Morts aux urgences

Nous avons vécu ces jours-ci un emballement médiatique pour un fait journalier et banal.

La particularité, qui a soulevé l’indignation du pays dans l’information récente de la mort d’une jeune femme aux urgences de Strasbourg, est qu’elle était jeune, ce qui est effectivement une catastrophe qui révolte.

Remarquons que cette indignation fut à retardement puisque les faits remontent au 29 Décembre 2017 et n’apparaissent que maintenant, soit quatre mois plus tard.

Tous ceux qui ont été amenés un jour à téléphoner au 15 peuvent témoigner de l’impossibilité qu’il y a de communiquer concrètement avec le régulateur.

Peut-on objectivement déceler la situation médicale d’urgence d’une personne par téléphone, sans la voir ?

Peut-on enclencher les moyens lourds du SAMU à partir d’un simple coup de téléphone ?

L’absurdité de la situation est évidente.

D’un côté des urgences qui, réceptacles des cas les plus graves, ont un taux d’échec, de mortalité, très élevé, de l’autre un accès à ces urgences par le moyen le moins rationnel et efficace possible : le téléphone.

Le téléphone ne transmet que la parole, chacun sait que cette dernière est l’outil du mensonge, volontaire ou non.

L’urgence est le soin ultime, vital mais désespérant, aboutissement habituel des vieillards en bout de course ou des accidentés lourds. La mort y est une donnée ordinaire.

L’urgentiste qui la côtoie toute la journée ne peut que la banaliser, faute de quoi il mourrait lui-même de chagrin.

L’arnaque politique est de nous faire croire que nous pourrions tous recevoir des soins et de la compassion en cas d’urgence, sans problème.

Chacun comprend que s’il se sent faible ou malade, il ne faut pas qu’il traverse seul l’Atlantique en bateau, qu’alors il s’expose à ne pas être secouru en cas de nécessité.

Au même on fait croire qu’à Paris ou à Marseille il lui suffit de prendre son téléphone et les soins vont surgir immédiatement. Et bien non, ce n’est pas beaucoup plus possible qu’au milieu de l’Atlantique, dans le premier cas la solitude joue contre lui, dans le deuxième cas c’est la foultitude, ce qui revient pratiquement au même.

Essayons d’y voir clair

Notre connaissance médicale a fait de tels progrès qu’il est peu de situations ingérables, nos médecins peuvent faire face à presque toutes les urgences et repousser la mort. Ça, c’est dans l’absolu, dans la théorie.

Dans la pratique, il reste à régler le coût d’intervention. Là ça se complique salement.

Mettons qu’une urgence demande une intervention dans la demi-heure, on voit tout de suite la complication.

J’ai dans ma tête le souvenir d’un oncle qui eut la bonne idée d’avoir un infarctus sur le trottoir devant Necker, il fût sauvé et se félicita longtemps de ce hasard car il habitait au fin fond de la Corrèze.

Supposons un cas moins facile à diagnostiquer en un lieu plus éloigné, il faudrait qu’un médecin arrive très rapidement. Cela a un coût.

C’est d’abord ce coût qui tue.

Les hommes de l’Etat, qui ne sont pas à un mensonge près, persuadent la population qu’à la condition qu’elle en finance marginalement le principe ils sont capables d’apporter le secours à tous, tout le temps, en tout lieu.

Ils jouent sur le fait que celui qui est en demande de secours est rarement en situation d’analyser objectivement la réponse à sa demande. Il suffira, la plupart du temps, de lui dire qu’il n’y avait rien à faire pour que lui ou ses héritiers le croient.

C’est ainsi que le coût de la réalité étant inaccessible, l’image va pouvoir se substituer à elle. Environnement, klaxons, déguisement, numéro de téléphone miracle, suffiront à abuser le client.

Imaginez la réalité financière qui serait nécessaire pour rendre plausible une intervention partout à son meilleur niveau :

            – Des médecins disponibles en tout lieu dans le quart d’heure.

            – Leur déplacement vers le malade,

            – Puis, derrière et immédiatement, toute la lourde machine de diagnostic.

Mettons, au pif, entre mille et deux mille euros à chaque fois — y compris pour les simples angoisses — à multiplier par le nombre d’appel aux urgences : plus de dix millions par an. ( donc 1.000 milliards….).

