Les toxiques

Le pouvoir ne m’attire pas, ni pour le posséder ni évidemment pour le subir. Je n’aime ni ses contraintes, ni ses avantages apparents. Mon attachement à la liberté, pour moi et pour les autres, ne s’accommode pas des obligations et des traitrises du pouvoir.

Cette inappétence pour le pouvoir — qui sous-tend toutes les sociétés — me crée des problèmes depuis justement mon entrée dans la société, c’est-à-dire depuis ma première scolarité.

C’était une espèce de maternelle améliorée, gérée par des bonnes sœurs, j’avais cinq ans, nous étions en 1949.

Je n’ai pas le souvenir exact de l’incident qui ce jour-là révolta mon sens de la justice. En revanche je me rappelle très bien la bonne sœur qui m’a ramené chez moi après mon exclusion de cette maternelle, dont pendant tout le trajet je tentais, ulcéré, d’atteindre le tibia à coups de pied qui se perdaient dans le vide ou dans sa lourde robe, mes jambes étant beaucoup moins longues que ses bras qui me tenaient à distance.

Depuis rien n’a changé.

L’injustice me révolte, il est toujours une autorité pour me condamner et me tenir à distance de ses tibias.

Avec le temps j’ai compris que l’injustice est inévitable, qu’elle est étroitement liée à la vie. Souvent issue du hasard elle est alors imparable, quelques fois elle est provoquée par autrui il est alors possible de l’anticiper.

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’issue des autres j’en fais mon affaire, mes problèmes actuels démontreraient le contraire.

Disons qu’avec le temps j’ai appris à détecter les toxiques, ceux par qui l’injustice chemine pour vous tomber sur le paletot.

Ils sont nombreux, il est presque possible d’affirmer que la grande majorité de la population a des travers plus ou moins toxiques.

Le journal Marie-Claire en dresse une liste :

          –  L’égocentrique

          –  L’envieux

          –  Le tordu

          –  Le persifleur

          –  Le capricieux

          –  La victime

          –  Le manipulateur

          –  Le juge

          –  L’arrogant

          –  Le détracteur

Puis, très à propos, ce journal conseille tout simplement d’éviter ces tempéraments, de s’éloigner de ces personnages.

Vous conviendrez que nous avons tous un peu de ces défauts en nous, que donc il est très difficile, sauf à se transformer en ermite au fin fond de la Lozère, de s’éloigner de toutes ces toxicités.

En réalité on peut les supporter occasionnellement, mais il est impératif de les détecter et d’éviter à tout prix de lier des rapports contractuels ou sentimentaux avec des personnages ainsi typés.

Pour les détecter, encore faut-il qu’ils soient suffisamment exposés pour que leurs travers apparaissent.

C’est ici que ce billet est extrêmement important.   

Dans la vie normale, la vie de tous les jours, détecter les toxiques est relativement facile. Ils agissent en direct, ils sont obligés de faire face, leur dissimulation éventuelle permet justement de les soupçonner, puis de les débusquer.

Mais en politique ou dans l’administration ?

Tout change. Les individus sont cachés derrière la fonction, ils sont masqués par leur mandat, ils parlent au nom d’une abstraction “l’Etat”, ils sont réputés ne pas avoir de caractéristiques personnelles.

Si l’on considère que 80% de la population a une part d’elle-même susceptible de développer une toxicité, on peut affirmer que le statut des fonctionnaires est un bouillon de culture favorable à l’éclosion de ces toxicités.

Ils sont à l’abri de tout jugement, se protègent les uns les autres sans limite, autant de conditions favorables à l’épanouissement illimité de personnages toxiques.

C’est — en tout cas en ce qui me concerne — ma révélation d’aujourd’hui.

Euréka, tout s’explique.

Donc il suffit d’endosser le statut de fonctionnaire, d’élu, son apparence impersonnelle, son irresponsabilité, sa protection corporatiste, pour laisser libre cours à sa toxicité.

Seuls les hommes d’une grande bonté, d’une infinie compassion, sont peut-être capables de rester humain avec un tel statut, mais alors c’est le statut qui ne veut pas d’eux…

Tout rapport normal avec l’administration est donc impossible et cela me rassure sur l’état de ma santé mentale.

L’administration est un réservoir et un incubateur de toxicité, ses membres sont structurellement à 99% toxiques.

C’est ce qui explique la dévastation sociétale provoquée par cette caste et la très grande difficulté qu’il y aura à s’en débarrasser.

Sacré problème.

Bien à vous. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

3 réflexions sur « Les toxiques »

  1. Bien sûr !
    Il n’y a jamais rien de bon à attendre des états, et donc, de ce qui leur est intrinsèque. L’administration. Pierre Clastres l’avait magnifiquement expliqué, notamment dans “La société contre l’état”.
    Et donc bravo, pour cette lumineuse et éclairante synthèse.

  2. Etre Fonctionnaire ou politique donne la possibilité de mentir et de nuire à autrui.
    La démocratie qui reposait sur le contrôle, s’est endormie sur la complaisance des administrations et des politiques. La justice est devenue l’art de se servir des citoyens . Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre.

    ‘Etre gouverné en France depuis 1970″ par des politiques et des administrations=c’est être à vue, inspecté,gardé,espionné,dirigé,légiféré,réglementé,parqué,endoctriné,prêché,contrôlé,estimé,apprécié,censuré,commandé, par des êtres qui n’ont ni titre, ni la science, ni la vertu…
    Etre gouverné en France, c’est être à chaque transaction ,à chaque mouvement,noté,enregistré,recensé,tarifé,timbré,toisé,coté,cotisé, patenté, licencié, autorisé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé.
    C’est sous prétexte d’utilité publique et au nom de l’intérêt général être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié ,volé ; puis ,à la moindre réclamation, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé , assommé,
    désarmé,garrotté,emprisonné,fusillé,mitraillé,jugé,condamné,déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble , joué, berné, outragé, déshonoré.
    Voilà la gouvernance française, voilà sa justice, voila sa morale!
    Et qu’il y a parmi nous des démocrates qui prétendent que le gouvernement a du bon; des socialistes qui soutiennent, au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, cette ignominie; des prolétaires qui posent leur candidature à la présidence de la République.

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