Et si on faisait du datamining sur les dépenses publiques ?

Le gouvernement se réjouit bruyamment : la lutte contre la fraude fiscale est bien engagée et ça rapporte un max !

Il faut dire que le gouvernement s’est donné les moyens de ses ambitions avec la mise en place d’un système de traque fiscale très élaboré, mais gardé secret, par le biais de l’intelligence artificielle (appelée datamining) et elle a permis aux services fiscaux d’instruire 100.000 dossiers et d’encaisser 785 millions € de « droits et pénalités » !

Le progrès, nous dit-on, est considérable puisqu’en 2018, les recouvrements s’étaient limités à 342 millions. Le total des sommes récupérées au moyen des redressements fiscaux s’est élevé, quant à lui, à 9 Md € en 2019 en progression d’1.3 Md€.

Nos dirigeants, premier ministre en tête, plastronnent mais, au-delà des satisfécits du gouvernement, il faudrait examiner avec lucidité la réalité de la situation.

Le spectre de la faillite

La France étant un pays surendetté en état de faillite virtuelle, il doit, par tous les moyens, recouvrer l’impôt pour ne jamais stopper les flux de trésorerie. Une telle interruption signifierait en effet la mort de l’Etat fonctionnaire car les français découvriraient la réalité d’une situation qui leur est soigneusement dissimulée avec l’interruption du paiement des pensions et allocations diverses.

C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle on a mis en place le prélèvement à la source (PALS), qui ne correspondait à aucune nécessité réelle dans la mesure où le recouvrement de l’impôt sur le revenu atteint en France un niveau pratiquement inégalé de 98%. Le PALS a été mis en place, non pas par mesure de simplification et pour vous faciliter la vie, mais pour empêcher une révolte fiscale ou même seulement une simple résistance fiscale.

Vos impôts étant désormais payés par un tiers, qui n’a aucun intérêt personnel à ne pas les payer, l’Etat fonctionnaire est assuré de récupérer les sommes dont il a absolument besoin !

Ce schéma est en fait exactement le même avec les cotisations sociales des salariés qui sont payées par l’employeur.

Un énorme mensonge

D’un autre côté, l’Etat fonctionnaire a mis en place tous les moyens pour « lutter contre la fraude fiscale » vraie ou supposée c’est à dire en s’attaquant à l’autre bout du processus de recouvrement de l’impôt : ceux qui sont présumés ne pas vouloir accepter les règles du jeu décidées en haut lieu … sans leur accord !

L’argument bien connu est que les français sont d’odieux fraudeurs fiscaux, enfin certains d’entre-eux, et, compte tenu du déficit budgétaire constant et en aggravation, lequel est évidemment sans aucun rapport avec les dépenses inconsidérées des dirigeants, nos élites estiment, par un curieux procédé qui n’est qu’un biais de raisonnement, que le montant de la fraude est peu ou prou d’un montant identique au montant du déficit.

Autrement dit, lorsqu’il y a quelques années, le déficit budgétaire était de 70 Md €, le montant de la fraude fiscale était de 70 Md €.

Maintenant que le déficit budgétaire dépasse les 100 Md €, Bercy, la main sur le cœur, jure que la fraude fiscale est de 100 Md € !

Evidemment, les techniques d’appréciation du montant de la fraude fiscale relèvent essentiellement du pifomètre ou, si vous préférez une expression plus prosaïque, de l’appréciation politique.

De là à penser que le montant « apprécié » de la fraude fiscale sert de justificatif au montant du déficit budgétaire, lequel est avant tout le signe d’une mauvaise gestion des deniers publics, il n’y a qu’un pas que nous franchirons sans aucune hésitation.

Par ailleurs, eu égard au montant du budget français de 400 Md€ pour 2019, une fraude de 100 Md€ représenterait, pour un budget théorique de 500 Md€, une proportion de fraude de 20% ; ce qui est absolument impossible eu égard aux moyens mis en œuvre ; car en France, rien ne marche sauf le recouvrement des impôts !

Il faut être quand même conscient que si un € sur cinq d’impôt échappait au recouvrement, le système fiscal français serait une véritable passoire ; or, ce n’est évidemment pas la réputation qu’il a, pas plus que ce n’est le ressenti général !

