Vingt ans sous menace fiscale

Roberto Saviano rend hommage à Salman Rushdie dont il partage le gâchis d’une vie sous menace depuis 2006, date de la parution de son livre sur la Camorra.

Il comprend la perte de vie d’une telle situation, pendant 16 ans pour lui et 33 pour Rushdie.

Il ne peut pas partager les coups de couteau qui ont atteint l’écrivain, mais il partage les conséquences de la décision qui les a tout deux déclarés cibles à abattre, l’impuissance de la collectivité à les protéger sans affecter leur liberté rendant leur vie insipide.

Je me demande si la vie sous les menaces fiscales qui m’affectent depuis vingt ans est différente de la leur.

Je crois que non.

Vous me direz que les Services Fiscaux ne me menacent pas de mort physique. Je pense que vous avez tort.

La perspective d’une dépossession totale de ses biens, de la misère engendrée, affecte gravement la santé. La mort alors n’a pas la brutalité d’un coup de couteau, mais plutôt l’oppression du poison ou de la longue maladie qui vous dévorent de l’intérieur, lentement, surement et douloureusement.

En réalité la différence tient au fait que dans leurs cas la collectivité les défend, dans le mien elle accélère le processus, prend fait et cause pour la menace, met à son service toute sa puissance pour exécuter la sentence largement aussi délirante que celle des ayatollahs ou des mafieux.

Puisque la preuve est rapportée que la collectivité ne peut pas les protéger sans aliéner leurs libertés, peu importe qu’au contraire elle soit du côté de ceux qui menacent. Finalement, elle devient neutre par rapport à la réalité et aux conséquences de la menace sur la vie.

Vingt ans sous menace fiscale, c’est vingt ans perdus.

Cela se concrétise de la façon suivante :

  • Plus de compte en banque libre, tous sont saisis au moins une fois par trimestre. Ils ne doivent en aucun cas être créditeurs.
  • Plus de banquier possible, votre banque sera désignée d’office par la Banque de France
  • Plus de crédit possible, que ce soit pour travailler ou pour consommer.
  • Tous vos biens soumis aux hypothèques légales et aux ventes forcées à des prix ridicules. Il vous faudra contrer ces actions dévastatrices, la plupart du temps vous serez face à un juge de l’exécution qui prend son pied à voir la cupidité des acheteurs et l’effondrement des propriétaires lors des ventes qu’il anime avec jouissance.
  • Vous devrez affronter le regard des autres, dont la grande majorité vous assimilera à un profiteur qui a triché fiscalement, car évidemment aucun tribunal, aucun magistrat, ne fera l’effort de juger objectivement votre cas. Le fisc a toujours raison… point barre.
  • Vous verrez alors votre psychisme doucement se déliter, vous ne pourrez plus croiser une belle voiture, une belle maison sans trembler pour son propriétaire, dont le calme vous paraitra le comble de la folle insouciance.
  • La peur sera pour vous une compagne de tous les jours, quand la sonnette de votre maison vous fera immédiatement penser aux huissiers, quand relever votre courrier reviendra à affronter exclusivement les lettres recommandées des services fiscaux qui alimenteront consciencieusement le puit sans fond de votre dette en accumulant les pénalités sur les impayés qu’ils provoquent tous les ans avec leurs impôts que vous ne pouvez plus payer du fait de leur fatwa initiale, ridicule et injustifiée.
  • Vous serez interdit de travail, votre situation de débiteur fiscal ne vous permettant plus de proposer vos compétences à qui que ce soit.

Alors oui, je ne vois pas de différence entre les fatwas des ayatollahs, des mafieux et des Services Fiscaux.

Je ne vois pas de différence entre l’enfer de ma vie, ou de celles de ceux qui sont dans mon cas et ils sont nombreux, et celle de Salman Rushdie. La fin n’est pas très loin pour moi. Mais elle n’intéresse personne, ne fera pas l’objet d’un communiqué.

Pourtant vous avez plus de chance, si ce n’est déjà fait, de rencontrer les menaces qui empoisonnent ma vie plutôt que celles qui empoisonnent les vies de Rushdie et de Saviano.

Bien à vous. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

5 réflexions sur « Vingt ans sous menace fiscale »

  1. Kathy Hochul, gouverneure démocrate de l’État de New York, a dit : « un homme armé d’un couteau ne peut pas abattre un homme armé d’un stylo « 
    Sacrés démocrates.
    Elle ne pourrait pas dire : « Une crapule armée d’un code fiscal ne peut pas abattre un homme armé d’un stylo » car elles le font tous les jours.

  2. Je reconnais ce que je vis dans 6 ou 7 au moins des 8 points que vous énumérez.

    Il me manque le point 2. J’ai encore une banque non désignée par la BDF mais dois supporter depuis plus de dix ans des frais de découvert autorisés.

    le point 3 pour moitié .
    Si mon psychisme est soumis à rude épreuve, je ne tremble pas pour les propriétaires, notamment ceux de la fonction publique CAcar ceux là, même en défaut dormiront tranquilles jusqu’à la fin de leur vie et ne seront jamais inquiétés. J’en ai un exemple dans ma propre famille

    Je rajouterai d’autres points en ce qui me concerne :
    * Vous et vos enfants serez les otages du conflit qui existe entre BERCY et son débiteur durant des années.
    * Vous perdrez la faculté d’intervenir dans l’éducation de vos enfants , lesquels se verront enlever la présence leur mère devenu négligeable aux yeux des juges
    *Vous serez humiliée tous les mois puisque condamnée à régler une pension d’éducation pour vos deux enfants à votre ex. conjoint, manipulateur, mauvais payeur et véritable fraudeur
    *Votre existence sera totalement niée et vos droits piétinés tant que BERCY et son débiteur camperont sur leur position : ‘vous nous devez de l’argent’ et ‘je ne vous doit rien’
    *Vous serez soumis à des injonctions contradictoires :
    Votre psychiatre incontournable dans le contexte chaotique qui sera le votre vous interdira tout contact avec votre contradicteur pendant que les justices civiles et administratives exigeront de vous l’impossible : négocier amiablement avec vos terroristes : BERCY et son débiteur, votre ex. conjoint.

    Est ce que les électeurs de M. Macron exigent de lui, un accord amiable avec M. Poutine ?
    Il me semble que non, puisqu’ ils sont intelligents et savent que c’est impossible

    Pourquoi donc la justice refuse de trancher les cas de plus en plus nombreux ou l’accord amiable est impossible ?

    Bref, vous friserez la folie, toutes vos croyances sur la vie seront anéanties
    Vous serez banni de la société tant le fossé entre vous et elle sera béant

    Si vous avez de la chance, peut-être vous consolerez vous comme moi en écoutant cet air de S. Reggiani :

    ‘J’aime la vie…la vie cette garce
    celle qui punit les vainqueurs
    je la perdrai… sans perdre la face
    mais avec une écharde au coeur’

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