JUSQU’À LA TOMBE et même au delà /2

Manitas de Plata est mort à l’âge de 93 ans

Par AFP,
Manitas de Plata.[Pascal Guyot / AFP/Archives]

Manitas de Plata, chantre de la musique gitane et du flamenco, s’est éteint à 93 ans dans une maison de retraite du Midi, où après avoir avoir vendu des millions de disques, ce flambeur et artiste de génie a fini ses jours ruiné.

 

Le virtuose qui avait perdu toute autonomie avait été placé par sa famille en maison de retraite en août dernier. “Mon père est mort de vieillesse entouré de sa famille“, a dit à l’AFP sa fille Françoise, qui était aussi sa tutrice.

Le guitariste gitan, de son vrai nom Ricardo Baliardo, était né le 7 août 1921 à Sète dans la roulotte familiale. Son père était marchand de chevaux. Mais c’est son oncle qui le poussa vers la musique et lui trouva son pseudonyme: Manitas de Plata, littéralement “petites mains d’argent” en espagnol, mais plutôt “doigts de fée”.

Successeur de Django Reinhardt, Manitas de Plata, qui signait avec des lettres bâtons, y ajoutant les dernières années une espièglerie, un S transformé en dollar, s’est produit sur les scènes mondiales les plus prestigieuses. Il a triomphé (14 fois) au Carnegie Hall de New York, en décembre 1965. “Mon meilleur souvenir”, a-t-il toujours affirmé. Il a aussi illuminé le Royal Albert Hall de Londres. “Il y avait eu quatre fois sept mille personnes”, s’amusait-il.

Tout est parti des pèlerinages aux Sainte-Maries de la mer, le rassemblement des gitans en Camargue au début des années 1960. Longtemps il ne voulut rien, mais le photographe Lucien Clergue finit par le convaincre d’aller jouer à New York alors que les Américains avaient traversé l’Atlantique pour l’enregistrer.

Instants magiques

 

Son dernier concert remontait à 2010, à l’ouverture de la Feria des vendanges à Nîmes. Il était alors accompagné d’une trentaine de guitaristes.

Depuis, assis dans son fauteuil, pantalon noir et chemise rouge, il ne jouait plus. “Je suis malade“, lançait-il d’emblée à tous ses visiteurs, le regard triste dans ses yeux céruléens. Mais parfois l’envie était trop forte. Aussi il prenait sa guitare et devant quelques privilégiés, il laissait courir ses doigts engourdis par les rhumatismes sur les cordes.

Manitas de Plata, volontiers flambeur, qui draguait au volant de sa Rolls, a reconnu 13 enfants et faisait vivre toute sa tribu (femmes, enfants, oncles, neveux) soit quelque 80 personnes. Il a laissé 80 disques enregistrés et 93 millions d’albums vendus à travers le monde.

Mais il ne lui restait rien. Lui qui fut l’ami de Pablo Picasso, qu’il appelait “papa”, de Salvador Dali ou encore de Jean Cocteau, a fini sa vie dans le capharnaüm d’un minuscule studio à La Grande Motte(Hérault) face à la mer, entouré d’une foultitude d’objets, dont sept guitares ou un disque d’or cassé. Il n’était toutefois jamais seul car une… jeune femme s’occupait de lui. La dernière, Nathalie.

Il vivait à La Grande Motte depuis plusieurs années. il avait ses habitudes sur les terrasses du Front de Mer mais on le voyait s’affaiblir”, a commenté le maire UMP de la ville, Stephan Rossignol, affirmant que “les Grand-Mottois” étaient “tristes aujourd’hui” de la disparition d’une “légende”, “du plus grand guitariste gitan de tous les temps, l’un des plus grands artistes du XXe siècle”.

J’ai joué avec le coeur et j’ai toujours vécu au jour le jour“, avait confié à l’AFP Manitas lors de son 90e anniversaire, en tirant sur sa cigarette. Et de réitérer sa définition de la passion, cette fois limitée, dans l’ordre, “à la musique et aux femmes”.

il avouait alors n’avoir jamais économisé et quelques soucis avec le fisc. A 90 ans, il continuait à payer son redressement fiscal.

Il assurait pourtant n’avoir pas de regret. Ou juste un seul: “Après moi, il n’y a personne en France. Je suis inquiet pour la musique gitane”.

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