Retraites : répartition versus capitalisation

La réforme des retraites occupe actuellement le devant de la scène et pour l’instant le seul résultat tangible de la réforme envisagée par le gouvernement est de provoquer un mécontentement général.

Un récent sondage indique que 60% des français seraient d’accord avec le mouvement de grève du 05 décembre.

Derrière les affirmations de façade du gouvernement selon lesquelles rien ne changera et que ce sera « plus juste », les français ont le sentiment que les buts poursuivis ne seraient peut-être pas tout à fait ceux avancés par le pouvoir et les opposants les plus virulents à cette réforme sont les salariés du secteur public et particulièrement ceux de la RATP et de la SNCF.

Et, ce n’est pas un hasard …

I – Rappel du système français

Le système français de retraite est basé sur la répartition c’est à dire que les actifs paient les retraites des inactifs.

J’ai déjà évoqué ce point (ici) et (là) : les cotisations que vous versez, en tant qu’actif, ne servent pas à votre retraite personnelle ; elles paient les pensions des gens qui sont actuellement retraités.

Ces cotisations vous ouvrent seulement un droit à une retraite future à deux conditions :

– que vous ayez assez cotisé par rapport aux critères de perception qui seront vigueur au moment de votre départ en retraite ; sinon vous subirez ce que tout le monde connaît : une décote c’est à dire que votre pension sera réduite et elle peut être fortement réduite !

– que les régimes de retraite en vigueur soient en état de payer les pensions et là c’est carrément un pari sur l’avenir surtout quand celui-ci court à échéance de 40 ans !

Le problème de la répartition est que l’idée était géniale en 1945 mais qu’elle est totalement inadaptée aujourd’hui …

Au moment de sa mise en place, le principal avantage du système de la répartition était qu’il permettait d’assurer une pension aux retraités qui … n’avaient jamais cotisé.

Seulement, il n’était viable qu’à deux conditions :

– que l’age de départ en retraite corresponde à la pyramide des ages et, en 1945, la plupart des gens mourraient avant 65 ans, age légal de départ en retraite. De ce fait, les pensions payées étaient peu nombreuses par rapport au nombre de cotisants.

– et qu’il y ait le plein emploi c’est à dire qu’il y ait beaucoup de cotisants.

Ces deux données ont été mises à mal du fait d’une part de l’augmentation de la durée de vie et d’autre part d’un chômage structurel de masse (9 à 10% de la population active) qui a provoqué une diminution des cotisations.

Le phénomène a été aggravé par la décision démagogique de Mitterrand de ramener l’age de départ en retraite à 60 ans alors que la durée de vie était en train d’augmenter et qu’elle dépasse aujourd’hui très largement 65 ans (79 ans pour les hommes, 84 ans pour les femmes).

Aujourd’hui, le constat est qu’il n’y a pas assez de cotisants et que les pensions versées le sont trop longtemps parce que les retraités vivent … trop vieux !

Les caisses de retraite sont donc presque toutes au bord du précipice !

Ce régime qui était sous le contrôle du paritarisme (géré collectivement par les salariés et les employeurs) est en train, avec la réforme, de passer totalement sous le contrôle de l’Etat et de ses fonctionnaires qui s’imaginent pouvoir maîtriser la question en faisant quelques ajustements paramétriques.

Là où le doute est permis, c’est que, outre le fait que cette réforme aboutira à entériner une réalité, à savoir les caisses de retraite sont déjà pour l’essentiel sous le contrôle de l’Etat du fait de la présence massive de fonctionnaires dans les conseils d’administration des caisses, notamment du privé ( !?!), il y a lieu de s’inquiéter de l’issue qui en découlera eu égard au peu de succès des réformes précédentes et aux nombreuses expériences malheureuses des fonctionnaires en matière de mécano industriel.

Autrement dit, l’échec est au bout du chemin notamment parce que le système de la répartition ne permet que d’agir que sur trois variables :

– reculer l’age de départ en retraite,

– augmenter les cotisations,

– diminuer les pensions versées.

Actuellement, il semble bien que la seule variable « utilisable » soit l’augmentation de l’age de départ en retraite (en Allemagne il est de 67 ans !) mais le gouvernement sait que cette option est « extrêmement risquée politiquement » et il n’ose pas en évoquer la possibilité pourtant … inéluctable !

