Heureux qui comme Ulysse …

Une fois n’est pas coutume : pas de considérations fiscales ou économiques, juste une histoire de voyage qui se termine bien malgré une adversité persistante !

Certains d’entre vous savent que je passe l’été en Grèce où j’y ai un vieux bateau (35 ans). Evidemment, avec la crise sanitaire, les voyages sont devenus plus compliqués surtout que les frontières ont été fermées et n’ont rouvert que progressivement.

A partir de ce constat, deux options s’ouvraient à moi :

  • Soit je restais en France et je faisais l’impasse sur 2020 ; sans doute la meilleure solution et celle adoptée par certains de mes amis.
  • Soit j’y allais quand même.

Le problème est que ce bateau est un voilier en acier. Ce matériau, s’il présente des garanties de solidité et de sécurité sans aucune mesure avec les voiliers en polyester, nécessite des travaux d’entretien très suivis. Laisser passer une année, c’est courir le risque d’avoir des conséquences graves et difficiles à réparer.

En effet, l’acier rouille et il n’y a rien de plus agressif que l’eau de mer !

En outre, il y a à bord 8 batteries de 150 Ah à 150 € pièce qu’il faut pouvoir entretenir et deux ans sans entretien signifient la mort probable des batteries !

Je prends donc la décision d’y aller  et vous allez voir comment, en application de la loi de Murphy ou, comme le disait le président Chirac, les emmerdes ça vole en escadrille !

L’Italie annonce qu’elle rouvre ses frontières dès le 03 juin. La Grèce le 15 juin. Je me prépare donc au grand départ …

Par mesure de sécurité, je me renseigne auprès du service du premier ministre qui me fait une réponse d’énarque : 40 lignes pour ne rien dire et ne donner aucune information ! Vous avez pu lire cette réponse en tous points … lamentable d’incompétence et d’inefficacité !

Je me mets en rapport avec la compagnie de ferries MINOAN LINES à Athènes : réponse c’est bon pour le 15 juin.

Accordant confiance à cette information, je pars donc le 12 juin de St Malo pour un ferry au 16 ou le 17 juin.

Précision importante : le ferry doit être pris à Ancona, port italien sur la coté adriatique, pour une arrivée à Igoumenitsa et je redoute toujours ce trajet italien. Vous allez comprendre pourquoi !

Eu égard à la longueur du trajet, je le scinde en 3 parties et m’arrête chez une amie en Charente.

Les informations continuent d’arriver mais elles ne sont pas toutes concordantes.

Pris d’un doute, j’appelle le 15 juin le bureau italien de MINOAN et là grosse déconvenue : les passagers ne peuvent pas entrer en Grèce avant le 1er juillet ; seuls les camionneurs et le trafic marchandises sont autorisés ! Par contre, curieusement, on peut passer par l’Albanie, la Macédoine ou la Bulgarie en voiture … à condition de pouvoir entrer dans ces pays. Seuls les aéroports d’Athènes et Thessalonique sont ouverts.

Je suis donc bloqué pour 15 jours en Charente.

Je prends mon mal en patience et finis par prendre un billet par internet pour le 03 juillet.

Je reçois alors de MINOAN deux sms peu clairs dont il ressort qu’il faut faire des formalités d’entrée (comme avant l’Europe).

Il faut fournir une attestation de non maladie à télécharger et un formulaire « PLF » d’entrée sur le territoire grec par internet sur ce site. Après quelques hésitations, je remplis les formalités et je pars le 1er juillet pour prendre le ferry du 03 juillet à 14 h 30.

Le timing est serré et ne supporte aucune défaillance.

Nuit sauvage en Camargue …

Un petit tour à Marseille pour ma peinture à bateau (antifouling)

Et … je casse la butée d’embrayage de la voiture à Brignoles (c’est un vérin hydraulique qui permet de débrayer) !

Evidemment, il n’est plus possible de prendre le ferry !

Dépannage obligatoire et compliqué (par Europ assistance) qui part du principe que l’automobiliste a toujours internet… ce que je n’ai pas !