La première conclusion qui s’impose est évidemment que la « vérité » qui nous est assénée à longueur de journées, par les représentants de l’Etat fonctionnaire et une presse subventionnée qui a largement dépassé le stade de la complaisance, n’est pas la « vraie vérité » !

Nous sommes face à une immense manipulation avec une cause supposée, mais fausse (le montant de la fraude), qui ne sert que de justification à la mise en place de la traque fiscale ; le tout dans le seul but de masquer l’incapacité de l’Etat fonctionnaire à gérer correctement les deniers publics !

Autrement dit, le gaspillage est généralisé, on est incapable de l’arrêter donc il faut augmenter sans cesse la pression fiscale et quoi de mieux pour la justifier qu’une augmentation de l’évaluation de la fraude fiscale !

Des moyens extraordinaires

Evidemment, pour parvenir à des résultats significatifs, l’Etat fonctionnaire doit « mettre le paquet » soit en hommes, qui vont sur le terrain et font les contrôles sur pièces (mais c’est lourd et lent), soit au moyen de technologies qui permettent de ratisser plus vite, plus large et partout, en toute discrétion …

D’où l’utilisation de l’intelligence artificielle dont le but est essentiellement de détecter les flux de trésorerie, les discordances entre les revenus déclarés et le train de vie, les mouvements de la population par des investigations sur les correspondances téléphoniques, les billets de trains, les abonnements dans des clubs (de sport ou non), les billets d’avion, les voyages à l’étranger, la géolocalisation de votre smart phone mais aussi sur vos cartes bancaires, vos comptes bancaires, vos achats (de bijoux et d’or notamment) ou la location de voitures de sport ou de luxe ; notamment afin de détecter des revenus non déclarés mais aussi les petits malins qui se déclarent non-résidents (et ne paient pas leurs impôts en France) mais pourtant y résident plus de 180 jours par an !

Tout y passe et à la fin, les services fixaux savent même qui vous fréquentez (notamment par le biais des réseaux sociaux mais pas seulement) !

Mais, rassurez-vous, le fisc et les services de Bercy ont juré qu’ils respectent scrupuleusement votre vie privée … tout ce qu’on vous demande, c’est d’obéir gentiment !

D’ailleurs, pour preuve de sa bonne foi, le gouvernement s’est engagé pour que l’administration agisse “en toute transparence. Elle n’utilisera pas de pseudonyme et ne s’infiltrera pas dans des cercles restreints des personnes”. Cet aspect des moyens utilisés avait suscité des réserves de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et vous donne une petite idée des moyens utilisés …

Mais, M Darmanin, ministre du budget, l’a dit lui-même : « Si vous n’avez pas fraudé, si vous n’avez rien à cacher, vous ne risquez rien ! ». M de la Palisse n’aurait pas dit mieux !

Le respect de la vie privée

Les développements de l’affaire Griveaux montrent que le pouvoir est très soucieux du respect de la vie privée … de ses membres !

Denis Olivennes, chroniqueur du POINT, PDG d’Europe I, ancien haut fonctionnaire, a pu opportunément rappeler que :

« L’idée de la protection de la vie privée est inséparable de celle des droits de l’homme. Elle en est le socle. Elle a été inventée par la France des Lumières pour protéger l’individu contre les inquisitions de l’absolutisme. Dès lors que vous n’enfreignez pas la loi, nul n’a le droit d’entrer dans votre intimité et de savoir ce que sont vos idées, vos propos, vos mœurs, vos rapports familiaux, amicaux, amoureux ou sexuels. »

Le problème est que, visiblement, ces règles issues de la Révolution et de la France des lumières, ne s’appliquent pas aux services fiscaux car la réalité est évidemment un peu moins idyllique … Il s’agit de mettre en place une surveillance généralisée de la population car comment détecter des fraudes sans entrer dans la vie privée des gens !

Cette pratique avait d’ailleurs commencé avec la lutte contre le terrorisme ; laquelle avait déjà donné lieu à la mise en place de lois (loi Sapin I et II) très intrusives dans la vie privée …

Car, la France est un pays surimposé, surfiscalisé et la révolte des gilets jaunes a montré qu’une fois atteint un certain seuil d’acceptabilité, il devient de plus en plus dur de faire rentrer l’impôt !

La protection des droits de l’individu ne pouvant exister en France face au pouvoir de l’Etat, il faut donc utiliser tous les procédés y compris les plus sophistiqués et les moins conventionnels !