II – La capitalisation

La plupart des autres pays ont un système de retraite complètement différent basé pour l’essentiel sur la capitalisation.

Dans ce cadre de figure, vous cotisez, le plus souvent par le biais d’un fonds de pension, pour votre propre retraite. Des décomptes annuels vous donnent très précisément le montant des sommes accumulées avec les intérêts et que vous percevrez au moment de votre départ en retraite.

Les cotisations sont investies dans des obligations d’Etat ou dans des actions de sociétés cotées en bourse.

Dès lors, il n’y a plus d’age légal de départ en retraite car finalement c’est vous qui choisissez votre age de départ en fonction des sommes accumulées ; sous réserve du fait, si vous êtes salarié, que votre employeur veuille bien vous conserver dans ses effectifs.

La capitalisation n’est pas parfaite non plus car, aujourd’hui, elle subit le contrecoup des politiques monétaires accommodantes des banques centrales. Les obligations d’Etat ne rapportent plus rien et seuls les placements, très risqués, en actions de sociétés cotées, sur les marchés boursiers connaissent encore une progression sans que l’on puisse savoir s’il y aura ou non un retournement du marché.

C’est le système en vigueur aux USA et au Royaume Uni et certains krachs boursiers ont provoqué la ruine des retraités.

Ce système n’est pas autorisé en France.

C’est à dire que l’Etat fonctionnaire a décidé que les salariés n’avaient pas la liberté de choisir leur caisse de retraite et qu’ils devaient obligatoirement cotiser au régime de la répartition … sous la réserve que les fonctionnaires ont le droit de cotiser à un régime de capitalisation appelé Préfon.

Il y a là une inégalité de traitement parfaitement injustifiable sauf à vouloir évidemment avantager les salariés du secteur public …

III – L’intégration de la capitalisation au système français

l’Etat, en ce compris les dirigeants du pays, qui sont pour l’essentiel des fonctionnaires, ne veulent pas de basculement de la répartition vers la capitalisation et ce n’est nullement le fait d’un hasard …

Deux éléments entrent en ligne de compte :

– les sommes collectées et les pensions versées.

Si l’on explique aux cotisants qu’ils vont pouvoir cotiser pour leur retraite et non pour celle des autres, il va nécessairement y avoir un fort déplacement vers la capitalisation avec une fuite des capitaux et il s’agit de centaines de milliards € tous les ans !

Il est alors évident que les régimes de répartition, qui sont déjà en difficulté, vont se retrouver très vite en état de cessation des paiements ; sauf si l’Etat organise leur subventionnement par l’impôt mais … il n’est pas sûr que les salariés vont accepter de payer deux fois : une fois pour leur retraite et une autre fois pour la retraite des autres !

– la répartition est le seul système de retraite qui permette de spolier légalement les populations.

Et ce d’une double manière.

– la répartition permet d’extorquer légalement des cotisations pour verser des retraites avec l’engagement, plus que formel, de recevoir une retraite dans, si vous entrez dans la vie active aujourd’hui, plus de 40 ans ! Cela veut dire que si les régimes de retraites disparaissent ou connaissent de graves difficultés, les sommes versées pendant toute votre vie active seront … perdues et que vous n’aurez aucun recours !

– la répartition est le seul moyen qui permet d’avantager certaines catégories de travailleurs et en l’occurrence les salariés du public (fonctionnaires et salariés des entreprises publiques) au détriment des autres (salariés du privé).

Si l’on prend l’exemple de la RATP, on s’aperçoit qu’il faut 800 millions d’€ tous les ans pour combler le déficit d’un régime qui se permet de payer à un retraité 3.700 € de pension par mois soit bien au-delà de la moyenne des pensions du privé (qui s’établit à 1.400 € par mois) ; sans même aborder la question de l’age de départ en retraite !

On comprend donc aisément que si le régime de la RATP est déficitaire, c’est que soit il n’y a pas assez de cotisations soit que les retraités du régime perçoivent trop par rapport aux cotisations versées.

Si leur régime devenait réellement autonome, il faudrait, afin de le ramener à l’équilibre, tripler les cotisations et diviser les pensions par deux pour envisager d’équilibrer le régime. Autrement dit, ce serait pour les salariés de la RATP, un choc cataclysmique !