En plus, la panne a lieu dans une zone blanche : pas de téléphone !

Heureusement, un voisin charitable s’est arrêté et m’a amené chez lui pour que je puisse faire les formalités de contact d’un dépanneur …

Le dépannage est rapide et bien fait mais le contrat d’assistance est limitatif : je dois payer 43€ non pris en charge par l’assurance (forfait max de 180€).

Le dépanneur étant un garage de marque (à St Maximin), je m’enquiers des délais de réparation : 3 semaines !

Charitable, il m’amène à un petit garage de Brignoles dont le patron efficace et le personnel compétent me permettront de récupérer la voiture au bout de 4 jours (déposée le 02 récupérée le 6).

Le garage m’amène à un hôtel situé à 300 m. J’y resterai 5 jours à 84€ la nuit !

Juste un détail un peu contrariant, la facture de réparation est énorme car il faut, sur ce type de voiture, remplacer aussi le volant moteur bi masse : cout  1.876 €.

Je reprends le 06 juillet un nouveau billet de ferry pour le 08 juillet à 14 h 30. Dans le doute je refais une formalité d’entrée PLF. Les autorités helléniques précisent que le formulaire doit être rempli sur site 48 à 72 h avant le déparquement …3 jours je suis donc dans le délai !

Je repars le 07 sous une chaleur torride mais tout va bien. Après une pause dans la région de Cannes, je fais mon entrée en Italie le soir vers 23 h 00, direction Gènes.

Ça roule correctement (avec une remorque) avec néanmoins de longs passages de travaux obligeant à une circulation alternée à double sens d’un côté ou de l‘autre et de sérieux ralentissements … jusqu’au moment où j’avise des panneaux indiquant chiuso (fermé) de manière répétitive sans trop savoir de quoi il s’agit.

A 90 km de Gènes, j’ai compris ! L’autoroute est fermée, sortie obligatoire à Alassio ; ce qui ne fait pas du tout mon affaire !

Une lente procession de 60 km par le bord de mer s’engage en suivant des poids lourds à 40 km/h ! Impossible d’aller plus vite car, en Italie, hors des autoroutes, les routes sont à proscrire et on traverse de nombreuses agloomérations !

On finit par ressortir sur l’autoroute à 30 km de Gènes mais j’ai quand même remarqué le panneautage très succinct des italiens … Toutefois, en suivant les camions j’avais peu de risque de me tromper !

Ça roule correctement jusqu’à Gènes mais je revois encore ce panneau chiuso 10 km avant Gènes et effectivement, l’autoroute en direction de Milan et Bologne est fermée ! Je ne peux plus aller à Ancona par la route habituelle …

Il est 2 heures du matin et je vais devoir m’engager dans le centre-ville de Gènes (qui est immense).

Le premier constat est que le panneautage est complètement défaillant, je me perds dans la ville (je fais deux fois demi-tour), impossible de trouver la sortie vers Milan !

Je vois un panneau La Spezia (en fait, c’est le seul visible !). Je décide donc d’y aller pour atteindre Firenze (Florence) en escomptant passer par Ferrugia … ce qui m’amène sur une route du bord de mer, urbaine, sinueuse et lente (40 km/h maxi). Le pont de l’autoroute qui s’est écroulé n’est toujours pas reconstruit !

Les heures tournent sans progression notable. Je finis quand même par trouver à 3 h du matin une entrée d’autoroute et … des travaux qui recommencent. La progression est lente mais on avance.

J’arrive à 5 heures du matin à Firenze et là ça tourne au désastre.

Je me perds dans la ville, aucun panneau, je cherche une sortie, je tourne en rond, je repasse plusieurs fois par les mêmes endroits … la conclusion qui s’impose : Firenze est un piège !

Il m’est même arrivé de voir le panneau autostrada, de suivre la route pour arriver à un endroit où il n’y a plus de route ! Complètement délirant !

