Quand des imbéciles font n’importe quoi !

Un certain nombre d’entre vous savent que je pratique la navigation de plaisance en Grèce pendant la saison estivale.

Pourquoi la Grèce ? Parce que ce pays est un paradis de la navigation avec du beau temps assuré, de nombreuses îles, de nombreux mouillages et du vent à peu près constant entre juillet et août ; le fameux Meltem, mot turc qui désigne un vent du nord balayant la mer Egée avec quelque fois une certaine violence.

Les plaisanciers ne s’y sont pas trompés tout comme les loueurs de bateaux ; il y a beaucoup de bateaux de plaisance en Grèce et encore plus depuis qu’il y a des problèmes islamiques en Turquie. Beaucoup de bateaux ont en effet fui ce pays devant les risques d’attentats mais aussi en raison des tracasseries policières ; compte non tenu de la mise en application d’une législation contraignante et d’une augmentation très sensible du prix des marinas.

Par ailleurs, la Grèce fait partie de l’Europe et utilise l’€ ; il n’y a donc pas de problème de change.

Par contre, les infrastructures sont souvent défaillantes car la Grèce est le pays le plus pauvre de l’Union Européenne ! Il existe quelques marinas, souvent en l’état de futur achèvement depuis de nombreuses années notamment parce qu’il arrive que les financements (souvent européens) aient été dissipés au profit d’acteurs locaux dans le cadre de détournements relevant de la justice pénale.

On sait aussi que la Grèce est un pays en faillite avérée pour des raisons que j’ai largement développées dans cet article.

Fiscalité défaillante, fonction publique abondante, coûteuse et inefficace, dette publique énorme (185% du PIB) impossible à rembourser ; la Grèce paie aujourd’hui ses errances budgétaires des 20 dernières années tout en vivant complètement à la charge des autres pays de l’Union Européenne. En effet, l’Union Européenne continue à subventionner son économie par le biais de prêts remboursant des prêts précédents et permettant d’affirmer que la Grèce ne se trouve pas en défaut de paiement.

La fiscalité y a néanmoins connu un développement considérable avec notamment une TVA portée à 23% depuis deux ans (sauf dans certaines iles notamment du Dodécannèse) mais il y a toujours quelques approximations puisqu’il n’y a toujours pas de cadastre et que l’église orthodoxe, premier propriétaire foncier, ne paie pas d’impôts !

La Grèce vit essentiellement du tourisme puisqu’elle a peu d’industrie et qu’elle importe à peu près tout hormis les fruits et légumes, les produits des fermes marines et bien sûr l’huile d’olive. Les céréales viennent souvent de Turquie (l’ennemi héréditaire car les turcs ont beaucoup massacré pendant leurs 400 ans d’occupation), le pétrole de Russie, d’Iran ou de Libye.

J’ai connu la Grèce dans un état de sous développement dramatique avec des routes étroites, en très mauvais état (la terre bouge beaucoup ici) et très dangereuses (avec un record européen de mortalité routière), un parc automobile digne d’un pays en voie de développement, des maisons en très mauvais état.

Et pourtant, la Grèce est un pays calme où la sécurité n’est pas un vain mot si l’on fait abstraction des grandes villes que sont Athènes, Thessalonique et Patras. Les risques de vols sont à peu près inexistants … ce qui s’explique par le fait que la Grèce est un pays de villages où tout le monde se connaît.

Son intégration à l’Union Européenne à la requête de François Mitterrand, parce que la Grèce classique (celle de Périclès) est le berceau de la civilisation européenne, et surtout son intégration à la zone €, lui ont permis un développement spectaculaire par le biais des fonds structurels mais aussi en raison d’un recours abusif à l’emprunt … qui, à une époque, finançait presque totalement son économie. Grâce à l’€, elle a pu contracter une dette extérieure de 350 milliards € ; ce qui lui aurait été absolument impossible avec la drachme !?!

