France : la fuite en avant se confirme mais jusqu’où ?

L’aggravation de la situation budgétaire et financière des pays du sud, du fait de la crise consécutive au Covid, contient en germe un risque évident d’augmentation des tensions intra européennes du fait d’une trop grande distorsion entre les pays vertueux du nord et les pays surendettés du sud.

Et ces craintes sont confirmées par les dernières prévisions du FMI ; lesquelles anticipent pour 2020 une récession de -12,5 % pour la France, -12,8 % pour l’Espagne et l’Italie ; et c’est bien pire que prévu !

On sait que certains pays (du nord) vont redresser leur situation en 3 ou 4 ans tandis que d’autres (France et l’Italie) ne se redresseront jamais et s’enfonceront toujours plus dans les déficits structurels et la dette.

Cette situation n’est évidemment pas tenable sur la durée.

Un impossible redressement des pays du sud

La question de la soutenabilité et du financement des dettes hors le financement de la BCE reste posé alors que nul ne sait jusqu’où le déficit budgétaire français va s’enfoncer pour 2020 et 2021 et il suffit de se rappeler le montant des émissions d’OAT (emprunts d’Etat) ces dernières années pour se rendre compte de l’accélération inquiétante de l’endettement.

Exécution 2017 Exécution 2018 Exécution 2019 LFI 2020 LFR(1) 2020 LFR(2) 2020 PLFR (3) 2020

 

185(*) 195 200 205 210 245 260

(LFR = loi de finances rectificative)

(*) en milliards €

Pour l’instant, la BCE monétise la dette (elle achète les émissions obligataires) des pays « dans le besoin » mais on sait que cette stratégie est très fragile car un double obstacle est apparu avec d’une part l’intervention de la Cour constitutionnelle allemande qui vient de poser la question, pour l’instant en suspens, du bien-fondé de cette émission monétaire et du rachat massif des dettes publiques de certains Etats membres, laquelle n’a jamais été prévue par les traités européens, et d’autre part le refus de certains pays du nord de poursuivre dans la voie d’une mutualisation de la dette !

En effet, les pays du nord savent où mène la monétisation systématique des dettes étatiques.

A la fin, et pour seulement éviter un effondrement de tout le système, la BCE va devoir racheter toutes les dettes émises par les pays du sud dans le but de maintenir à tout prix leur solvabilité budgétaire parce qu’ils ne pourront plus emprunter à des taux suffisamment bas pour leur permettre de maintenir cette solvabilité. Et, on sait que ce rachat massif contient, en germe, un risque inflationniste qui obligerait cette même BCE à stopper net sa politique accommodante  provoquant alors l’insolvabilité budgétaire des pays du sud.

Ce n’est qu’une nouvelle version de l’histoire du chien qui court après sa queue !

En effet, et c’est là le vice du système, si l’inflation s’établit à des niveaux élevés, comment la BCE (dont la mission initiale est de contrôler le niveau de l’inflation pour le maintenir à au plus 2% l’an) pourra-t-elle maintenir des taux négatifs en présence d’une trop forte distorsion entre les taux dirigés et le prix du marché, avec pour conséquence que les détenteurs d’obligations vendront tous les titres dont le rendement est inférieur à l’inflation (ce sera un choc obligataire) ; si ce n’est en rachetant tout !

C’est clairement vers une japonisation de l’économie européenne que l’on s’oriente mais il n’est pas sûr du tout que cette vision soit partagée par les pays du nord car la persistance des taux nuls met en péril leurs systèmes de retraites qui sont basés pour une part importante sur la capitalisation (contrairement à la France où c’est la répartition).

Une telle japonisation apparaît en fait totalement exclue et évidemment il va falloir, à un moment ou à un autre, trouver des moyens de financement de substitution.

En fait, au niveau français, la situation serait si catastrophique que, selon E Verhaeghe, Bercy plancherait actuellement sur la mise en place d’un contrôle des capitaux pour empêcher une fuite de ceux-ci ; le pressentiment, chez leurs détenteurs, d’une forte taxation se faisant de plus en plus insistant.

La Grèce l’a fait en 2015, au plus fort de la crise et alors que le gouvernement grec menaçait de sortir de la zone monétaire. Il faut dire que 200 Md€ avaient filé à l’étranger pour éviter la spoliation qui s’annonçait.

Il s’agit évidemment d’une infraction aux règles européennes de liberté de circulation des biens et des personnes, mais on sait désormais que les règles européennes ne sont plus respectées par personne ; ce qui pourrait être le signe d’une prochaine désagrégation !

