La classe dirigeante marche en file indienne, pliée en deux, et regardant par terre !
En 1979, Jacques Martin s’était produit dans un one-man show intitulé « Une case de vide » au théâtre de la Michodière à Paris. Dans l’un des sketchs, qui se déroulait à la Maison de la radio, il se présentait comme le directeur de cet organisme et marchait péniblement, plié en deux par un lumbago. L’apercevant ainsi, le directeur adjoint adoptait la même attitude, bientôt imité par tous les cadres de la maison. Et ce groupe de pliés en deux de tourner en rond, les uns derrière les autres, dans cet immeuble en colimaçon.
Je n’ai jamais cessé de penser à ce sketch, tant il a illustré, depuis ce presque demi-siècle, les mœurs de la classe dirigeante française. Et aujourd’hui plus que jamais pendant cette épidémie de covid qui n’en finit pas.
A son émission sur CNews, il y a quelques semaines, Pascal Praud avait donné la parole à un médecin généraliste de la région parisienne, qui avait guéri ses patients du covid en leur prescrivant de l’hydroxychloroquine et qui indiquait que plusieurs de ses confrères avaient obtenu des résultats identiques. Présent sur le plateau, le Dr Martin Blachier, qui n’est pas clinicien mais fait des statistiques, s’était empressé de dire, alors qu’on ne lui demandait rien, qu’il ne pouvait en aucune manière cautionner la thérapeutique de son confrère généraliste.
Ce qui se jouait, c’était la présence régulière de Blachier sur les plateaux de télévision. Strictement inconnu avant le covid, il s’était progressivement bâti une réputation de compétence auprès des journalistes et bénéficiait d’invitations très fréquentes.
On a immédiatement compris que Blachier connaissait parfaitement le code des invitations à la télévision. Il fallait être contre l’hydroxychloroquine, et donc contre Raoult, sinon on était aussitôt éjecté du cercle de gloire médiatique.
Les esprits logiques et sereins se demanderont pourquoi des médecins tiennent tellement à passer à la télévision alors qu’ils n’ont rien à vendre. La réponse est simple : ils éprouvent un sentiment que Bertrand de Jouvenel a défini comme « une délicieuse expansion du moi ». Aujourd’hui, les plateaux de télévision explosent sous la pression de tous ces moi accumulés et l’on a le plus grand mal à discerner ce qui s’y dit, sans qu’on perdre grand-chose, il faut bien le dire, dans ce tohu-bohu égotiste.
Et c’est ainsi que se forme l’opinion ! Mais dans cet étrange spectacle, il y a un grand absent : le peuple. Je ne sais par quel miracle les Français ont gardé leur bon sens et leur sang froid, mais il faut leur reconnaître des qualités rares. Certain les décrivent comme des moutons parce qu’ils ont accepté sereinement la vaccination et le pass sanitaire. A mon avis, ce jugement est trop sévère. Face aux incertitudes de la science, et tous risques bien pesés, les Français ont pensé qu’il y avait plus d’avantages que d’inconvénients à ces procédures et ils ont agi en conséquence.
Il n’en reste pas moins que le système médiatique français met la démocratie en grand danger. Nous sommes à cinq mois de l’élection présidentielle et le débat public a le plus grand mal à émerger du marécage où il barbote. Le maître-mot de la querelle médiatique est le racisme. On a vraiment l’impression que la France, pays le moins raciste au monde, est un immense champ de bataille où les blancs, les jaunes, les noirs et les métis se massacrent férocement du matin au soir et du soir au matin en poussant d’abominables hurlements.
Le plus cocasse est que la publicité télévisée dément avec éclat ces horribles circonstances en mettant en scène systématiquement des couples mixtes et des enfants aussi joyeux que colorés. Où vont-ils chercher tout cela, si l’on est un pays raciste ?
Tant que la classe dirigeante française marchera en file indienne, pliée deux et incapable, de ce fait, de regarder devant elle, nous aurons toutes les peines du monde à nous préparer un avenir digne de notre qualité d’homme. L’élection présidentielle est une occasion de la chasser. A la voir se débattre, on se dit que c’est une issue qu’elle craint vraiment. Raison de plus pour ne pas relâcher nos efforts !
Claude Reichman