Encore un raté administratif : la CSS

Je vais évoquer avec vous un problème qui est actuellement totalement passé sous silence par l’ensemble des médias et que l’on pourrait appeler « Le faux miracle de la mutuelle santé solidaire gratuite ».

Rappel des faits :

Une nouvelle mutuelle complémentaire santé solidaire ou CSS est entrée en application depuis le 1er novembre 2019 à l’initiative du gouvernement.

Cette CSS est gratuite pour une personne ayant des revenus inférieurs à 8.951€ et elle coute 1€ par jour pour une personne ayant des revenus compris entre en 8.952 et 12.084€ par an.

Dans ce cadre, par décision du 08 janvier 2019, le ministère de la santé a établi la liste des mutuelles habilitées à participer à la gestion de la couverture maladie universelle complémentaire.

La demande d’affiliation doit se faire auprès de la CPAM, par courrier ou par le biais de votre compte Ameli ; réserve étant faite que les personnes bénéficiant de l’ancienne ACS (aide complémentaire santé) sont normalement affiliées automatiquement à la nouvelle CSS.

Je passerai brièvement sur les conditions à remplir pour pouvoir prétendre à la CSS, tout en précisant que :

Si vous êtes propriétaire de votre logement, vous devez ajouter (quelle que soit la taille ou la nature du logement) un loyer fictif de 67.17 € par mois à vos revenus annuels.

Les revenus de référence pris pour le calcul des droits sont ceux de l’année N-1 donc ceux de l’année 2019.

Si vous avez un patrimoine financier (actions, obligations, assurance vie), celui-ci est ajouté à vos revenus à raison d’un forfait de 3% du capital (mais les livrets règlementés tels que Livret A et LDD ne sont pas pris en compte).

Evidemment, pour les personnes à faibles revenus, l’adhésion à une mutuelle de ce type est très intéressante surtout lorsque l’on en connait le cout avec des barèmes qui augmentent avec l’âge des assurés ; ce cout étant une conséquence directe, mais non stipulée, de la « politique de réduction des couts de l’assurance maladie » engagée par les fonctionnaires de l’Etat avec de nombreux déremboursements ou des « reste à charge ».

Le rôle des mutuelles de santé est donc devenu prépondérant.

Les organismes concernés par la CSS :

Si la couverture santé est étatisée, les CPAM sont néanmoins des organismes de droit privé remplissant une mission de service public. Leurs ressources proviennent des cotisations des salariés et employeurs (et, depuis la fin du RSI, des travailleurs indépendants).

Les mutuelles sont des sociétés de personnes de droit privé à but non lucratif  dont les ressources proviennent exclusivement des cotisations de leurs membres. Elles agissent en complément des CPAM et remboursent tout ou partie des dépenses de santé qui ne sont pas prises en charge par les CPAM mais doivent équilibrer leurs comptes entre les cotisations collectées et les prestations versées.

L’initiative politique :

Dans leur immense bienveillance, nos dirigeants, toujours prompts à faire des promesses électoralement porteuses et à prendre des engagements pour les autres, ont donc décidé la mise en place de la CSS.

Le but de cette disposition est de faire bénéficier aux personnes les plus faibles économiquement d’une couverture santé gratuite ou bon marché avec le but évidemment louable d’éviter que certaines parties de la population ne renoncent aux soins par manque de moyens !

Il s’agit donc d’un objectif de santé publique !

Le problème est que cette démarche a un cout et qu’il convient de savoir qui doit le supporter !

Le problème économique :

Evidemment, on comprend aisément que la prise en charge de personnes soit ne cotisant pas soit payant des cotisations très inférieures aux cotisations « normales » représente un cout et celui-ci peut être très lourd ; surtout lorsqu’il s’agit de personnes âgées !

Cela signifie donc qu’il faut pouvoir dégager les ressources nécessaires car, vous l’avez compris, les mutuelles fonctionnent exclusivement à partir des cotisations de leurs membres.

En fait, on comprend très vite qu’assurer des gens qui ne paient pas n’est pas rentable et que les mutuelles ne se précipitent pas pour prendre en charge ces personnes ; surtout que le ministère de la santé évalue à 10 millions le nombre de personnes qui pourraient y prétendre (les bénéficiaires de l’ACS sont évalués à 7 millions) !

Il faut donc prévoir une augmentation de 3 millions des bénéficiaires et, en l’occurrence, il faut avoir bien conscience que l’Etat fonctionnaire a, avant tout, pris des engagements pour le compte des mutuelles de santé en décidant la mise en place de cette CSS gratuite ou partiellement gratuite.

Ça bloque quelque part !

Or, aujourd’hui, certaines personnes économiquement faibles (en l’occurrence il s’agit de personnes âgées sous tutelle) se retrouvent sans mutuelle parce qu’elles ont résilié (plus exactement le tuteur professionnel a résilié) leur mutuelle payante pour s’affilier à la mutuelle CSS mais, dans les faits, elles n’arrivent pas à s’affilier.

