La perquisition est le viol intégral de son intimité.
En plus des dégâts occasionnés par ces violeurs, portes fracturées ou défoncées, coffre fort éventré, le tout sans remord et même avec une certaine jouissance, plusieurs objets peuvent disparaître pendant celle-ci.
N’esperez pas un mot d’excuse s’ils font choux blanc.
On ne fait pas d’omelette sans casser d’oeufs disent-ils.
Disent-ils…
Belle opération pour le soi-disant Xavier.
Cela fait toujours plaisir de retrouver son appart dévasté par les chaussures à clous.
Mon vécu:
…Le 12 octobre 1995, alors que je dors du sommeil, dit du juste, dans mon appart, à 6 heures du matin, la sonnerie de ma porte se met à retentir d’une façon pour le moins impérative.
J’émerge difficilement, m’étant couché vers les 4 heures.
La sonnerie est accompagnée de coups « appuyés » pas vraiment discret sur ma porte d’entrée.
Je passe une robe de chambre en quatrième vitesse, me demandant qui peut bien venir m’emmerder à cette heure chez moi.
Je regarde par l’œilleton et je vois un couple genre témoin de Jehova.
Celui-ci ayant les oreilles performantes a dû m’entendre arriver et l’homme dit d’une voix forte et pas joviale du tout: Police, ouvrez !
Ouaou, c’est la police et pas des Jehova’s boys.
Bon français discipliné à l’autorité, j’ouvre donc.
Le mec se présente : Lieutenant Trucmuche de la police judiciaire et inspectrice Machepro de la DNEF. Nous avons un mandat de perquisition.
Veuillez nous laissez entrer, et il me fout un papelard sous le nez en l’agitant. Ce doit être son mandat que je n’ai même pas le temps de le lire, ils me poussent et entrent chez moi.
Qu’est-ce qui m’arrive encore ? Ma voiture doit être mal garée ? Non je plaisante. Une perquise, je dois au moins avoir tué quelqu’un.
Ils n’ont pas l’air d’être du style causant, ils doivent avoir vu trop de films gestapistes.
Je les emmène au salon et, toujours poli je leur offre un café. Ils refusent sèchement. Ce ne sont pas des souriants. Ils ne doivent pas apprendre l’amabilité à l’école de police. Tant pis pour eux. Ils doivent penser que j’essaye de les corrompre à la tasse de café Senséo…
Moi, il m’en faut un. Je vais donc le faire à la cuisine. Le lieutenant Trucmuche m’accompagne d’un air soupçonneux, il me colle au train comme une sangsue, des fois que je planque ou détruise des « preuves » ou pire, que je tente de m’enfuir en sautant par la fenêtre. Il n’a pas dû réaliser que nous étions au 3eme étage.
Je suis toujours un peu dans le colletard, et surtout je n’ai toujours pas compris ce qu’ils espéraient trouver chez moi. De la drogue, des armes, de l’argent…
Je n’ai aucune idée de ce que veut dire DNEF. Pour moi, à cet instant précis, je présume que c’est un service quelconque de la police judiciaire.
Je retourne avec mon café au salon suivi comme mon ombre de mon « alter égo ».
On s’assoit tous les deux, pendant que sa collègue farfouille avec une ardeur accrue par le faîte qu’elle ne trouve apparemment rien à se mettre sous la dent dans mon appart.
Poliment, car je n’ai pas envie de prendre un coup de bottin sur la tête, je demande à ce lieutenant ce qu’ils viennent faire chez moi.
Il m’apprend que DNEF signifie Direction Nationale des Enquêtes Fiscales et que c’est la DNEF qui mène le bal.
Lui n’est là que pour constater que les droits du perquisitionné, donc moi, en l’occurrence, sont bien respectés. Et il le dit sans rire. Ce doit être un flic pince sans rire, une rareté dans cette profession.
Quelle blague. Il a plutôt l’air d’être là pour m’enfoncer que pour me défendre.
D’ailleurs, ayant mon permis de conduire entre les mains, celui-ci doit lui sembler plus que louche car il téléphone à un service quelconque pour qu’on lui confirme que je ne l’ai pas volé.
Mierda, mon permis était vrai. Je l’ai échappé belle. Il était prêt à me passer les menottes. Loupé ! Il m’aurait bien embarqué à 6 heures du mat pour faux document officiel !
Une heure après, vers sept heures et des brouettes, la visite guidée de mon appart se termine. Bien sûr, ils ne remettent rien en place. Il ne faut pas les confondre avec des femmes de ménage.
Les adieux sont plutôt froids.
La représentante de la DNEF parait vraiment déçue. Elle qui devait s’attendre à embarquer des tonnes de documents, ne repart qu’avec deux ou trois vieilles factures Darty et un carnet de chèques entamé. Rien de sérieux à se mettre sous la dent. Ca ne valait pas le coup de se lever à l’aube pour une récolte si squelettique.
Elle m’annonce en partant, d’un air vengeur, que ses collègues sont en train de perquisitionner en ce moment à la Loco.
Et paf, prend toi ça dans les dents !
Je m’habille vitesse TGV et en vingt minutes, j’arrive à la Loco.
Là, ça à l’air vraiment sérieux. Trois ou quatre voitures sont garées devant, dans la voie des bus et la porte de la discothèque est entrouverte. Un mec de la DNEF, genre Stasi, la garde.
Je me fais connaître et il me laisse passer. Un autre, du même tonneau, m’escorte jusqu’au bureau.
En montant les escaliers, je m’aperçois qu’il y a des agents de la DNEF dans tous les coins. Ca grouille dans tous les coins.
Ça monte, ça descend, ça va à droite ou à gauche, genre je n’ai pas « une seconde à moi, je suis vachement occupé à tout renifler ». Une vraie ruche. On me conduit à leur reine.
Arrivé dans mon bureau, mon escorte boy disparaît en m’annonçant à la personne qui est assis pénardos dans mon fauteuil, derrière mon bureau.
Dans celui-ci, c’est l’usine. Ca bourdonne sec.
Le bureau fait environ 10/12 m2 à tout casser. Ils sont quatre à farfouiller dans nos tiroirs, dans nos dossiers, même sous les cendriers, chaque centimètre carré est scanné. En plus des 4 mecs à tête chercheuse, celui qui est à ma place dans mon fauteuil m’accueille, fort courtoisement, il faut le dire.
Déjà chez lui, il m’invite donc à m’assoir dans la chaise en face de mon bureau. C’est bien aimable de sa part.
Il se présente, malheureusement je n’ai pas retenu son nom, mais c’est le big chief de cette armée de chiens truffiers.
Il me montre sa commission rogatoire autorisant sa perquise et me présente l’OPJ qui est, selon la formule consacrée et que maintenant je connais, chargé de vérifier que tout se fait dans les règles. C’est le pendant du lieutenant Trucmuche de tout à l’heure, mais celui là a l’air moins coincé.
Ah, ah, les règles, quelles règles ? Les leurs, je présume.
Bref, l’ambiance est cordiale mais studieuse.
En montrant notre gros coffre-fort qui trône majestueusement le long du mur, il me demande fort aimablement, si par hasard je n’aurais pas la clé et la combinaison ?
Mais si, mais si, bien sûr, Monsieur l’agent, j’ai tout ça dans ma poche. Je fais la combinaison et tourne la clé.
Putain, à peine ouvert le coffre, un incorruptible bondit, m’écarte fermement et se précipite sur son contenu. Il devait penser que je pouvais tout faire disparaître d’un seul coup de mon regard laser.
Ils devaient espérer trouver le Saint Graal ou son équivalent fiscal.
Pas de grosses liasses bien épaisses de billets de 500 et pas non plus le moindre gramme de poudre. Même pas de quoi se rouler un petit pétard. Même pas un vieux Popper. Rien, que dalle, le zéro absolu.