S’il y avait un basculement vers la capitalisation, le résultat serait fatalement une diminution drastique des pensions avec un allongement considérable de la carrière.

Au-delà d’un discours cynique d’égalitarisme et de justice sociale, les salariés bénéficiaires de ces régimes l’ont parfaitement compris et c’est donc, pour eux, parfaitement inacceptable !

On connaît par ailleurs, l’argument massue et complètement irréaliste de ces bénéficiaires de régimes spéciaux payés par les autres : LA solution est que tout le monde bénéficie des mêmes avantages ; c’est à dire que tout le monde perçoive 3.700 €  par mois et parte en retraite à 56 ans !

C’est évidemment un véritable déni et une manière de ne pas évoquer le problème de la pérennité des régimes de retraites !

IV – La conclusion qui s’impose est dès lors fort simple.

Le basculement vers la capitalisation est absolument impossible en France car tous ceux qui voient actuellement leurs pensions de retraites payées par les cotisations des autres y perdraient … énormément !

Et, il se trouve que ceux qui bénéficient de pensions de retraites payées par les autres sont les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques !

Dans un pays comme la France où le secteur public (fonctionnaires et salariés des entreprises publiques) est dominant et, au-delà du fait que le pouvoir politique a toujours reculé devant les menaces de blocage du pays par certaines catégories de personnels (qui sont toujours des salariés du secteur public), il est absolument impossible de remettre en cause les droits de ces salariés qui sont assis sur la spoliation pure et simple des salariés du secteur privé.

Je sais que cette vérité est désagréable, qu’elle est politiquement incorrecte, mais c’est la vérité et elle absolument incontournable !

Cela explique que, tant que le secteur public sera dominant en France, il n’y aura jamais de remise en cause du système de retraite par répartition : il aurait trop à y perdre !

Bien évidemment, la démographie montre que le système de retraite par répartition est voué à terme à l’effondrement et que l’Etat fonctionnaire cherche seulement des solutions à court ou moyen terme à seule fin de … gagner du temps !

Tant que les salariés du privé ne l’auront pas compris, ce système continuera de prospérer … à leur détriment !

 

Bien cordialement à tous !

 

Licence de publication : la reproduction du présent article n’est autorisée qu’à la condition de la reprendre en totalité, d’en indiquer l’auteur et le site originel de publication.

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

13 réflexions sur « Retraites : répartition versus capitalisation »

  1. Impeccable clarté. On mesure le cynisme ou l’inculture éco (voire les 2) du pépère Mitterrand le démago. Notre système a flambé en … 1981.

  2. Juste deux remarques quant aux retraites de la RATP : premièrement j’ai visité le site de la Caisse de retraites de la RATP, dans leurs comptes annuels il ne figure aucune ligne correspondante à des cotisations ! Deuxièmement sur la subvention apportée par l’Etat chaque année, il est étonnant que ce soient les contribuables nationaux qui paient alors que le service de transport ne bénéfice qu’aux franciliens et épisodiquement par les visiteurs de la région. Ne serait-il pas JUSTE (mot usité aujourd’hui) que ce soient justement ces franciliens et/ou les transportés qui en subissent la charge ?

    1. Vous abordez une autre question qui n’est pas très connue : les tickets de la RATP comme ceux de la SNCF sont subventionnés c’est à dire que leur cout n’est pas assumé par l’utilisateur.

      C’est le principe du service public à la française : les contribuables de toute la france paient donc pour des services qui bénéficient aux seuls franciliens.

      Mais, je ne suis pas sur que le cout réel soit lui-même connu !!!

      C’est la présidente de la région qui est (en principe) compétente : Mme Pécresse mais elle ne semble pas très concernée ….

  3. S’il n’y avait que la retraite, mais c’est un ensemble qu’il faut changer de Très Haut en bas . La France est appelée à disparaître si rien ne change tout le système en place!.
    Le déclin ne s’arrêtera pas, il sera un peu ralenti mais la fin est inévitable avec le système en place.
    Réfléchir c’est difficile , c’est pour cela que certains agissent hâtivement dans un monde où il faut penser global et agir local. La République Française et son administration sont un système qui permet à une petite caste d’irréfléchis , de privilégiés d’avoir du pouvoir , des privilèges abusifs , et de l’argent en dépossédant des richesses , le peuple du secteur privé devenu esclave . Les esclaves du secteur privé produisent tous les jours et toujours plus taxés, imposés pour nourrir les administrations toujours + importantes en effectif, et rembourser une dette que des incompétents ont créée. »
    Mais Frédéric BASTIAT avait très bien résumé « Quand le pillage devient un moyen d’existence pour un groupe d’hommes, qui vit au sein de la société , ce groupe finit par créer pour lui-même tout un système juridique qui autorise le pillage et un code moral qui le glorifie «

  4. M. Dumas,

    Il y a du vrai dans ce que vous dites mais à la lecture de votre article, j’ai cependant l’impression que vous vous trompez de cible.

