Mohed Altrad est né à Racca, en Syrie. Le 6 Juin 2015 il a été désigné “Entrepreneur Mondial 2015”. Il est le numéro un de la bétonnière, de la brouette et de l’échafaudage. Il est arrivé en France vers 1967, après avoir été élevé par sa famille nomade en Syrie jusqu’à l’âge de 17 ans.
Racca, sa ville de naissance et de jeunesse, est la capitale de Daech.
S’il avait 17 ans aujourd’hui serait-il écrasé entre les barbelés hongrois et la foule de ses frères de fuite ? Ou un résistant à Daech en danger de mort ? Ou un membre actif du pouvoir de Daech ? Ou un spectateur local éberlué par la tournure des événements dans son pays et tentant d’y survivre ?
Nul ne le sait, même pas lui sans doute.
La situation actuelle de la Syrie rend sa trajectoire vertigineuse pour un observateur ordinaire, à qui ne peut échapper le poids de l’environnement sur le destin de cet homme.
Je ne connais pas M. Altrad, même pas de vue, bien, qu’habitant Montpellier, il soit mon voisin. Mais je pense à lui.
J’essaie d’imaginer son émotion à la vue des drames auxquels nous assistons et de leur traitement médiatique ou populaire. Il n’est pas douteux que mes pensées ne peuvent pas se substituer aux siennes, qu’indéniablement elles ont de grandes chances d’être fausses.
Par contre, ce que je peux observer avec justesse, sans parti-pris, c’est le poids général des systèmes dont il est un remarquable exemple.
Le seul fait d’en avoir changé à 17 ans a complètement modifié sa vie, dans des proportions spectaculaires pour lui. Il faut savoir, qu’à l’intensité près, cela est identique pour tous les hommes.
Mon propos n’est pas d’opposer la réussite personnelle de M. Altrad dans notre système de société à l’échec supposé du même Altrad qui serait resté à Racca. Bien que cela paraisse évident — ou parce que cela l’est — je trouve que c’est secondaire.
Ce que je voudrais mettre en exergue c’est le fait que l’organisation structurelle du groupe construit la vie de chacun de nous.
Certes, les amplitudes des conséquences sont la plupart du temps moins visibles, mais néanmoins ce sont elles qui nous construisent.
Une fois intégrée cette réalité, chacun comprend la terreur qui devrait s’emparer de ceux qui proclament les lois tant elles vont engager la vie de ceux qui les subissent. Or, nous assistons tous les jours à une diarrhée législative irresponsable d’élus complètement hermétiques aux conséquences de leur hyperproduction. Bien plus, nous devons subir une surenchère populaire dans laquelle chacun aspire à une loi complémentaire pour emmerder son prochain.
Le déchaînement des contraintes sociologiques — telles que les vivent les syriens — jettent physiquement les hommes sur les routes, où ils risquent leur vie et leur âme.
Beaucoup de ceux qui regardent atterrés ou craintifs, ou encore critiques, voire censeurs, cette débâcle pensent qu’elle touche un peuple qui n’est ni malin ni prévoyant, en gros qui le mérite.
Ceux-là sont aveugles et stupides.
La solitude et le rejet dont sont victimes ces syriens, hommes et femmes fuyant le poids de la folie prétentieuse de leurs dirigeants, existent aussi ici, en France.
Cela est moins spectaculaire, peut-être moins intense — bien que ce ne soit pas sûr — certainement plus sélectif, moins global.
Il est clair que la folie législative française, tout particulièrement fiscale, jette nombre de français dans une débâcle matérielle et morale qui, si elle ne se traduit pas immédiatement par un transfert massif de population, n’en est pas moins destructrice et mortifère pour eux.
Il y a ceux qui le vivent et ceux qui croient y échapper. Les premiers souffrent au delà de l’imaginable, les second se trompent lourdement ils finiront sur la route.
A un certain point de pression le poids du système jette les hommes dans la débâcle.
Chaque parcelle de pression supplémentaire, que celle-ci paraisse légitime ou non, rapproche le peuple qui la subit du point de bascule irréversible après lequel il ne reste que la fuite.
L’Etat est le plus grand meurtrier, depuis toujours et sans exception.
Cela est visible en Syrie, mais identique bien que moins visible en France.
Ceux qui fuient sont seuls, ils sont dénoncés et chassés de toutes parts, dans toutes les circonstances, présentes, passées et à venir.
Il n’est qu’une parade à cet état des choses : le moins d’Etat possible.
Le libéralisme, cet éternel mal compris, est la seule solution.
Il implique peu d’Etat et beaucoup de liberté, donc : pas de frontière. Si la propriété privée est respectée, il n’y a pas besoin de frontière.
C’est dire que l’avènement du libéralisme n’est pas pour demain. Demain, ce sera la fuite pour tous.
Bien cordialement. H. Dumas.