Cette hypothèse, non dénuée de fondement, rejoindrait mes prévisions d’une confiscation fiscale (ici) et (là) dans la mesure où le plan de financement de 750 Md€ annoncé à grand renfort d’effet médiatique n’a pratiquement aucune chance d’être adopté du fait de la résistance des pays du nord à un financement à fonds perdus des pays du sud.

Et s’il l’est, les sommes allouées à la France seront probablement bien loin de couvrir les besoins de financement et s’il est accordé, il est probable que ce ne serait pas une subvention mais un prêt sous condition d’emploi et sous contrôle de la commission européenne.

Selon Natixis, tout cela ne peut se terminer que par une violente crise financière.

Fuite en avant

Par ailleurs, l’émission monétaire, par milliers de milliards €, n’apparaît être qu’un moyen de gagner du temps. C’est le sauvetage de la dernière chance qui ne résout rien et il ne peut être que temporaire ; ce qui signifie qu’il faudra faire face à un futur et inéluctable ralentissement du financement par la BCE.

Le gouverneur de la banque de France ayant doctement déclaré que la dette accumulée devrait être remboursée et cette affirmation ayant été confirmée par Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, dans une interview accordée au quotidien Le Monde. (« J’entends le débat, en France, sur l’annulation des dettes détenues par la banque centrale, mais ce n’est pas une option pour la BCE« ) on sait que cette hypothèse de l’annulation promue par certains, sauf Frexit, est exclue.

Le problème d’une annulation de la dette est qu’elle ne profiterait qu’à certains, et surtout aux moins vertueux, et provoquerait une véritable panique sur les marchés financiers ainsi qu’une forte hausse des taux d’intérêts.

Avec un certain réalisme, sans toutefois n’apporter aucune solution à ces dérives, M Panetta a ajouté que l’émission monétaire massive « n’est pas la façon de créer de la prospérité », et que c’est « pour cela que les traités interdisent le financement monétaire« .

On ne peut que lui donner raison car émettre en masse de la monnaie (de singe) n’a jamais enrichi personne (sauf temporairement les premiers utilisateurs de cette monnaie dans le cadre de l’effet Cantillon) !

Seulement, il faut être lucide : ni l’Italie ni la France ne peuvent d’ores et déjà plus rembourser quoique ce soit, elles doivent emprunter pour rembourser les emprunts venus à échéance, et la question en suspens est évidemment qui paiera à la sortie pour tous ces excès alors que les appels à la spoliation se multiplient ?

Ce pourrait bien être l’occasion, pour le gouvernement, de faire passer dans les textes les propositions taxatrices délirantes de la convention citoyenne sur le climat ; les membres de celle-ci semblant être totalement inconscients d’une réalité qui va finir par nous exploser à la figure.

Car, au bout du surendettement, les dirigeants français se gardent bien de dire ce qu’ils savent ; à savoir que ce sont des risques élevés d’instabilité sociale, voire la fin de la zone € auxquels il faudra faire face parce que, faute d’une structure fédérale intégrée de nature à imposer une discipline budgétaire, il y aura fatalement un moment où les pays du nord refuseront de payer d’avantage.

Et là, le gouvernement n’a pas de réponse à cette question !

Désagrégation ou consolidation ?

Certains imaginent que nous pourrions alors assister, voire organiser, une sortie de l’Allemagne de la zone €, alors qu’elle en constitue le principal facteur de crédibilité ; non pas parce que la BCE a violé tous les traités mais parce que sa monnaie et son économie seraient trop fortes !?!

Il faut être lucide, un départ de l’Allemagne serait suivi immédiatement, autant par désir de se raccrocher au plus fort que par peur de se faire entrainer dans des dérives monétaires et budgétaires incontrôlables, par celui des autres pays du nord qui n’ont rien à gagner à financer à fonds perdus des pays du sud irréformables et en état de comas financier !

Ne resterait alors plus qu’une « zone € des canards boiteux », sans crédibilité économique, dotée d’une monnaie faible appelée à se dévaluer (ou se dévaloriser) rapidement et fortement, voire constamment, avec, à la clé, une forte inflation et une diminution symétrique générale du niveau de vie ; sans toutefois résoudre aucun problème de fond car émettre en masse une monnaie qui ne vaut rien … ne sert à rien hormis entretenir une caste au pouvoir qui peut utiliser à plein l’effet Cantillon.