Le pays est toujours en faillite notamment parce que l’Allemagne a refusé d’annuler les dettes du pays pour des motifs tenant essentiellement à la morale : on doit rembourser l’argent que l’on a emprunté et il est vrai que la Grèce a beaucoup emprunté mais très peu remboursé.

J’ai vu, lorsque les vannes du crédit étaient ouvertes, les grecs se lancer dans l’acquisition de biens de consommation et notamment de voitures allemandes mais aussi dans des programmes de construction immobilière complètement débridés qui ont été stoppés net par la crise de 2012-2015.

Mais cela n’inquiète pas, outre mesure, les grecs qui ont toujours vécu plus ou moins au jour le jour avec une monnaie à la valeur plus qu’incertaine. Il ne faut pas oublier que, depuis 1830, la Grèce a fait au moins six fois faillite !

Seulement, du fait de son intégration à l’Union Européenne et à la zone €, elle doit désormais respecter certaines règles ; compte non tenu du fait qu’elle s’est lancée dans une politique de grands travaux notamment routiers et autoroutiers. La technique est d’ailleurs assez curieuse car on commence par faire une moitié d’autoroute, une moitié des ponts ( !?!) et on fait le reste ensuite en fonction des fonds disponibles ! Les routes sont construites par tronçons successifs ; la tâche étant compliquée par le fait que la Grèce est un pays montagneux avec des communications difficiles.

Entre ses dettes, ses aménagements et ses dépenses courantes, l’Etat grec a évidemment besoin d’argent ; ce qui n’a rien de surprenant et nous savons qu’il n’est pas le seul dans ce cas !

Et il pense avoir trouvé une partie de la solution à ses besoins de financement ; laquelle est vieille comme le concept de finances publiques : faire payer les autres et en l’occurrence les propriétaires de bateaux de plaisance stationnant dans les eaux helléniques !

L’année 2013 avait déjà donné lieu à une première tentative qui avait tourné court mais cette année la taxe TEPAI est obligatoire et elle est d’une rationalité à toute épreuve !

– la taxe est obligatoire dès que le bateau est dans les eaux grecques, et tout mois commencé est dû en totalité même si vous ne naviguez qu’un jour dans le mois,

– la taxe, fixée à 8€ par mètre linéaire, explose littéralement pour les bateaux de plus de 12 m sans que l’on sache pourquoi ! Pour ce qui me concerne cela monte à 110 € par mois soit donc pour 5 mois la somme non négligeable de 550 € !

– le paiement, pour les étrangers, doit être impérativement fait en espèces. Or, il faut savoir que les retraits en espèces aux ATM font l’objet de frais (entre 2 et 5 € par retrait) et que la banque prend aussi des frais (commissions) pour paiement en espèces !?! L’impression d’être une boule dans un flipper fiscal est finalement assez désagréable,

– il n’y a aucun coefficient de vétusté ; ce qui fait le propriétaire d’un bateau de 30 ans joignant difficilement les deux bouts paie comme le millionnaire qui vient de s’acheter un 50 pieds (15 m) flambant neuf à un million € !

– les bateaux paient déjà une taxe de navigation appelée DEKPA, dont on ne connait même pas l’utilité,

– la plupart des bateaux paient par ailleurs une taxe de pavillon national (en France c’est un droit de francisation),

Évidemment, toute tentative d’échapper au paiement de la taxe fait l’objet de menaces explicites d’amendes à des montants faramineux s’accompagnant de l’arraisonnement du bateau !

Autrement dit, l’Etat grec après avoir dépensé sans compter l’argent qu’il n’avait pas, après avoir été renfloué par les autres Etats de l’Union Européenne, a décidé de récupérer de la main gauche ce qu’il est obligé de donner de la main droite en rançonnant les ressortissants de ces pays !

Le problème qui se pose est triple :

– un impôt, quelque soit sa justification, n’est qu’un vol ou une extorsion de fonds exercée à l’encontre d’une certaine catégorie de personnes,

– les plaisanciers dépensent pendant leur séjour en Grèce notamment au niveau de l’alimentation, du carburant et fréquentent les tavernas (restaurants) ; ils paient donc des taxes à la consommation et contribuent à l’économie du pays et dans des proportions non négligeables … mais cela n’était sans doute pas suffisant !

