire que les entreprises inadaptées disparaissent pour laisser la place à des entreprises plus performantes !

Malheureusement, ces mutations s’accompagnent souvent de suppressions d’emplois ; ce qui explique que cette théorie économique soit violemment combattue par nombre de politiciens parce qu’elle ne correspond pas à leur vision du monde ni à celle de leurs électeurs.

De plus, en France, on a tellement rigidifié le marché du travail qu’on a fini par le scléroser complètement et que perdre aujourd’hui son emploi peut signifier ne plus jamais avoir d’emploi ; surtout que des politiciens en mal d’électeurs n’hésitent jamais à venir expliquer qu’ils vont tout faire pour essayer de sauver la situation ; le plus souvent en pure perte (voir mon dernier article sur Ascoval) !

Evidemment, cela va à l’encontre de la mentalité de beaucoup de salariés qui s’imaginaient avoir un emploi pour la vie et qui voient leur situation fragilisée du fait de cette innovation technologique ; bien qu’ils en profitent lorsqu’ils achètent des smart phones ou des télévisions à écran plat dont le prix serait multiplié par au moins 10 s’ils étaient fabriqués en Europe !

Dernier point et non des moindres qui risque de compliquer la situation : on ne peut absolument pas prévoir les effets à moyen ou long terme de la guerre commerciale engagée entre les USA et la Chine ; laquelle va inéluctablement impacter le commerce mondial car il ne faut pas oublier qu’hormis l’alimentaire, la plupart des produits vendus dans les grandes surfaces viennent de Chine.

Or, les USA ont décidé de bloquer à la fois les transferts de technologie vers la Chine et de puces électroniques « sensibles » sans lesquelles les smart phones de dernière génération ne sauraient fonctionner. Google vient même d’interdire à Huawei d’utiliser Android, le langage des smart phones non Apple.

Il faut aussi prendre en considération les effets de textes législatifs mal pensés voire inutiles qui faussent le marché par le biais d’une pénalisation fiscale (comme par exemple pour les véhicules diesel) ; sans que l’on puisse prévoir pour l’instant s’il y aura ou non un nouveau saut technologique rendant à son tour le véhicule électrique à batterie inadapté ou obsolète.

Certains diront que c’est le système, d’autres que ce sont les banques, d’autres  y verront un complot mondial alors que, tout simplement, ce sont les consommateurs qui modifient leurs comportements !

Celui qui croit que l’on vit dans un monde figé se trompe et refuser l’évolution du monde, c’est s’exposer à de graves déconvenues. Il y a d’ailleurs un signe qui ne trompe pas : les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont accepté la liberté économique !

Petite précision : la France n’en fait pas partie …

Bien cordialement à tous !

Απο την Ελλαδα ! (De la Grèce)

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles 5,00 sur 5 (7 avis)
Loading...

A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

4 réflexions sur « La grande distribution trinque »

  1. Nous trainons en France un boulet économique monstrueux celui de la fonction publique pratiquement inutile dans de nombreux secteurs, qu’il faut nourrir absolument sinon l’arme suprême sera déclenchée : LA GREVE

  2. Cher Philos,
    Il manque un point fondamental à ce très bon article : la loi Royer.
    C’est le privilège que cette loi a apporté aux grands distributeurs qui a transformé leurs clients en assujettis, qui a endormi l’esprit de concurrence de ces distributeurs, qui devenus obèses se sont transformés en capitalistes de connivence, et patatras…ils dégringolent…. logique.
    J’ai expliqué cela il y a des années, dès la loi Royer en 1971. C’était parfaitement prévisible.
    C’est donc l’intervention de l’Etat qui les a transformé en zombies, Etat qui va finir par les nationaliser, c’est inévitable. Ce sera la pénurie dans les rayons.
    Amitié.

    1. Je n’en n’ai pas parlé parce que ce n’était pas mon propos qui est de parler de la puissance installée des grandes surfaces, qui se sont retrouvées en position ultra dominante et qui sont néanmoins en difficulté parce que la technologie a changé le mode de consommation.

      Mon propos est d’attirer l’attention du lecteur sur le fait bien réel que le monde change et que rien ni personne ne peut l’empêcher !

      Après, on s’adapte … ou pas !

      Amitiés !

  3. Il n’y a qu’une chose qui ne changera jamais , c’est le changement. Et il n’y a rien de plus constant que le changement. C’est comme la démocratie , une démocratie qui n’évolue pas est soumise à la médiocrité des Hommes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *