On croyait avoir tout vu avec les gros salaires et les primes illégales de Bercy, mais il y a encore pire chez les hauts fonctionnaires de l’Assemblée !
C’est un ancien salarié du Palais-Bourbon, Paul Jossé, qui le révèle dans une enquête explosive et très documentée pour l’Iref, l’Institut de recherches économiques et fiscales. Mais, contrairement à Bercy, dont la Cour des comptes avait pu passer à la moulinette les salaires et les primes de 750 hauts fonctionnaires sur plusieurs années, elle n’a pas réussi cette fois à consulter les dossiers complets des fonctionnaires de l’Assemblée nationale, ce qui a obligé Paul Jossé à faire œuvre originale.
Au départ, il y a l’incroyable histoire d’une Assemblée qui a la particularité de n’avoir jamais été contrôlée entre 1789, date de sa création, et 2007, date à laquelle Nicolas Sarkozy avait demandé à la Cour des comptes d’intervenir, ce qui avait donné lieu à des scènes inédites et choquantes. Le contrôle s’était très mal passé, les auditeurs de la Cour ayant été empêchés par tous les moyens imaginables de remplir leur mission : fausses informations, coups fourrés et autres sabotages jusqu’à ce que, malgré tout, un rapport très critique soit établi, lequel finira par être totalement enterré.
Le président de l’Assemblée, Bernard Accoyer, en détruira au broyeur et de ses propres mains tous les exemplaires disponibles au moment de céder son perchoir à Claude Bartolone, en juin 2012. Un même déni officiel que pour le rapport Perruchot, fin 2011, sur les finances secrètes des syndicats ! Comme des poupées russes, des scandales incrustés dans les scandales ! Il y avait donc tellement de choses à cacher chez ces bureaucrates qui bénéficient depuis toujours d’un régime spécial « très spécial » ? Oui, répond Jossé, qui n’hésite pas à écrire que « la vie de palais a complètement déconnecté de la réalité cette fonction publique qui protège secrètement, discrètement, jalousement et avec ivresse sa vie opulente ».
La vraie grille des salaires des 1 132 fonctionnaires de l’Assemblée
L’auteur de l’Iref, qui a donc travaillé à l’Assemblée pendant quelque temps, qui a farfouillé là où il fallait et sans doute là où il ne fallait pas, et qui semble avoir les qualités naturelles des meilleurs chercheurs et enquêteurs, a réussi à prendre connaissance de la vraie grille des salaires des 1 132 fonctionnaires de l’Assemblée en 2017, cette même grille que les auditeurs de la Cour des comptes n’avaient pas pu obtenir par la voie officielle. Première découverte : non seulement ces fonctionnaires ont des salaires de base très généreux, mais encore ils font plus que les doubler avec leurs indemnités et leurs primes, qui ont représenté en moyenne 114,5 % de leurs salaires pendant l’année 2016.
« Les fonctionnaires parlementaires sont drogués à la prime », écrit-il, et les taux de ces primes « sont astronomiques, insensés, absurdes… Rien ne peut justifier un tel traitement de faveur ». Selon lui, la prime la plus connue est la prime de nuit, « un privilège acquis après un combat syndical » sur le thème de la pénibilité. Elle « s’applique à tous les fonctionnaires, qu’ils soient en train de dormir ou effectivement à l’Assemblée à travailler ». C’est une prime qui est versée à chaque salarié « de manière égale ». Ce dernier point est très important, car il explique en partie les chiffres énormes qui vont suivre.
En effet, cette prime de nuit n’est pas mensuelle et n’apparaît pas officiellement dans la grille officielle des salaires, mais notre enquêteur obstiné qui en a eu connaissance l’a individualisée et mensualisée. Il a ainsi obtenu le chiffre moyen de 2 685 euros net par mois pour l’année 2016, soit un total annuel de 32 220 euros. Ceux qui travaillent réellement la nuit bénéficient d’un avantage supplémentaire : jusqu’à 25 jours de congés en plus de leurs 5 semaines de base. Pour les autres, « la prime de nuit est en réalité une prime à dormir », une bien curieuse prime de « pénibilité » ! Détenant les chiffres de la grille des salaires, des primes et indemnités diverses ainsi que des primes de nuit qu’il a donc mensualisées, Paul Jossé a pu reconstituer les montants réels moyens des salaires nets versés aux fonctionnaires de l’Assemblée nationale pendant l’année 2017.
L’agent débutant est à 77 580 euros net par an
Considérons les trois catégories principales de ces salariés de l’Assemblée : les agents de base (ils étaient 398 dans la grille au 1er septembre 2017), les agents de maîtrise ou cadres intermédiaires appelés « assistants de direction et de gestion » (au nombre de 206) et enfin les 175 hauts fonctionnaires dits « administrateurs ». Les agents ont gagné en 2017 entre 6 465 et 9 449 euros net mensuel, les assistants de direction entre 6 838 et 10 507 euros et les administrateurs entre 7 920 et 18 736 euros – soit jusqu’à 224 832 euros par an. L’agent débutant est donc à 77 580 euros net par an tandis qu’un administrateur du sommet de la hiérarchie vogue allègrement à 224 832 euros. Et ils sont 1 132 au total à être ainsi claquemurés dans la naphtaline de leurs privilèges d’un autre temps !
