Je ne suis pas « Charlie ». Je ne suis pas non plus « Kouachi », d’abord parce que c’est interdit, ensuite parce que je hais la violence en règle générale, que l’idée de tuer me révolte, alors assassiner quelqu’un …
Cependant, je suis du côté des boucs émissaires et non du côté de ceux qui les désignent et les humilient. Hélas, ce n’est pas par choix philosophique – j’aurais préféré – cela tient au fait que les « fraudeurs fiscaux » sont des boucs émissaires au même titre que les magrébins ou les noirs, et que j’ai été classé dans cette catégorie tout à fait arbitrairement et iniquement. Sans quoi, j’aurais peut-être fait partie des moqueurs cyniques, des accusateurs vicieux, sait-on jamais ?
Je ne suis pas un penseur de haut niveau, analyste émérite du corps social, je ne suis qu’un être ordinaire plongé contre son gré dans la folie et la méchanceté de la masse. Cette masse qui, dès qu’elle ne peut plus jouir d’une vie facile, trouve toujours quelqu’un à qui faire porter le chapeau de sa propre médiocrité.
J’ai la légitimité pour vous parler du statut de bouc émissaire que je partage en France avec mes frères d’infortune, les magrébins et les nègres.
Comment la France, terre de liberté, de respect de l’individu, a-t-elle pu se transformer en un vaste défilé de tortionnaires qui paradent en se donnant bonne conscience ?
D’abord fut la décentralisation et l’omniprésence de l’Etat.
La décentralisation a recréé l’émiettement féodal. D’un coup de baguette magique des milliers de petits chefs, élus ou nommés, ont envahi le paysage social, bientôt chacun entouré d’une cour de fonctionnaires serviles et méprisants pour ceux qui n’en sont pas. La suffisance de ces milliers de petits chefs, ces roitelets, a envahi la société au point que tout n’est devenu que réseaux et relations, apparence.
Le mérite individuel, la valeur, le respect de l’autre ont été anesthésiés, marginalisés, intrigues et complots devenant la règle.
Dans cette ambiance délétère, il était inévitable que la notion de responsabilité individuelle tende à disparaître. Ce qu’elle fit, laissant la place vide à la notion d’Etat responsable de tout, et évidemment de rien.
Le couple infernal « Etat omniprésent » et « roitelets totalitaires » s’autorisa à faire et à dire le bien.
Pour faire le bien à sa façon il tapa sans vergogne dans les fonds publics. Pour dire le bien à sa façon il inventa la propagande socialiste.
Ensuite la faillite, les boucs émissaires.
Assez rapidement le pays était en faillite. Il l’est toujours, et beaucoup plus chaque jour. C’est là qu’interviennent les boucs émissaires.
Il y a les « fraudeurs fiscaux » qui ne participeraient pas assez à l’effort collectif, c’est-à-dire à alimenter le tonneau sans fin des avantages dus aux nouveaux privilégiés, à la caste du pouvoir. Seuls les contrôleurs fiscaux sont habilités à les trier dans un rendement croissant illimité, les autres se contentent de les dénoncer.
Il y a les noirs et les magrébins qui seraient autant de bouches inutiles qui viendraient réduire la capacité du pays à assurer le confort de ceux qui sont du bon côté. Ils se reconnaissent à la couleur de leur peau et à leur religion.
Le bouc émissaire
Ce n’est pas un statut reconnu, évidemment. C’est une maladie sociale.
C’est le regard des autres, dans lequel vous pouvez lire leurs pensées hautaines, qui est le premier symptôme. Plus tard vient carrément leur mépris, qui s’exprime rarement directement, plutôt quand vous n’êtes pas là, rarement aussi lorsqu’ils sont seuls, plutôt lorsqu’ils sont en groupe.
Puis, enfin, arrive l’humiliation qui précède la dévalorisation morale si vous n’avez rien, le pillage si vous possédez quelque chose.
Que faire face à cette situation qui ne dépend pas de vous ?
– Fuir, c’est une bonne solution, peut-être la meilleure, mais il faut pouvoir.
– Subir, jusqu’à un certain point c’est possible, mais au delà d’une certaine limite la mort vous attend – voyez l’histoire.
– Se révolter, cela ne fera qu’aggraver votre situation.
– Tirer dans le tas, beaucoup en rêve, je plains sincèrement ceux qui le font, ils n’ont certainement pas le résultat qu’ils espéraient.
En réalité, il n’y a rien à faire, sauf à attendre que ceux qui vous désignent soient engloutis dans leur merde, car ils le seront. Le fait de vous désigner comme la cause de leur médiocrité ne va pas les rendre intelligents, leur médiocrité les étouffera, tôt ou tard. Patience.
Au fait, qui sont-ils ces délateurs ?
L’histoire a eu souvent l’occasion de les observer, ils sont toujours identiques à eux-mêmes.
Ils sont une masse compacte, à qui la compacité tient lieu de sécurité. Ils se présentent comme justes et parfaits, ils revendiquent des droits, ils estiment que vous les transgressez. Un peu comme le loup avec l’agneau de la fable, sauf qu’ils n’existent que par le nombre.
Ils vous humilient, c’est là qu’ils puisent leur force. Tel le vampire, ils s’épanouissent de votre affaiblissement, ils tirent leur raison de vivre du mal qu’ils vous font. Votre révolte les excite. Votre soumission les robotise.
Mais attention, plus le temps passe, plus ils sont prégnants, jusqu’au moment où ils s’écroulent et, retournant leur veste, ils disparaissent alors en un clin d’œil.
Voici les questions horribles qui me taraudent :
Sont-ce eux qui défilèrent ces jours-ci un peu partout ?
Où ai-je la berlue et suis-je trahi par le désespoir qui m’envahit d’être de plus en plus, et contre toute raison, traité comme un bouc émissaire ?
Je vous donnerai dans le prochain billet un exemple de l’ignominie des délateurs. Mais aussi la réaction des magistrats des Tribunaux Administratifs, plus particulièrement ceux de la Cour Administrative d’Appel de Marseille après ceux, il y a un mois, de celle de Bordeaux.
Bien cordialement. H. Dumas
Bjr Henri,
Nous sommes des petits soldats de la Résistance.
J’attends de voir le jugement de la CAA de Marseille….pour constater si celle-ci aussi marche dans les pas du tyrannosaure fiscal.
@+