– d’autres pays se sont essayés à cet exercice du racket fiscal et s’y sont toujours cassés les dents car les bateaux sont des meubles immatriculés ; ils peuvent bouger et ils ne vont pas s’en priver. La France a ainsi essayé de taxer les gros yachts fréquentant la côte d’Azur et spécialement la baie de St Tropez avec pour résultat immédiat le départ des bateaux pour des mers plus accueillantes et un bénéfice pour le fisc français pratiquement nul !

Conclusion :

Les autorités helléniques s’imaginent sans doute qu’elles vont pouvoir impunément rançonner les plaisanciers et certes cela va fonctionner au moins cette année ; le temps que les intéressés trouvent une solution de rechange mais il est douteux qu’elles puissent en retirer à long terme les bénéfices escomptés.

Le résultat final sera inexorable : les plaisanciers vont fuir les eaux helléniques avec pour corollaire une diminution des rentrées fiscales … pour l’Etat grec et des pertes de chiffre d’affaires pour les commerçants et restaurateurs qui ont eu beaucoup de mal à se remettre de la crise de 2015 !

Car, la règle intangible est que nul n’est irremplaçable !

E Macron a appris à ses dépens qu’il fallait manier l’arme fiscale avec beaucoup de discernement mais, comme on peut le voir, la France n’a malheureusement pas le monopole des politiciens imbéciles !

l’Etat grec pourra toujours revenir ultérieurement sur cette loi mais le mal sera fait …

Bien cordialement à tous !

Απο την Ελλαδα !

La reproduction de cet article n’est autorisée qu’à la condition de le rependre dans sa totalité, d’en rappeler l’auteur et le site de publication originel.

 

 

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

6 réflexions sur « Quand des imbéciles font n’importe quoi ! »

  1. En fait le problème est culturel, La France est aussi une société démocratique Helléniste, dont la base repose sur les privilèges (dont l’esclavage), comme les grecs les avaient établis il y a 2500 ans. La France n’a pas fait la rupture avec l’Hellénisme, ou plutôt, la rupture a été faite en 1789 à la révolution et a durée 10 années, NAPOLEON a rétabli l’Hellénisme (dont l’esclavage) en 1799. La politique est devenue l’art de se servir des citoyens et de les diviser. Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir maintenant, rien d’autre. Des pays comme L’Allemagne, Le CANADA, l’Australie….etc. , ont fait la rupture avec l’Hellénisme. Il me semble impératif de faire cette rupture culturelle, un progrès considérable, supérieur selon mon point de vue aux problèmes financiers car les problèmes financiers, économiques viennent de cette culture. D’autres pays Hellénistes, comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce doivent faire aussi cette révolution pour retrouver une dynamique économique, certains l’ont compris.

  2. mon cher philos !
    si vous souhaitez quitte la Grèce avec ses eaux chaudes et fiscalité réduite .
    je vous invite a prendre pavillon Français
    une place au port de la rochelle
    naviguer dans la manche avec ses eaux froides et gargotneuse
    et bien sur a payer le rouge au prix Français ( si gros moteur ) et non pas voiliers.

    LA « effectivement  » vous aurez motifs et attache a vous plaindre de la plaisanterie de la plaisance française 🙂

    Bien cordialement

    les taxes fiscales françaises

    1. Je navigue sous pavillon français
      La Manche : oui je connais météo souvent mauvaise, des rochers partout et des courants marins violents !
      La Grèce et sa fiscalité réduite : euh pas vraiment !

    1. J’ai été en Turquie pendant 6 mois il y a 20 ans
      On ne parlait pas d’islamisme et on voyait des jeunes filles en mini jupes !
      Ainsi que je l’ai écrit : Etat islamiste et policier c’est un véritable repoussoir !

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