On reste confondu devant de tels chiffres, sachant qu’en plus ces fonctionnaires ont
toujours pu bénéficier des mêmes avantages, en particulier immobiliers, que les députés, c’est-à-dire de prêts à taux zéro, jusqu’à ce que le système soit officiellement supprimé en 2010. Or, fait étrange et inexpliqué pour l’instant par notre enquêteur, si les députés n’y ont plus droit, certains fonctionnaires continueraient à en profiter – ceux qui, selon lui, « semblent bénéficier du pouvoir de décider des mesures les concernant ». Un peu comme dans les hautes sphères de Bercy où c’étaient les gardiens du coffre-fort français qui fixaient leurs propres rémunérations et les primes « irrégulières et sans fondement », selon la Cour des comptes, qu’ils s’attribuaient à eux-mêmes.
Des revenus supérieurs à ceux d’un ministre
La Cour des comptes justement avait relevé que 104 des 150 plus hautes rémunérations de Bercy concernaient des cadres supérieurs de la Direction générale des finances publiques (DGFP), lesquels touchaient en moyenne 202 456 euros net par an (16 870 par mois). Les directeurs de l’administration à l’Assemblée nationale qui sont au plafond seraient donc à 224 832 euros net par an (18 736 par mois), record battu ! Pour gagner une telle somme en net dans le privé, il faut pouvoir disposer d’un salaire annuel brut de l’ordre de 300 000 euros ! Rappelons que les ministres du gouvernement Philippe sont à 120 000 euros brut par an et le président et son Premier ministre, à 180 000 !
À l’autre bout de la chaîne, chez les agents de base de l’Assemblée, on trouve les employés les plus cousus d’or et les mieux payés de tous les agents de base français, toutes catégories confondues, avec leurs salaires qui démarrent à 6 465 euros et montent jusqu’à 9 449 euros en fin de carrière. Notre auteur, qui a cohabité avec eux à l’Assemblée, les a vus à l’œuvre : « Dans les bâtiments où travaillent les députés sont positionnés à chaque étage des bureaux d’agents, écrit-il dans son enquête. Ces fonctionnaires sont nommés les agents d’étage. Leur rôle est essentiellement de rendre service aux députés et aux assistants parlementaires en distribuant le courrier dans des cases nominatives attribuées, une fois le matin, une fois l’après-midi, ou encore distribuer des ramettes de papier blanc (deux par semaine) et transporter d’un bâtiment à l’autre des rapports et textes de loi que certains élus ont réalisés. »
Ils discutent entre eux, jouent aux mots fléchés et au sudoku.
« Ils peuvent aussi répondre aux questions, poursuit-il, et donner des orientations sur certains services existants. Et… c’est tout. Mais alors, que peuvent-ils bien faire entre deux distributions de courrier et de ramettes de papier blanc ? » Réponse : « Ils discutent entre eux, jouent aux mots fléchés et au sudoku […], regardent la télé […] ou des films sur leurs ordinateurs. » On a bien compris : ils n’ont rien à faire d’autre que de s’occuper du courrier et des ramettes ! Et ils sont 400 dans ce cas !
Dans ce marécage qui sent mauvais – bienvenue chez les nababs de l’Assemblée nationale ! –, il reste enfin une question : pourquoi donc la loi de moralisation de l’été 2017 qui a fait perdre aux députés leur « indemnité de frais de mandat » n’a-t-elle touché en rien aux privilèges des fonctionnaires de l’Assemblée qui finissent par gagner tous, sans exception, du directeur à l’agent débutant, plus d’argent que les députés eux-mêmes qu’ils sont censés assister dans leur travail. C’est le monde à l’envers, un vieux travers en France où l’on n’hésite jamais à marcher sur la tête, en fonction des capacités de nuisance des uns ou des autres !
sur le web du point: http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-nouailhac/nouailhac-les-nababs-de-l-assemblee-nationale-05-06-2018-2224152_2428.php
Une belle économie dont nous n’allons peut-être pas profiter d’ailleurs ?
Le karcher suffirait-il ?
c’est dangereux et considéré comme métier a risque ..
on peux glisser dans les escaliers en allant a la buvette de l’assemblée
ils peuvent avoir un trouble musculo-squelettique en levant une ramette de papier
se faire mal au poignet en cochant les grilles de sudoku
il faut aussi se forcer a dormir au boulot la journée pour rester éveillé lors des séances de nuit
et afin que toutes les magouilles reste dans le fight club , toute peine mérite leur gros salaires