Tout cela est simplement impossible, même en mettant dans la balance la totalité des revenus du pays.

Et puis…. cela en vaudrait-il la peine ? Non, évidemment, les urgences peuvent sans doute repousser la mort, mais elles ont rarement la faculté de rendre neuf et intact un corps abimé ou blessé. Il en sort le plus souvent un infirme.

Nous sommes ici face à notre misérable condition d’homme.

Mais nous sommes aussi face à un mensonge typique de la démocratie, tout particulièrement de sa déviance égalitariste qui consiste à faire croire à la population qu’en échange de sa liberté et de sa soumission elle va bénéficier de prestations totalement irréalistes.

Les urgences en font partie, du moins telles qu’elles nous sont vendues, miraculeuses et disponibles gratuitement dans l’instant.

Tout cela participe à notre déresponsabilisation.

Pourquoi serions-nous prudent, prévoyants, soucieux d’être entourés et prêt à faire les efforts nécessaires à ce sujet, puisqu’en cas de pépin, les urgences sont là…. au moins à la télé. Grace aux urgences, famille et amitiés sont inutiles, plus besoin de s’occuper des enfants et des vieux.

Hélas, les urgences sont comme le reste un fantasme qui ne tient que parce que la cooptation permet de se passer de la compétence, sans quoi les urgentistes eux-mêmes refuseraient de participer à cette mascarade. Ils exigeraient des moyens que personne ne peut leur donner. Ou ils expliqueraient les limites de leur possibilité d’intervention, que les hommes de l’Etat transmettraient à la population…

Mais alors, chacun serait face à ses responsabilités… vous voyez bien que ce n’est pas possible, ce n’est pas séduisant électoralement parlant.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

11 réflexions sur « Morts aux urgences »

  1. Mettons, au pif, entre mille et deux mille euros à chaque fois — y compris pour les simples angoisses — à multiplier par le nombre d’appel aux urgences : plus de dix millions par an. ( donc 1.000 milliards….).

    Dommage qu’une énorme erreur de calcul invalide toute l’argumentation.

    10 millions X 1000€ fait 10 milliards et non 1000 milliards

    et 10 milliards, c’est plus hors de portée

    1. Vous avez parfaitement raison. Donc entre 10 et 20 millards. C’est une paille, il suffit de renforcer les contrôles fiscaux ….
      Enfin, le calcul est faux pas de doute.

    2. Aprés réflexion il faut objectivement avouer, avec humilité, que les chiffres peuvent dire n’importe quoi à condition de ne pas les utiliser n’importe comment.
      Ils offrent une apparente facilité piégeuse.
      Pas d’excuse d’avoir massacré un exposé cohérent avec une erreur d’école primaire qui dévalue un propos essentiel.
      Bon c’est fait, c’est fait, votre commentaire était essentiel. Merci

  2. Nous assistons à l’explosion du modèle actuel de l’hôpital. Le Président du syndicat des urgentistes à déclaré ce matin sur France Info : « il ne faut pas se présenter à l’hôpital comme un client »
    Ah bon ?
    Comme quoi alors ? Comme un numéro ? Un électeur ? Un assujetti ? Un sous-consommateur sans droit ? Un fifèle ? Un esclave? Un mouton ?
    Ah ces grandes surfaces qui ont transformé les français en consommateurs critiques et turbulents…..
    Quels dégâts collatèraux pour nos monopoles étato-communistes.

    1. A l’hôpital public, le malade est un usager, c’est-à-dire qu’il est au service du corps médical et non l’inverse.

      Et ce n’est pas prêt de changer :
      – tant que les maires pourront faire du clientélisme en tant que présidents des conseils d’administration des hôpitaux : dans tous les hôpitaux que ce soit les plus petits ou les plus gros comme les CHRU, il y a plus de personnel administratif que de personnel soignant et il y a plus de personnel soignant que de lits.
      – tant que le personnel aura le statut de fonctionnaire : l’hypersyndicalisme des bureaucrates règne, les médecins se disputent pour des questions d’ego et l’intérêt des malades passe en dernier.

  3. Du même ordre quand une société augmente les impôts et taxes inconsidérément comme actuellement en France , certains politiques et fonctionnaires s’étonnent de l’évasion fiscale , alors qu’il en sont les 1ers responsables .