Et le pire, c’est que parfois le problème se pose avec la même mutuelle qui passe simplement de payante à gratuite !

Les effets induits sont évidemment désastreux car ces personnes à faibles revenus se retrouvent en situation de précarité, avec des frais de santé non pris en charge alors qu’ils peuvent être relativement importants, car les dossiers sont bloqués par les mutuelles sans qu’aucune explication ne leur soit donnée !

En recherchant une explication à cette situation, il s’avère que ce sont les mutuelles qui bloquent les dossiers surtout lorsque l’on découvre que la Mutualité (qui chapeaute les mutuelles santé) est en fait très réservée quant à l’efficacité de ce nouveau système.

L’un de ses membres a en effet déclaré :

« La Mutualité Française considère que le nouveau dispositif de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS), tel que proposé ne répond pas à l’enjeu majeur du recours aux soins pour tous.  Elle estime que le dispositif est mal calibré et complexe. Il continue de stigmatiser les populations bénéficiaires et enfin il est sous financé pour espérer un accompagnement par les mutuelles à la hauteur des besoins. »

Nous avons donc un début d’explication, même si c’est à mots couverts : la mutualité française n’est pas d’accord avec cette disposition qui est « sous financée » et elle traine les pieds !

Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il y a un problème de financement et que les mutuelles ne veulent pas être les dindons de la farce étatique des engagements pris par/pour autrui ; c’est à dire qu’elles ne veulent pas faire l’avance des dépenses de santé ou pire se retrouver à payer de leur poche les dépenses de santé des bénéficiaires de la CSS.

Elles refusent donc pour l’instant de les affilier ; ce qui permet d’évacuer temporairement le problème du remboursement des dépenses maladies de ces personnes.

Cela rappelle évidemment les ratés de la CMU (couverture maladie universelle gratuite) avec certains médecins qui refusaient de prendre en consultation des patients en bénéficiant.

Ce qu’il faut bien comprendre que quelqu’un devra payer ces frais de santé non contrebalancés par des cotisations et que, si ce n’est pas l’Etat, si ce n’est pas les bénéficiaires, ce seront fatalement les assurés « normaux » des mutuelles ; c’est à dire ceux qui paient leurs cotisations à « plein tarif » !

Il faut dire, à la défense des mutuelles, qu’il y a eu récemment un précédent fâcheux avec les primes accordée par l’Etat pour l’achat d’une voiture en échange de la destruction de vieux véhicules. Au début, les concessionnaires faisaient l’avance des primes promises par l’Etat mais l’Etat … ne payait pas ; ce qui fait que les concessionnaires se retrouvaient avec un encours de créances énorme mettant en péril leur propre entreprise.

Les règles de l’économie et de la survie financière étant ce qu’elles sont, les concessionnaires ont donc été dans l’obligation de bloquer les dossiers ; stoppant de ce fait le système puisque les gens qui comptaient sur la prime pour changer de voiture ne pouvaient pas le faire, faute de disposer de la prime !

Eh oui, car l’Etat fait beaucoup de promesses mais il est un mauvais payeur !

Conclusion :

Il ne faut jamais oublier que, lorsqu’un service est gratuit, c’est qu’il est en fait payé par un autre et ici c’est aux CPAM, via le financement de l’Etat, c’est à dire par le biais de nos impôts, de payer les cotisations dues aux mutuelles pour l’affiliation des bénéficiaires de la CSS.

Et si finalement l’Etat ne paie pas, ce seront les affiliés ordinaires des mutuelles qui devront en assumer la charge par le biais d’une augmentation de leurs cotisations !

Bien évidemment, on comprend que c’est par un souci de bonne gestion que les mutuelles renâclent ; elles ne veulent pas être de leur poche dans le cadre d’un système qu’elles n’ont pas décidé, et que finalement elles désapprouvent, et elles se voient mal trouver les arguments « appropriés » pour justifier, vis-à-vis de leurs membres affiliés, une (forte) augmentation des cotisations !

Certains professionnels de santé estiment même d’ores et déjà qu’il sera impossible, dans les faits, de s’affilier à cette CSS  !

Bien évidemment, cela finira bien un jour par s’arranger, surtout qu’on est en France n’est-ce pas, dans le pays où l’administration omniprésente sait imposer sa volonté implacable, mais le mythe de l’argent gratuit fait encore des ravages et cette fois-ci ce sont les plus faibles et les plus fragiles économiquement voire même physiquement et mentalement qui en sont les victimes.

Néanmoins, jamais aphorisme n’aura trouvé autant sa justification : “les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites ” !

Bien évidemment, si vous avez des renseignements à propos de cette question, n’hésitez pas à nous les faire connaître !

Bien cordialement à tous !

Licence de publication : la reproduction de cet article n’est autorisée qu’à la condition de le reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur ainsi que le site originel de publication.

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

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