Ce foutu coffre ne contient que les fonds de caisse des bars et de l’entrée. Comme papiers compromettants il n’y a que notre licence d’alcool et notre fameuse autorisation de nuit, plus divers autres papiers tout aussi passionnants.
Ce « trésor », apparemment ne fait pas leur affaire.
C’est la grosse déception, je les sens près des larmes. J’ai presque envie de les consoler. De m’excuser de ne pas avoir mis un kilo de coke dedans mais, ils ne m’avaient pas averti de leur visite.
Je plaisante maintenant mais sur le moment je n’étais pas à la fête.
Je vais être collé à mon inconfortable chaise jusqu’à 21 heures, heure de leur départ.
Je ne pourrai la quitter uniquement que pour aller aux toilettes, escorté bien sûr de mon OPJ, où à la demande d’Eliot Ness, lorsque ses agents venaient lui faire des messes basses, ou lui porter des papiers « ultra confidentiels » ou s’il devait passer des coups de fils «top secrets ». A ces moments-là, on me mettait au coin. J’allais faire antichambre au bar américain, avec mon OPJ, attendant qu’Eliot daigne nous rappeler. Celui-ci, d’ailleurs n’était pas désagréable. Il avait même beaucoup d’humour. Je parle de l’OPJ. Cela me changeait de la porte de prison qui était venu fouiller chez moi.
Lors de ces périodes « frigidaire », je constatais que le trafic des allées et venues des Gmen de la DNEF était vraiment intense et leur nombre important. Je n’ai jamais su combien ils étaient. Ils bougeaient trop vite. Une véritable autoroute. Comme je le faisais remarquer à mon OPJ, celui-ci m’apprit que parallèlement à la perquise à la discothèque il y en avait une dans nos bureaux, cité Véron. Et comme on pouvait quasiment passer de l’un à l’autre sans sortir dans la rue, cela expliquait l’intensité du trafic. Un week end du mois d’août sur l’autoroute…
Je passais donc ma journée à répondre au feu roulant des questions d’Eliot Ness. Je ne sais si j’étais en garde à vue, mais je ne pouvais apparemment pas me barrer. Ce devait être une garde à vue « confidentielle » avec un interrogatoire lui aussi confidentiel.
Certainement pour me faire « craquer », il me déclara qu’il y avait aussi un paquet perquisitions dans nos autres discothèques et chez certains de nos collaborateurs.
Le pauvre, j’avais presque pitié de lui et de son équipe qui se tapaient la tête contre les murs à la recherche certainement d’une preuve de notre culpabilité.
Culpabilité dans quelle turpitude ? Ils ne me l’ont pas dit mais apparemment ils faisaient choux blanc sur toute la ligne et cela, plus les heures passaient, moins cela les rendaient joyeux à mon égard.
D’après ce que je pouvais appréhender malgré leur mine de comploteurs, c’est qu’ils ne rencontraient pas plus de réussite dans leurs autres perquisitions.
Il y en avait, je l’appris plus tard, 18 simultanées dans toute la France.
J’étais sidéré par l’ampleur des moyens et des hommes dévolus à cette chasse à je ne sais quoi.
Rien n’avait été épargné. Discothèques, collaborateurs, résidences principales et secondaires pour nous trois.
Plus de 150 hommes, au bas mot, avaient été mobilisé pour cette magnifique opération style « Escobar ».
Ils avaient même rendu visite à ma banque, la Scalbert.
Muni de leur fameuse commission rogatoire, ils avaient interrogé Pascal Bondareff. Celui-ci avait remplacé Lantin à la tête de la succursale. Nos relations étaient très cordiales, ce qui fait qu’en buvant un verre au café en face de sa banque, il me raconta leur visite chez lui.
Ils l’avaient interrogé et lorsque Bondareff leur appris que nous possédions un coffre dans son sous-sol, ils auraient presque trépigné de joie. Ils ne se tenaient plus d’impatience en attendant son ouverture. Ils frétillaient, ils se voyaient, certainement en train de nous passer les bracelets et faire l’ouverture du JT de 20h.
Titre : « Les patrons de la Loco étaient des gros trafiquants ! »
Succès assuré.
Ils devaient penser trouver, au moins, le trésor des templiers ou tout au moins des preuves accablantes de nos divers rackets.
L’ouverture de la porte leur fut un grand moment de solitude. Il n’y avait que quelques vieilles enveloppes kraft vides, quelques ganses et élastiques qui se battaient en duel. Pas le moindre petit sous ni gramme de sniff et aucun papier « compromettant », car pas un seul papier.
Le coffre était plein de vide. Leur déception fut à la hauteur de leur espoir. Immense. Ils se seraient roulés par terre de frustration et de colère.
L’ambiance était définitivement cassée à la banque.
Ils n’ont pas traîné et sont repartis sans faire de bruit, en catimini, une main devant et une derrière.
A part avoir démoli les portes de nos maisons de campagnes et mon
coffre-fort mural dans la mienne, ils n’ont rien trouvé à se mettre sous la dent. Et pourtant, dans ma maison de campagne, ils étaient arrivés en force, accompagnés de maîtres chiens, alors qu’ils savaient pertinemment que j’étais à Paris et que ma maison était vide d’occupant, à part mes chiens, deux molosses, des Mâtin de Naples, une centaine de kilos de muscles chacun. Ils ont malgré tout bloqué les abords, pistolets mitrailleurs au poing (nous sommes en 1996). Mon voisin Gérard, 20 ans plus tard, s’en souvient encore et, me connaissant, ne peut s’empêcher de plaisanter en me racontant leur « descente », style repaire de Daesh.
Ils m’ont pété 5 ou 6 portes que je fermais en partant et
ils ont certainement dû retourner chaque caillou…
Au sujet de mon petit coffre, je ne peux résister à vous raconter cette amusante conversation.
Pendant mon interrogatoire, car c’en était un, le big boss, qui répondait au téléphone me tendit celui-ci.
« Monsieur Bolling, notre agent qui se trouve dans votre maison de campagne veut vous parler.
-Monsieur Bolling, nous avons trouvé votre coffre mural, pour nous éviter de le forcer, pourriez-vous nous dire où se trouve la clé ?
– A votre avis ? Je l’ai avec moi. Cela m’est difficile de vous la donner, là sur l’instant.
-Nous allons donc le forcer. Pourriez-vous me dire ce qu’il contient ?
-Rien d’important. Des photos de classe, mes bulletins scolaires et mon livret militaire de 1969.
-Rien d’autre ?
-Ah si, un revolver.
-Un revolver ?
-Oui, un revolver.
-Pouvez-vous me dire comment vous l’avez eu ?
-Écoutez, je pense que vous allez le saisir et qu’il y aura une enquête ?
-oui.
Alors je le dirai à ce moment-là, à ces enquêteurs. »
Ils ont donc trouvé mes bulletins scolaires, mon livret militaire et mon revolver. Belles découvertes.
Concernant cette perquisition, deux armes que je possédais ont « disparues ». Une winchester 30/30 et un Space 12, fusil rare en France (fusil à pompe) canon court à 12 cartouches utilisé par Arnold Schwarzenegger dans le 1er Terminator).
Ces deux armes, bien en vue dans ma chambre, se seraient donc évaporées toutes seules pendant la perquisition, sans laisser de trace…
Je ne les ai pas retrouvées dans la procédure écrite de la perquisition.
Ces deux armes étant « détenues »illégalement, je ne pouvais aller me plaindre qu’on me les avait barbotées. Et par des gendarmes en plus.
J’aurais été bien accueilli.
Au moins il y en a un ou deux qui ne se sont pas déplacés pour rien !
Pour finir avec l’histoire de mon revolver, un 357 magnum, j’ai été convoqué un ou deux mois plus tard au commissariat. Il l’avait passé à la balistique et au laser. Les numéros qui avaient été effacés avaient réapparus mais comme il était neuf et surtout clean, ils s’en foutaient un peu. Sur sa provenance, je leur ai dit que je l’avais acheté dans un bar à Barbés. L’histoire classique que tout le monde leur sort. Ils ont souri en me regardant d’un air entendu, mais n’ont pas insisté. Ça ne les intéressait pas du tout.