Au-delà de la propagande habituelle des services fiscaux clamant l’efficacité incroyable de leurs pratiques, il faut avoir conscience qu’il s’agit aussi de faire peur car l’intimidation fait partie intégrante du mécanisme de recouvrement de l’impôt !

Vous noterez quand même qu’il ne nous est donné aucune indication sur les conditions dans lesquelles ces opérations sont faites, les protocoles de recherche utilisés, les cibles visées.

Par ailleurs, nous ne connaissons rien de la nature exacte des redressements opérés car s’il y a effectivement le fraudeur, le vrai, il y a aussi une quantité de redressements opérés sur des personnes de bonne foi qui soit se sont trompées soit carrément sont en désaccord avec la vision fiscale du fisc qui procède malheureusement trop souvent à des interprétations de nature à provoquer le redressement ; surtout que le fisc est juge et partie c’est à dire qu’il dispose de la « puissance exorbitante du droit commun » de donner une force exécutoire à ses propres décisions sans passer par la case tribunal !

Car, oui, en France, le fisc est juge et partie !

On peut donner pour exemple la CSG qui a eu une nature fluctuante (tantôt impôt tantôt cotisation sociale au gré d’une doctrine fiscale elle-même fluctuante au regard des besoins de faire payer cette CSG) avec des redressements abusifs confirmés par l’ensemble de la juridiction administrative ; avant que la CJUE de Luxembourg n’y mette fin avec l’arrêt de Ruyter …

Il n’y a pas d’hommes libres sans le droit au secret avec une exception vis-à-vis de l’Etat qui a le droit de tout savoir !

Le seul rempart qui nous reste est la somme colossale d’informations à traiter ; laquelle risque d’aboutir à un embouteillage des dossiers et un blocage du système… ce qui n’est pas très rassurant !

En fait, le véritable problème de l’Etat français c’est la mauvaise gestion, la gabegie généralisée avec une foule de profiteurs, grands et petits, du système à tous les stades de la hiérarchie.

En clair, on gaspille allégrement vos impôts qui ne sont jamais suffisants et pour faire court et utiliser une référence grecque : la France est le tonneau des Danaïdes !

Finalement, d’une manière tout à fait logique, et plutôt que de toujours augmenter les impôts, d’augmenter les moyens de la traque fiscale et les redressements, pourquoi n’utilise-t-on pas le datamining pour faire la chasse aux dépenses publiques inutiles, aux fonctionnaires en double ou en triple, aux profiteurs de tous poils, aux abus en tous genres, aux comités Théodule qui ne servent à rien ?

Pour une fois, ce serait vraiment rendre service aux français !

Le problème est, qu’évidemment, cela n’est pas prévu par le pouvoir et ses affidés …. On vous l’a dit : La transparence c’est pour les autres !

Bien cordialement à tous !

Licence de publication : La reproduction de cet article n’est autorisée qu’à la condition de le reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur et le site originel de publication.

 

 

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

5 réflexions sur « Et si on faisait du datamining sur les dépenses publiques ? »

  1. ca a commencé avec une sardine qui a bloqué un port
    puis un porc épique qui circulait ( ou plutôt empêchait la circulation) avec 90 iPhone
    et maintenant l’artificielle intelligence des neznarques qui nous disent circulez y’a rien a voir !!
    Une Intelligence Avenante logée comme une araignée au fond d’une base de données pense à eux, amoureusement, à chaque instant. Elle accueille sans se lasser, le plus infime, le plus intime, le plus insignifiant de leur comportement, l’interprète comme un désir secret, pour un jour pouvoir y répondre, au bon endroit et au bon moment.

    après le prélèvement la source maintenait c’est l impôt a leur sauce et la chasse aux divergeant qui ne rentrent pas dans la caste dirigeante

  2. D’autant qu’il est fort probable qu’il y es une ligne dans le budget, « fraude fiscal, telle montant », donc cela fait partis ,j’en suis sur d’une ligne budgétaire à part entière, un peu comme les pv de circulations,…

  3. La lutte contre la fraude de l’état qui promet et ne tient jamais ?
    une petite décimation des effectifs de Bercy à commencer par les plus hauts gradés et la chasse aux chargés de mission(s)

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