L’expérience que je vis, terrible, mortifère, a un seul avantage: elle m’a permis de réfléchir à des propositions pour que cette torture fiscale cesse. Six reformes seraient indispensables. Je vais les exposer en six billets, qui pourront être entrecoupés d’informations d’actualité.
Il n’est plus, ici, question de moi. Il n’est pas non plus question de refuser l’idée des contrôles fiscaux, qui sont indispensables.
Il est seulement question, pour le contrôle fiscal, de quitter l’époque préhistorique qui préside à sa mise en œuvre et de le rendre compatible avec la vie d’aujourd’hui. De rechercher la justice, l’équité, de protéger la sensibilité, l’intégrité morale et économique du contribuable contrôlé, tout en garantissant les intérêts de l’Etat et le juste paiement de l’impôt.
La première violence gratuite à supprimer:
Pour le contrôlé, le contrôle fiscal commence par la réception d’une lettre recommandée qui lui annonce la venue d’un contrôleur.
Mais, en réalité, le contrôle a commencé bien en amont de ce courrier.
Le contribuable a été préalablement sélectionné. Chacun comprend que cette sélection doit être encadrée. Les pouvoirs exorbitants qui sont confiés aux contrôleurs fiscaux doivent s’accompagner de devoirs aussi importants mis à leur charge. La chose n’étant pas fatalement naturelle, elle doit être surveillée. Aujourd’hui cette surveillance est strictement interne aux services fiscaux. C’est ainsi que la décision d’un contrôle doit être précédée du formalisme interne suivant:
« La programmation consiste, pour un service, à proposer le contrôle d’un dossier, sur la base d’un contrôle sur pièces, lui-même engagé à l’occasion: des travaux de gestion, de la découverte d’anomalies, de l’obtention de certaines informations… Plusieurs services participent à la programmation. Les principaux sont les services de recherche (BCR, DNEF, qui effectuent des investigations poussée), les services spécialisés au sein des centres des impôts (inspection de contrôle er d’expertise – ICE -) ou les directions de contrôle fiscal (les brigades d’études et de programmation – BBEP – par exemple. Enfin, la programmation peut également se faire de manière induite, c’est-à-dire par le vérificateur lorsque, à l’occasion d’un contrôle, il constate des opérations ou des liens avec une autre société. Quelle que soit l’origine des fiches de programmation, toutes empruntes le même circuit administratif et sont visées par la Direction (la programmation relève donc de sa responsabilité et pas de celle des agents) avant que le contrôle soit engagé. » (source: rapport du SNUI d’avril 2008)
Donc, ci-dessus, à travers un rapport de leur syndicat, les contrôleurs fiscaux affirment ne pas être responsables de la programmation des contrôles fiscaux. Ils crient haut et fort, ils se dédouanent en interne du pire que l’on peut imaginer. Par exemple: choix discrétionnaire du contrôlé, dénonciation abusive, manœuvre pour provoquer volontairement la ruine de quelqu’un, mise au pas d’un individu à l’aide la puissance fiscale suite à une vexation ou à un conflit personnel, etc… Ils affirment que rien de tout cela ne pourrait leur être imputé. Ce faisant, ils en admettent la possibilité, l’existence potentielle…
Alors, quelle garantie le citoyen a-t-il face à ces risques? Aucune. Personne, pas même la justice, n’est autorisée à connaître les motifs de la programmation d’un contrôle fiscal.
J’ai payé pour apporter la preuve de ce que j’avance.
Je rappelle que, dans une société m’appartenant, à la comptabilité ridiculement modeste, j’ai eu la surprise de voir venir de Paris à Sète, en avion, la fine fleur des contrôleurs fiscaux, les spécialistes de la vérification des milliardaires ou des entreprises multinationales. Comment ont-ils pu être programmés à Sète et pourquoi?
J’ai d’abord posé la question par écrit. La réponse a été: cela ne vous regarde pas.
Puis, j’ai posé personnellement la question aux contrôleurs le jour de leur venue à mes bureaux. Ils ont répondu : votre question vous met sous le coup d’une « opposition à contrôle fiscal » (100% de pénalités, exigibilité immédiate des sommes éventuellement redressées).