  4. Lisez ce livre : « Euthanasie, stade suprême du capitalisme » par Jean-Claude Martinez paru aux éditions Via Romana en 2013. ISBN 979-10-90029-49-1

    Je cite page 135 :

    On peut dire avec le professeur Aubry que « 17 000 décisions médicales seraient prises chaque année dans l’intention de donner la mort, dont 14 000 décès provoqués sans le consentement du patient ». Mais rapportés aux 500 000 décès annuels en France, les chiffres de l’INED pour le seul mois de décembre 2009, c’est-à-dire 47,7 % de morts sur décisions médicales, donnent 238 000 morts sciemment accélérées chaque année.

    Autre passage page 46 :

    Laura Marx, fille de son célèbre papa, a hérité de l’ami de ce papa, l’industriel Engels et elle a fait un tabac d’édition en traduisant les oeuvres de son père. Malheureusement, elle a épousé un médecin… londonien, Paul Lafargue, né à Santiago de cuba, député du Nord avant Martine Aubry et qui avait fait plus fort qu’elle en proposant la semaine de deux jours. De 12 heures chacun il est vrai, soit 24 heures au lieu des 35.
    Ce docteur Lafargue, dans la nuit du 25 au 26 novembre 1911, injecte à son épouse en pleine forme physique et mentale de l’acide cyanhydrique, histoire de lui éviter que « l’impitoyable vieillesse (…) ne la dépouille de ses forces physiques et intellectuelles, ne paralyse son énergie et ne brsie sa volonté. »
    Comme il va s’auto-euthanasier aussi, il écrit cette explication à la première personne du singulier et il n’y a pas de poursuites. Il y a même déjà une superbe parade pour les obsèques, une sorte « d’euthanasie-pride » à faire rêver le président Jean Luc Romero, puisque 20 000 participants y viennent, et du monde entier. Lénine en personne est là, et même Jean Jaurès qui en profite pour faire un meeting en plein air, au Père Lachaise, inventant ainsi, 100 avant Jean Luc Mélenchon, la réunion politique de rue.

    Autre passage encore page 168 :

    L’académicien Jean Clair par exemple l’a bien vu lorsqu’il décrit « le pouvoir médical » qui « pour diminuer les coûts de l’Assistance publique ou pour alimenter le commerce des greffes » va « laisser mourir au plus vite » et d’autant plus vite que dans la société de solitude déjà et de PMA bientôt, les patients hospitalisés n’ont qu’une vie en viager ou en usufruit, avec personne qui les a accompagnés en entrant et personnes qui les attendrait, s’ils sortaient… vivants.

  5. mais moi ce qui m’indigne .
    c’est l’indifférence du monde sur le sort des pauvre palestiniens qui sont dans une prison a ciel ouvert ..depuis 70 ans .
    et qui sont en train de se faire tirer dessus comme des pigeons dans l’indifférence générale de la communauté internationales.

    désolé pour cet aparté ( hors sujet) mais il me semblait important et opportun de le dire

    1. Ce que vous appelez une prison à ciel ouvert, est-ce la définition d’une croyance ?
      Je veux dire qu’est ce qui empêche Gaza de devenir Hongkong ou Taïwan ?
      Une cité moderne, légitime paradis fiscal, placée là, le mur changerait d’usage de direction.

      1. Les observations du billet sont tout à fait pertinentes …
        on ne peut pas sauver tout le monde et le faire croire est une tromperie.
        Le cout du SAMU est évidemment très élevé
        On ne connait pas non plus les statistiques de mortalité qui doivent être très élevées … (à mon avis, mais je peux me tromper, au moins 50%).
        Néanmoins, la réaction de l’opératrice n’a pas été celle qu’on est en droit d’attendre dans ce genre de situation ; ce qui pose le problème de la formation et éventuellement du surmenage.

        Pour Gaza : attention la situation des palestiniens est très spéciale car ils sont de facto sous la tutelle des israeliens pour tout (approvisionnement en eau, électricité, alimentation importée, même le budget qui est controlé par les israeliens qui peuvent tout couper à tout moment et ils l’ont déjà fait).
        Les habitants de Gaza ne font pas ce qu’ils veulent – c’est en fait une véritable prison à ciel ouvert !
        Evidemment, il ne faut pas s’étonner de ce qui s’y passe; c’est une poudrière surpeuplée …

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