Affaire classée pour eux.
Un an plus tard, je suis passé au tribunal.
Comme ma maison était vraiment isolée au fin fond de la pampa, le juge n’a demandé que la confiscation de l’arme. Fin de l’histoire.
Bien sûr, les portes défoncées et mon coffre forcé, ce fut pour ma pomme
Revenons à ma garde à vue à la Loco dans mon bureau où tout le monde tourne un peu en rond. Tout ces gentlemen commencent à s’ennuyer ferme, surtout moi, fatigué de faire le poireau et de répondre à des questions sans fin.
Voulant embarquer des tas de billets usagers, plusieurs milliers, sans doute pour les vérifier (bon courage les gars), je leur fourni deux gros sacs de sport. Je ne les reverrai jamais. C’était de beaux sacs, ce qui explique peut-être que je ne les ai jamais récupérés, comme les cigarettes avec les douanes.
Ma billetterie non plus, d’ailleurs, mais ça je m’en foutais complètement, ça me libérait de la place.
L’histoire de la vérification de notre billetterie qu’ils avaient embarquée dans mes deux beaux sacs de sport, qui ont connus le même sort que les 2 armes chez moi, vaut aussi son pesant de crottin de cheval.
Je vais vous la raconter avant de l’oublier.
Frédéric, gérant en titre de la Loco est convoqué, quelques mois plus tard, à l’ouverture des deux sacs contenant les billets d’entrée. Ces sacs étaient soi-disant scellés. Je reviendrai sur ces scellés « inviolables » plus tard, puisque ce sont eux qui ont la pince.
Ils peuvent sans aucun problème, s’il leur venait à l’idée de tricher, casser les scellés et les refaire derrière. Ni vu ni connu, j’ t’embrouille.
Bien sûr, là je suis mauvaise langue. Ces gens là sont aussi assermentés.
Vous pigez l’astuce du gendarme…
Il faut savoir qu’un billet d’entrée se compose obligatoirement (exigence du fisc) de 3 parties : une partie souche, une pour le contrôleur et une pour la boisson que vous donnez au bar. Ces 3 parties ont le même numéro.
A la fin de la nuit la totalité de ces 3 parties sont enfermées dans 3 enveloppes différentes pour chaque bar, avec la date inscrites sur chacune d’elles.
Comme nous avons l’obligation de les garder (10 ans) on les stock, d’abord au bureau puis après avoir vérifié qu’il ne manque pas une nuit, et tous les mois environ on les entasse dans un petit local à la cave.
Donc Frédéric, ponctuel comme il se doit se rend à 9heures pétant dans les bureaux de la DNEF (ou de la DGI ).
On le conduit dans une grande pièce où sont assis autour d’une très longue table, un agent avec un ordi et quatre autres bonhommes le long au côté opposé où s’est assis Frédéric. Sur la table trônent nos deux défunts sacs.
Après les formules de politesse d’usage entre gens de bonne compagnie, un agent lui fait son cinéma en lui présentant les sacs et les scellés soi-disant jamais brisés. Au sujet des scellés, la vérité est vous vous en doutez toute autre mais je ne la connaitrai que bien des années plus tard.
Ils étalent les centaines d’enveloppes, toujours soi-disant non ouvertes, sur la longue table.
Ils classent celles-ci par date et les ouvrent jour après jour et se lancent dans un boulot digne des fourmis.
Ils veulent reconstituer les 3 parties de chaque billet. Bonjour le boulot ! Il est digne d’être le treizième des travaux d’Hercule.
Et en plus je ne vous parle pas de l’état des billets qui servent aux boissons.
Il y en a qui sont chiffonnés ou déchirés, d’autres sont encore poisseux d’une douche de coca. Pour certains le numéro a disparu, dissout par de la vodka orange. C’est un peu comme faire des poubelles. Sacré job.
