Décider

Après avoir été paternaliste et intransigeant, le patronat est devenu réglementaire et pointilleux.

Le patronat balzacien a laissé le champ libre au patronat mondialisé.

Après avoir été populaire et emphatique, la politique est devenue élitiste et logique.

La République des avocats a laissé le champ libre à la République des technocrates.

Mais,

Après avoir été rigoureuse et intransigeante, la justice est devenue influençable et versatile.

La Justice sans cœur de Jean Valjean a laissé le champ libre à la Justice apitoyée des droits humains.

Après avoir été dévoreuse de chair à canon, la défense nationale est devenue empathique.

L’armée sans cœur des massacres de Céline a laissé le champ libre à l’armée compatissante du général Dourakine.

Un simple constat pour démontrer combien la façon de décider, de commander ou de gouverner évolue en fonction des rapports de force issus de la collectivité, dans les rapports entre patrons et salariés, gouvernants et gouvernés, juges et justiciables ou dans la hiérarchie militaire.

On pourrait d’ailleurs ajouter d’autres exemples comme les rapports entre maîtres et élèves ou médecins et patients qui sont passés du rapport autocratique au dialogue et à la bienveillance.

Tout cela pour en venir à la place de l’intelligence artificielle dans la sphère de la décision.

S’il ne s’agissait que de trouver, entre mille formules déjà répertoriées, la formule la plus logique à appliquer, sans prendre en compte la dimension humaine de la décision, l’intelligence artificielle, pointe avancée de la technocratie la plus aboutie – qui a balayé l’humain du monde politique et du monde du travail – serait la panacée du siècle.

Elle ouvrirait sans doute la voie à un régime autoritaire peu enclin à se préoccuper des individus face à la volonté formulée par le mécanisme du pouvoir. C’est le schéma déjà annoncé comme un cataclysme de civilisation.

Mais elle ouvrirait une voie plus large encore à un populisme débridé, tel que déjà affiché comme remède à la technocratie : le pire pour traiter le mal.

La décision, pour éviter l’incantation populiste, doit sortir d’urgence de l’équation dans laquelle elle s’est enfermée sous couvert du déterminisme syncrétique du « en même temps » qui échappe à toute émotion.

L’émotion est inhérente à la décision.

L’émotion n’est pas déconnectée de tout fondement idéologique ou religieux. Elle ne se satisfait jamais du virtuel « en même temps ». Elle est réellement d’un côté ou de l’autre.

Avis à la technocratie qui croit que l’IA sera le guide suprême de la bonne gouvernance alors qu’elle ouvre les voies de l’autoritarisme et de la démagogie.

On n’évitera la dictature et le populisme qu’en réintégrant l’émotion dans la décision.

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