Les choses se compliquent lorsqu’un petit malin a repéré mon manège et ma plaque française. Il a décidé d’en profiter …

Il me suit, me dépasse avec une Citroën Saxo grise pourrie et s’arrête devant moi dans une rue étroite …

Je ne comprends pas ce qu’il fait et mon cerveau commence à tourner au ralenti car je suis très fatigué !

Je me déboite pour le passer, et à ce moment, j’entends un bruit …

Le type me poursuit, me rattrape et on s’arrête !

Ma voiture est éraflée sur la porte arrière droite.

L’italien me montre son aile avant gauche : enfoncée !

Bien évidemment, ce n’est pas moi qui ai causé ce genre de dégât et j’ai vite compris qu’il y avait y avoir un problème !

En fait, j’ai affaire à un tamponneur c’est à dire à un type qui a provoqué intentionnellement l’accrochage pour me demander de l’argent !

On parle, je lui dis qu’on va faire un constat et évidemment, il commence à renâcler, me dit que c’est compliqué et qu’il va appeler la police …

Je me suis alors trouvé devant le dilemme suivant : si on va voir la police, je perds mon temps et … je rate mon ferry car il est à 14 h 30 et je viens de perdre 2 heures (il était 7 h) à tourner en rond dans Firenze !

Je me laisse embarquer dans une discussion de marchand de tapis …

Le gars me demande, sans rire, 500 € ; c’est plus que la valeur de la voiture !

Je lui dis 100 !

Il s’offusque, on perd du temps …

Je monte à 300€ pour me débarrasser de lui !

Il voit un billet de 50€ et insiste pour avoir 350€ : je lui dis qu’il est un enculé (en italien dans le texte).

Il prend l’argent et se sauve sur les chapeaux de roue comme un voleur !

Comble de malchance, ma voiture ne veut plus redémarrer ; merde ! Ces voitures électroniques ont toujours quelque chose !

En fait c’est la pile de la carte de démarrage qui est trop faible !

Je finis par repartir et je me retrouve à l’entrée de Firenze quand je suis arrivé 2 h plus tôt !

Pas le choix, je capitule et prends l’autoroute vers Bologne alors que cette route me fait repartir en arrière !

Je finis par trouver une sortie qui me permet de prendre une tout petite route de montagne en direction de Faenza. La progression est lente et sinueuse ; on se croirait dans les Cévennes !

Je finis par rejoindre, après un trajet délirant, l’autoroute en direction d’Ancona !

J’y arrive à 12 h soit très exactement 12 h après être parti de Brignoles alors que, normalement, je mets 8 h … juste 2 heures 30 avant le départ du ferry (le “checkin” doit être fait 2 h avant le départ).

Je manque de faire plusieurs malaises sur l’autoroute du fait de l’épuisement … il faut arriver !

Soulagé d’être arrivé, je constate que le grand parking où je me suis fait attaquer la nuit en 2018 (raison pour laquelle je ne dors plus en Italie) est archi bondé et il y a une queue d’enfer devant les guichets !

Masque obligatoire, 2 heures de queue !

Je passe le temps en discutant avec ma voisine, une britannique !

On parle des formalités et je constate qu’elle rencontre les mêmes problèmes que moi : Elle n’a pas reçu l’accusé de réception du PLF avec le « QR code » alors qu’elle a pris, comme moi, son billet lundi ! (nous sommes mercredi). Mais j’ai une arme secrète : le PLF du précédent billet (avec départ le 04).

Au guichet, on me demande le PLF. La dame du guichet voit bien qu’il est pour un voyage antérieur ; elle appelle le chef qui regarde et qui me dit que c’est bon !

Ouf, je sors dans les derniers de la file !

J’avise mon anglaise sur le parking et je lui demande si ça va pour elle !

Non pas du tout, pas de PLF, pas d’embarquement ; elle reste coincée avec sa voiture à Ancona !

Carrément la merde pour elle ! En fait, le délai de 3 jours est trop court !

Je me rends au quai d’embarquement et là double surprise : le ferry est déjà là et on me dit d’embarquer immédiatement (en général c’est au moins 3 heures de queue en plein soleil).