A chaque fois qu’ils ont un numéro, ils l’annoncent à celui qui est à l’ordi pour qu’il l’inscrive dans une de leurs 3 colonnes. Ils feront le rapprochement à la fin.
Ils passent toute la journée à énoncer les chiffres et l’autre nouille à l’ordi les inscrit. Travail des plus intéressant s’il en est.
Frédéric est là, à titre d’enfumage, pour constater qu’ils ne trichent pas…
S’il avait su il aurait emmené avec lui des mots fléchés car il s’emmerde un max.
Vers 19h, tout le monde est sur les rotules, surtout eux.
Ils n’ont plus de voix. Ils marchent au ralenti.
Lorsque le dernier numéro est enfin énoncé, leur soulagement est palpable. C’est la fin du calvaire. Du leur.
Le chef ( ?) dit en souriant à l’homme à l’ordi :
« C’est bon, c’est fini, tout est dans la boîte. Bravo les gars. C’est bon pour toi Michel (Michel, c’est le mec à l’ordi) ?
Suit un long silence.
L’homme ne répond pas. Le malaise flottait grave dans la pièce m’a dit Frédéric.
Je ne comprends pas, dit-il, tout s’est effacé. Il n’y a plus rien.
Tu n’avais pas sauvegardé ?
Et l’autre, d’une voix de petite fille,
Non. »
Voila ce qui arrive quant on n’a pas de tête.
Ils ne l’ont pas lynché car Frédéric était là.
Tout le monde s’est dit au revoir sans faire aucun commentaire.
Nous n’avons jamais été re-convoqué, c’est dire l’importance de la billetterie !
Le fisc, c’est comme les douanes, même combat.
De toutes les façons, ils avaient grave triché, vous verrez plus loin, mais leur tricherie ne leur avait servi à rien à cause de la nouille à l’ordi.
Voilà comment les meilleurs plans tombent à l’eau, à cause d’un grain de sable. Ici en l’occurrence une nouille dans leur équipe.
Ce n’était pas une bonne journée pour eux.
C’est vrai que lorsque Frédéric nous a raconté, à sa manière, sa journée et le bouquet final, nous avons éclaté de rire, de longues minutes d’un fou rire à se tenir les côtes.
Tout cela était bidon, de la mise en scène à l’état pur, mais nous ne le savions pas à cette époque.
Nous étions dans la nasse mais, naïfs, nous ne nous en doutions pas.
18 perquisitions, 150 hommes, là-haut, il leur fallait des résultats.
Nous avions vécu les prémices, sans nous en douter, d’un cataclysme qui allait tout emporter, La Loco et nous trois.
Retour à mon équipe de bras cassés, vers 20h, elle décide enfin d’arrêter la perquisition, de lever le camp et de quitter la Loco.
Elle entasse des milliers de papiers (factures, lettres, bouts de papiers etc…) dans des sacs, pose leurs scellés bidons avec leur pince (qu’ils peuvent changer à leur convenance puisque c’est eux qui la garde) me font signer un papier disant que tout s’est super bien passé.
J’ai signé, ne sachant rien de ce qu’ils avaient le droit de faire ou pas.
Nous reviendrons plus tard sur ce petit papier, mais ce ne sera pas facile.
Heureusement que j’étais tombé sur un OPJ honnête.
Ce fait est assez rare pour que je le signale, car dans cette vie j’en ai vu des vertes et des pas mûres côté gens « assermentés ».
Bref, à 23h, comme s’il ne s’était rien passé, nous ouvrons les portes de la discothèque au public.
La suite dans mon livre « La Locomotive ou la fin des années rock »
https://editions-sydney-laurent.fr/livre/la-locomotive-ou-la-fin-des-annees-rock/
ou Amazon.
Seuls les poissons morts vont dans le sens du courant !
Continue d’avancer Emmanuel!
Ceci démontre si il en était besoin que le recrutement des « exécuteurs des hautes (basses) œuvres » est basé sur le critère de QI le moins haut possible, me trompe-je ?