Intelligence, mémoire et connerie

Je suis né très ordinaire. Ni particulièrement doué, ni particulièrement nul, en tout. De cela a résulté, au départ, une nature heureuse. J’ai attaqué la vie avec plaisir et bonne humeur, sans malice.

Ce sont les autres qui m’ont posé problème.

Notamment, la difficulté que j’avais, et que j’ai toujours, à différencier ceux qui sont équipés d’une grosse mémoire et ceux qui sont équipés d’une grande intelligence. Sachant que ceux qui ont les deux sont si rares qu’il est inutile de les mentionner, ils sont à la marge de la société, la plupart du temps inutilisés.

Il m’a fallu longtemps pour comprendre que la société favorise les grosses mémoires, que ce sont elles qui trustent les premières places, pendant que les grandes intelligences sont davantage dispersées, au gré du hasard.

Évidemment, les grosses mémoires haïssent les grandes intelligences, elles n’hésitent pas à s’allier avec la connerie la plus sauvage pour tenter de les évincer de la société.

Pour les gens ordinaires, comme moi, il n’est pas évident de démêler l’écheveau. Et pourtant, c’est de ce combat que dépendent nos sociétés, donc nos vies, et tout particulièrement nos libertés. 

Avant d’aller plus avant, il faut que je vous précise un point fondamental de ma pensée :

– Je crois que le passé « l’histoire » et l’avenir « l’espoir » sont deux vues de l’esprit, qui doivent plus à l’imagination qu’à la réalité, qui sont les otages de notre cerveau, donc de notre mémoire et de notre intelligence.

Cependant, notre présent, notre « être », seule réalité tangible, est en partie conditionné par l’espace, réduit à l’instant; que lui laissent le passé et l’avenir. Cela vaut pour chacun de nous, mais aussi, plus globalement, pour toute société.

C’est dans ces conditions que notre présent collectif et commun est largement dépendant du conflit intellectuel existant entre l’intelligence et la mémoire alliée à la connerie.

L’observation du champ de bataille confirme rapidement que l’intelligence cohabite naturellement avec la liberté, alors que cette dernière paraît inacceptable et devoir être limitée pour les deux alliés que sont la mémoire et la connerie. Ceux-ci ont plus d’un tour dans leur sac pour affaiblir l’intelligence en la privant de son alliée naturelle la liberté.

Par exemple, ils refusent qu’elle puisse être à la base de l’organisation sociale, ils refusent même de nommer cette possibilité, considérant que le seul mot de « libéralisme » serait insultant.

Butinant dans le passé et l’avenir, la mémoire et la connerie tentent de justifier la limitation, voire l’éradication, de la liberté pour priver l’intelligence de cette alliée, de son oxygène. Ils font largement appel à l’idée de groupe, aux peurs, à l’irréel,  aux fantasmes, à l’utopie pour atteindre leur but.

Et ça marche, car nous sommes nombreux à avoir du mal à percevoir immédiatement la bêtise lorsqu’elle se pare de l’érudition. Nous sommes obligés d’attendre les résultats pour percevoir la perfidie, mais c’est alors trop tard, notre présent fait déjà partie du passé, notre « être » n’a pas vécu.

C’est ainsi que les hommes ont si souvent perdu leur liberté au nom de dogmes, tous plus affligeants les uns que les autres, aux trajectoires folles et meurtrières.

La liberté, cet espace auquel chacun devrait avoir droit, est complexe à côtoyer seul, mais en groupe c’est bien pire.

Pourtant la liberté, et elle seule, justifie notre infinitésimal passage sur cette planète. Vous comprendrez que j’en veux beaucoup à tous ceux qui l’entravent, pour notre bien.

Alors, quand on me traite de « libéral », de « néo-libéral » et que sais-je encore, pour me lier, me plier à des dogmes dont je ne veux absolument pas, des utopies que je rejette résolument, j’étouffe.

Les « mémoreux » me foutent de l’asthme. Pourtant je ne leur demande rien, juste qu’ils me foutent la paix. Je m’engage à les respecter, à ne pas les contrarier, à mener ma vie sans rien leur demander, ce n’est pas suffisant, il faut en plus que j’adhère à leurs folies. Pour eux, pas d’exception, pas d’île solitaire, ils veulent mon âme, et aussi un peu mon fric quand même.

Bon allez salut, je cours, je pars, j’essaie de leur échapper, au moins pour quelques heures.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

2 réflexions sur « Intelligence, mémoire et connerie »

  1. J’ai parfois l’impression d’être très intelligent,mais en général, ça ne dure pas….
    (heureusement) et pour la mémoire, je suis plutôt (comme le chien) au dessus de la moyenne (quel mot ignoble !) mais ça se dégrade avec le temps…..
    Donc, je ne suis pas (à regret) Jean d’Ormesson, mais j’espère y parvenir d’ici une cinquantaine d’années….
    En tous je suis solidaire de mon pote Henri …
    P.S. à quand la rigolade ?

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