Un grec, chose inhabituelle car en général le personnel de cale est italien alors que le personnel de pont est grec (la compagnie grecque a été rachetée par le groupe Grimaldi), me range ma voiture avec les autres (avec une dextérité peu commune car en marche arrière avec une remorque c’est quasiment impossible !). Une chose m’intrigue : le bateau est presque vide !

Je monte à l’endroit où j’ai réservé ! Personne ! Je m’allonge épuisé, je dors 15 h !

A l’arrivée en Grèce, à Igoumenitsa, contrôle du PLF, ça passe comme une lettre à la poste avec le document du premier voyage !

Ouf !

A l’arrivée au port (c’est un terrain de stockage) bateau en ordre et je trouve sur ma boite email le PLF du voyage : je l’ai reçu le 08 à 23h30 alors que le bateau partait à 14 h30 (15 h30 en fait).

Quelles conclusions tirer de ce voyage ?

Avec mon premier billet, je me serais retrouvé dans la situation de la dame britannique car pas de PLF pas d’embarquement et je n’ai reçu le formulaire d’entrée qu’à l’hotel ! Le délai de 3 jours est donc trop court pour pouvoir avoir le PLF et cela personne ne peut le savoir avant de le découvrir à ses dépens !

Pour le reste, on se trouve typiquement dans le cadre de la loi de Murphy ou, dit autrement, de la loi de l’emmerdement maximum ! Un évènement en entraine un autre et ainsi de suite … et un voyage banal de 8 h par l’autoroute se transforme en épreuve !

S’il n’y avait pas eu de travaux sur l’autoroute, si j’avais pu prendre le chemin normal, rien de tout cela ne me serait arrivé !

Au dela de la perte de temps et de la fatigue supplémentaire (avec risque d’accident), concernant mon tamponneur, j’aurais pu résister mais que serait-il passé ?

Il aurait gémi devant la police (en principe c’est le véhicule qui double qui est responsable et ça je pense qu’il le savait), prétendre que l’avais menacé. Remonter dans ma voiture et partir ? Aurait-il fait appel à ses copains, m’aurait-il tamponné plus violemment avec sa voiture, sans compter qu’il s’agit d’un délit de fuite ?

La solution du paiement n’est pas très glorieuse mais elle me permettait de sortir rapidement d’une situation qui risquait de devenir incontrôlable et qui risquait de manière évidente de me faire rater le ferry !

Plus belle ville d’Italie, je n’ai vu de Firenze que des banlieues minables …

Pourquoi tous ces travaux sur les autoroutes : c’est que l’Italie est un pays à la dérive financièrement et que les autorités ont fait l’impasse pendant des années sur l’entretien jusqu’au moment où un premier pont à Gènes s’est écroulé faisant 40 morts et un second en début d’année entre Gènes et Turin (par chance, c’était en plein confinement et il n’y avait personne).

L’Italie est un pays dangereux pour les touristes (on ne compte plus les attaques de camping-cars), les autorités le savent mais ne font strictement rien en partant du principe cynique que tant que ce sont les étrangers qui paient, il n’y a rien de grave !

Précision : en 2018 je faisais le trajet de jour et me suis arrêté, à 23 h, sur le parking devant les bureaux de la compagnie de ferries. J’ai été attaqué à 3 h du matin alors que je dormais dans la voiture : bris de vitre et vol de toutes mes affaires (plus de papiers, plus de cartes bancaires, plus de clés, le désastre complet). J’ai dû retourner chez moi pour tout refaire.

Par chance j’avais caché de l’argent dans la voiture ce qui m’a permis de rentrer par l’autoroute (hors de prix en Italie) et de payer le carburant sinon je me retrouvais sdf à Ancona !

Depuis, je ne dors plus en Italie et, renseignements pris, beaucoup de personnes ont vécu les mêmes mésaventures !

La vie est un long fleuve tranquille !

Bien cordialement à tous !

 

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

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