J’ai filmé ce moment de mauvaise foi, cet abus de refus d’information, cet obscurantisme, je l’ai publié sur ce blog, des milliers de personnes ont pu le voir. Il fallait le voir pour comprendre. Mais le droit de comprendre ne nous est pas donné.
La « JUSTICE » a, en première instance, interdit la diffusion de ce film. Nous sommes au cœur d’un délit de secret abusif, de refus d’une information essentielle. On nous cache des choses. Mais, par ailleurs, on prétend les mettre en œuvre avec rigueur. Si c’est le cas, pourquoi nous les cacher?
Cacher la programmation, est-ce nécessaire à la performance du contrôle? C’est l’excuse mise en avant par le fisc. Cela ne résiste pas à l’analyse. En quoi le fait de savoir pourquoi et comment il a été sélectionné permettrait au contribuable de modifier la comptabilité qu’il va présenter? Aucunement bien sûr. Par contre, il est probable que, bien souvent, il contesterait avec raison la façon dont son contrôle a été décidé. C’est ce que le fisc ne veut en aucun cas. C’est donc la preuve rapportée que la programmation est trop souvent inavouable.
C’est en tout cas une certitude en ce qui concerne le cas personnel que j’ai soulevé et poussé à son paroxysme pour faire cette démonstration. Nous verrons son devenir judiciaire. Peut-être aidera-t-il à changer les méthodes, inutilement et perversement secrètes, de la programmation des contrôles fiscaux.
La deuxième violence gratuite à supprimer:
Au moment où le contribuable reçoit la lettre lui annonçant un contrôle, il ignore ce qui va lui être demandé. Le contrôleur, lui, sait la plupart du temps ce qu’il vient chercher, puisque c’est cela même qui a (normalement) généré la programmation du contrôle.
Peut-on imaginer que si le contribuable savait ce qui lui est potentiellement reproché, il pourrait le dissimuler? Evidemment que non. Personne ne peut modifier le passé et le contrôle est rarement accompagné de perquisitions qui, elles, pourraient peut-être provoquer des découvertes.
Ici encore, mon expérience permet de constater que la dissimulation des motifs comptables de la venue des contrôleurs n’est pas utile aux contrôles. Dans deux de mes contrôles qui n’ont pas eu lieu (les contrôleurs mettant en avant des oppositions à contrôles imaginaires), ils n’ont pas été empêchés de me notifier des redressements. Donc, ceux-ci étaient prêts avant leur venue.
Non, la dissimulation qu’ils font des éventuelles erreurs ou falsifications comptables qu’ils soupçonnent, pour lesquelles ils se déplacent, n’apporte rien à la performance du contrôle fiscal.
Par contre, cette ignorance est dévastatrice pour le contribuable. En réalité, cette dissimulation est voulue par le fisc uniquement pour affaiblir la capacité de défense du contribuable. Il est certain que si celui-ci savait ce que le fisc lui reproche, par exemple lors de la réception de l’avis de contrôle, il pourrait utilement préparer les arguments et documents nécessaires à sa défense.
Au lieu de cela il arrive affaibli et surpris à l’étape essentielle, dont nous reparlerons, du débat oral.
1° Réforme proposée
Les deux violences exposées sont inutiles à l’efficacité des contrôles fiscaux, alors qu’elles affaiblissent notoirement les capacités à se défendre du contribuable. En cela elles sont iniques et procèdent de l’abus de pouvoir.
Pour éviter cela, il suffirait que la lettre informant du contrôle fiscal précise au contribuable:
– Comment la programmation de son contrôle a été décidée.
– Quels sont les anomalies comptables déjà découvertes ou que pense découvrir le contrôleur.
Déjà, avec cette première réforme, le contribuable serait en mesure de mieux organiser sa défense, les rapports entre les deux parties seraient plus équilibrés.
Ne perdons pas de vue que l’objectif n’est pas de terroriser les français, mais bien de trouver une harmonie pour que l’impôt soit payé par tous de façon volontaire, juste et équitable.
Cordialement. H. Dumas