D’autres préconisent la sortie de la France de la zone € (Frexit) pour revenir à une monnaie nationale et souveraine qui permettrait de redresser la situation avec, à la clé, les mêmes dérives budgétaires et monétaires et les mêmes effets auxquels il faudrait ajouter la pression des marchés financiers qui spéculeraient contre la nouvelle devise (à ce jour, il est difficile de spéculer contre l’€ compte tenu de l’énormité des sommes  nécessaires ).

On le voit, rien n’est simple et pour l’instant, aucune issue n’est, à l’heure actuelle, prévisible ; ce qui est rien moins que rassurant alors qu’il faut être convaincu qu’aucune ne va sur la voie de la simplicité et d’un redressement miraculeux qui …ne couterait rien à personne !

La conclusion qui s’impose est que, faute d’une discipline budgétaire et fiscale imposée dès le départ de la mise en circulation de l’€, par facilité et lâcheté clientélistes, les politiciens de tous bords ont réussi l’exploit d’amener le pays au bord du précipice et les conséquences en seront infiniment plus graves que le coronavirus !

Il n’est pas sûr que les français s’en rendent compte !

Bien cordialement à tous

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

6 réflexions sur « France : la fuite en avant se confirme mais jusqu’où ? »

  1. Les pays du Nord ne sont pas d’accord ? Mais quels sont les pays du Nord ?

    La Grande Bretagne : elle a quitté la CEE.

    La Norvège et l’Islande : elles n’ont jamais été dans la CEE.

    La Suède : elle est dans la CEE mais pas dans la monnaie unique.

    Les pays de l’Est, Pologne et autres : il sont dans la CEE mais pas dans la monnaie unique.

    Le Danemark : c’est un confetti qui est certes dans la CEE mais pas dans la monnaie unique.

    La Finlande : elle est dans la monnaie unique mais ne comporte que 5,5 millions d’habitants, son poids politique est négligeable tout comme le Danemark.

    L’Irlande : elle est dans la CEE et la monnaie unique mais avec ses problèmes de frontières avec l’Irlande du nord et dus au brexit , elle sera facile à contraindre, de plus l’Irlande n’est pas sans reproches puisqu’elle a largement contribué aux montages fiscaux douteux des FATCA (je dis cela et je suis très très loin d’aimer le fisc que cela soit bien clair).

    La Hollande : oui elle est dans la monnaie unique, oui elle a peu de dettes, oui elle est riche mais on sait comment puisque c’est une plaque tournante de la drogue, de plus au niveau fiscal on peut lui reprocher les mêmes agissements que l’Irlande avec les FATCA.

    La Belgique : tout aussi endettée que la France.

    Le Luxembourg : il n’y a aucune industrie et en dehors des forêts, il n’y a que des banques, toutes les banques d’ailleurs y compris les françaises, c’est un tout petit pays (il n’y a qu’à voir la taille des ministères dans la capitale qui sont de la taille des mairies en France, cela laisse rêveur, l’administration n’y est pas pléthorique) mais c’est surtout rien d’autre qu’une place financière avec des assurances vie intéressantes, des Sicav à compartiments, des Soparfi et un port franc comme à Genève tout à fait pratique pour y stocker des oeuvres d’art. Quoiqu’il se produise avec l’Euro, le Luxembourg fera toujours son beurre.

    L’Autriche : pays bien géré vraiment ? La faillite de la banque Hypo Group Alpe Adria et les dettes de la Carinthie ? Cela ne vous dit rien ?

    Reste la grande Allemagne, la grande tricheuse devrais-dire.

    La qualité allemande, les admirables voitures allemandes : puissance, luxe et sécurité … Si germanique que cela ? Le groupe VAG (Volskwagen, Audi et Porsche entre autres) fait fabriquer ses moteurs en Hongrie et son acier ne provient pas de chez Krupps-Thyssen mais d’Arcelor en France !

    Les allemands : c’est fou ce qu’ils sont riches, 80% d’entre eux sont locataires même pas capables de s’offrir une maison et pas de salaire minimum. Et en plus pas si travailleurs que ça : il y a plus de jours fériés qu’en France (aux jours fériés nationaux il faut rajouter les jours fériés régionaux), et les commerces fermés tous les samedis à 13 heures, cela ne vous dit rien ? En France on se demande s’il faut ouvrir le dimanche, pas en Allemagne.

    La cour constitutionnelle de Karsruhe ? Bof, elle peut dire ce qu’elle veut, elle est sans importance. Il y a quelques années, quelques facétieux lui a avait été demandé si la circoncision était une mutilation sexuelle donc incompatible avec la constitution allemande. La réponse fut négative. Si elle avait était affirmative comme elle aurait dû l’être, pensez vous vraiment que cela aurait étai suivi d’effets concrets ? Je ne le pense pas.