    Lorsque vous mettez en avant que le montant moyen de la pension de retraite des agents de la RATP est de 3 700 €, ne pensez vous pas que vous participez à la division des français ?

    et n’avez vous pas l’impression de rentrer dans le jeu des ‘grands de ce monde’ qu’ils soient dans le public ou le privé, d’ailleurs…

    Je ne suis pas auditeur ou commissaire aux comptes et ignore le détail de ces chiffres mais j’ai quand même de forts doutes sur le nombre d’agents de la RATP bénéficiaires des 3 700 € de retraite…

    Pendant que vous pointez du doigt TOUS les agents de cette société (du bas de la pyramide de Maslow au plus haut niveau) face à l’ensemble des français du privé,

    le PDG de cette même RATP vient de s’octroyer 50 000 € d’augmentation par an.
    Vous n’en parlez pas, pourquoi ? peut être que vous l’ignorez ?

    Ne serait ce pas plutôt ce chiffre ou ces augmentations au plus haut niveau de la hiérarchie qui fait augmenter la moyenne des pensions de retraite dans la dite société ?

    Je me trompe peut-être, c’est juste une question qui me vient à l’esprit

    Ces 50 000 € n’auraient ils pas pu servir à acheter des lits en carence dans les hôpitaux ?

    ou loger quelques étudiants ?

    ou octroyer une prime aux infirmières qui nous soignent quand on est malade ?

    Bien à vous

    1. Si vous commencez à pointer du doigt tout ce qui ne va pas dans ce pays, il va vous falloir un blog pour vous toute seule …

      et le principe du secteur public, du moins en France, c’est qu’il n’y a jamais assez de moyens donc jamais assez d’impots !

      Patrick Artus, directeur de Natixis, a écrit un article à ce propos …

      50.000 €. Le principe du secteur public c’est de vivre sur le dos des autres …
      On connait tous ces hauts fonctionnaires qui se sont octroyés des rémunérations “confortables” en dirigeant des entreprises publiques déficitaires … mais ce n’est pas le sujet traité à savoir celui des retraites

      La RATP c’est 800 millions € comblés par le contribuable tous les ans rien que pour payer les retraites … si vous trouvez que c’est normal … 3.700 € c’est la moyenne et l’IFRAP a fait une étude très précise à ce propos.

      https://www.ifrap.org/retraite/ratp-en-moyenne-des-retraites-3-700-euros-des-56-ans

      1. M. Philos (toute mes excuses, je me suis trompée d’interlocuteur)

        Vous avez raison, c’est anormal et nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il n ‘y a jamais assez d’impôts : je suis bien placée pour le savoir et pour en avoir fait les frais.

        Qu’il s’agisse des retraites ou de tout ce qui ne va pas en France, c’est toujours la même chanson…

  5. Je suis parfaitement d’accord avec votre billet, mais je ne vois pas en quoi il s’oppose au mien.
    Et non, ce n’est pas vrai qu’on ne puisse pas passer de la répartition à la capitalisation : plusieurs pays d’Amérique latine l’ont fait.
    En fait la répartition, c’est la ruine certaine, tôt ou tard. Conclusion…

    1. Je n’ai jamais dit que je n’étais pas d’accord avec votre billet
      j’ai apporté quelques précisions

      Je suis parfaitement convaincu que la capitalisation est la seule solution
      mais relisez ce que j’ai écrit

      En France, tant que le secteur public sera dominant il n’y aura pas de basculement vers la capitalisation car la répartition lui bénéficie au premier chef !

      CQFD !

      1. OK. Nous sommes donc d’accord. Continuons de dire, chacun à notre façon, la vôtre étant de loin la plus documentée, pour qu’un jour peut-être…

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