    Les dettes de l’Allemagne ? Certes elles ne sont pas à la Bundesbank, il faut plutôt aller les chercher du côté la Deutsche Bank.

    L’Allemagne triche comme tout le monde, l’Allemagne sous-traite ses fabrications dans les pays limitrophes et y appose sa marque, l’Allemagne bénéficie à l’export d’un Euro pas trop fort par rapport à ce que serait le Deutsche mark.

    Les taux d’intérêts;, il ne faut surtout pas qu’ils remontent parce que ce sera la catastrophe :

    J’entends les pleurnichards. Moi je dirai vivement qu’ils remontent, le taux est sensé être la rémunération du risque, le risque augmente mais les taux baissent, la BCE truque le marché comme le ferait un croupier malhonnête au casino. Il est plus que temps que cela cesse.

    Eric Verhaeghe l’expert économique, je lui accorde la même crédibilité qu’un représentant de commerce en brosses à reluire :

    Belge naturalisé français, énarque qui plus est, Eric Verhaeghe a des dettes envers ma personne au travers de l’association dénommée APEC qu’il a présidé et à laquelle j’ai été forcé de cotiser des années sans jamais y avoir adhéré et sans que ladite association ne m’ait apporté quoi que ce soit ! Je devrai lui coller un procès à ce planqué, mais ce serait combattre les moulins à vent comme Don Quichotte tellement la justice est complaisante et intriquée avec l’engeance des beaux quartiers, que ce soit hauts fonctionnaires, politiciens et faux patrons cadres salariés du CAC 40 qui n’ont jamais risqué un centime de leur patrimoine.

    A mon humble avis, on imprimera du papier monnaie encore longtemps, tant que cela dure cela dure, une monnaie ne vaut que par la crédibilité qu’on lui porte même si c’est monnaie de singe et personne encore ne rejette l’Euro.

    1. Un rappel historique intéressant le Traité des devoirs de Cicéron Il y a + de 2000 ans= Tous ceux qui seront à la tête de l’Etat doivent se souvenir des deux préceptes de Platon: veiller aux intérêts des citoyens en y rapportant tous leurs actes et en oubliant les leurs propres; avoir souci du corps entier de l’Etat en ne favorisant pas une partie aux dépens du reste. ….Ceux qui s’occupent d’une partie des citoyens en négligeant les autres introduisent dans la cité un mal qui doit la perdre, la sédition et la discorde; il arrive que les uns se dévouent pour le peuple; d’autres n’ont de zèle que pour les grands; bien peu songent à tous; de là sont nés à Athènes de grands conflits, et, dans notre république, non seulement des séditions mais des guerres civiles désastreuses.
      « Date et lieu de naissance de Ciceron : Auteur latin et homme d’État romain né le 3 janvier 106 av. J.-C. à Arpinum en Italie, Cicéron fut assassiné le 7 décembre 43 av. J.-C. à Gaète, ville située en Italie. Il meurt à l’âge de 62 ans, sa tête et ses mains furent exposées à la vue du peuple sur ordre de Marc-Antoine. »

      Veritas Thesaurus est ! La vérité est un trésor,
      « Ad augusta per angusta » signifie en français : « Vers les sommets par des chemins étroits ». Il faut comprendre que la gloire ne s’acquiert …

      La triste réalité = La chute de l’agriculture française et ce n’est pas fini (France2 12 janvier 2018), « Historiquement, la France était la grande puissance agricole européenne […], aujourd’hui elle a rétrogradé en 5e place ». cliquez pour écouter la suite : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/video-l-angle-eco-la-chute-de-l-agriculture-francaise_2548377.html

      1. Oui et vous pouvez aussi ajouter la CommerzBank qui est à peu près dans le même état que la Deutsche Bank.

        Il est évident qu’il y a des escrocs partout (Enron aux USA). Mais ce ne sont que des cas particuliers.

        Maintenant, il faut se placer à fin 2021 pour apprécier à plein l’évolution de la situation et je pense que la dégradation des comptes français va s’accélérer … c’est inéluctable.

        Regardez l’Italie et vous voyez notre futur !

        On en reparlera le moment venu.

    2. L’Allemagne des fourmis qui fabriquent les voitures des cigales finira par s’écrouler dès que ces dernières seront insolvables.

      Il n’y aura pas de japonisation de la dette française. Elle est détenue pour un tiers par des non-européens, Américains en tête. Quelle ironie, ce sont les Ricains qui financent le communisme français.

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