Dette, dépenses : la faillite sereine de la France par philippe Lacoude.

En ordonnant un confinement parmi les plus stricts du monde et donc en mettant à l’arrêt notre économie, l’État a détruit l’économie et il sera difficile de revenir à notre niveau de vie de 2019.

UNE HAUSSE INEXORABLE DE LA DETTE PUBLIQUE

Au premier trimestre 2020, la dette publique a grimpé à 101,2 % du PIB. Le plafond des 100 % du PIB est donc franchi pour la quatrième fois, après les 100,3 % du troisième trimestre 2019.

Pourtant, cette fois, il ne suffira pas d’effets de calendrier – comme la forte saisonnalité des comptes publics – ou d’artifices comptables – comme les primes d’émission – pour la faire repasser en dessous de 100 %.

Il s’agit de la plus forte évolution trimestrielle depuis la crise de 2009. En valeur, elle s’élève désormais à 2438,5 milliards d’euros, en hausse de 58,4 milliards par rapport au trimestre précédent.

L’État est le principal contributeur à cette hausse vertigineuse. La dette négociable à long terme augmente de 52,8 milliards d’euros.

La contribution des administrations publiques locales à la dette augmente dans une moindre mesure (+3,3 milliards d’euros), notamment du fait de la Société du Grand Paris (+2,5 milliards).

De leur côté, les régions, les départements et les communes sont plus frugaux et n’accroissent leur endettement que de 0,9 milliard d’euros.

ET AVEC LE COVID-19 ?

Toutes ces dépenses extravagantes ont essentiellement eu lieu avant la crise du Covid-19.

Comme la publication en France de l’état des finances publiques a un retard considérable dans le temps, il convient donc d’ajouter les éléments supplémentaires d’avril, mai et juin pour esquisser la situation actuelle réelle.

Les 58 milliards d’euros de dette publique additionnelle ne comprennent qu’une toute petite fraction du plan d’urgence de plus de 110 milliards déjà « débloqué » depuis le début de la crise. En effet, ce plan date de la mi-avril.

À ceci, s’ajoutent les plus de 300 milliards d’euros de garanties de prêts pour les entreprises qui seront remboursés ultérieurement. Peut-être.

Il convient aussi d’inclure le nouvel effort de 40 milliards d’euros du gouvernement qui a décrété soutenir plusieurs secteurs particulièrement touchés par le confinement (automobile, tourisme, aéronautique…).

Ces 40 milliards tombés de l’arbre à pognon gratuit de Bercy s’ajoutent aux 18 milliards d’euros pour le tourisme8 milliards d’euros pour l’aéronautique et 8 milliards d’euros pour l’automobile (« débloqués » à la mi-mai).

Comme Air France était en grande santé, on lui a donné 7 milliards pour échapper à une faillite qui aurait probablement eu lieu tôt ou tard, même sans le Covid-19… Heureusement, les écologistes veillaient au grain et ont tout fait pour que cette manne soit la moins utile possible en y ajoutant des stipulations aussi prévisibles que parfaitement sottes comme les conditions environnementales (ici et ) et l’interdiction de certains vols intérieurs ().

En plus, le projet de la troisième (!) loi de finances rectificative (PLFR3) pour 2020 – et nous ne sommes qu’en juin ! – va vraisemblablement ajouter 13 milliards d’euros de crédits budgétaires et 12 milliards d’euros de garanties publiques supplémentaires (même si cette enveloppe compte probablement des dépenses déjà annoncées). Par exemple, le dispositif de chômage partiel, qui va être progressivement réduit, sera toutefois doté de 5 milliards supplémentaires par rapport au plus de 25 milliards déjà prévus.

Tout ceci est évidemment l’occasion d’amendements plus ou moins farfelus destinés à arroser les amis des députés. Une recherche des 1486 amendements par mots-clefs, disons « culture », « sport » ou « solidarité », est cocasse.

Fait amusant, le mot « vaccin » n’apparaît qu’une fois dans les 1486 amendements dans la phrase « deux ans après le début de l’épidémie en France, un vaccin pourrait être trouvé et que le port du masque serait moins indispensable. »

RECETTES EN CHUTE LIBRE

Inévitablement, après la chute de 5,3 % du PIB au premier trimestre selon l’INSEE, et le plongeon attendu de 20,0 % au deuxième, les recettes issues des prélèvements obligatoires – TVA, impôt sur les sociétés, cotisations… – sont en berne. Des mesures ridicules comme l’interdiction de verser des dividendes n’aideront pas les finances publiques.

Selon la PLFR3, ces recettes vont encore fondre de 27 milliards d’euros par rapport à la prévision du précédent budget rectifié.

DÉFICIT ET DETTE EN HAUSSE

Manque de recettes, explosion des dépenses. En conséquence, le déficit public pourrait se creuser à 11,4 % du PIB (contre les 9,1 % prévus à la mi-avril) et la dette publique s’envoler à 120,9 % du PIB d’ici à la fin de l’année.

Un tel niveau de dette augure mal du futur. Comme nous l’avions vu dans un précédent billet, dans leur papier controversé puis corrigé de 2010, les économistes Carmen Reinhart et Ken Rogoff de l’université de Harvard ont montré que les pays dont le ratio de dettes publiques rapportées au PIB était compris

  • entre 0% et 30% croissaient à 4,1% en moyenne,
  • entre 30% et 60% croissaient à 2,8 % en moyenne,
  • entre 60% et 90% croissaient à 2,8% en moyenne,
  • et au-delà de 90 % croissaient à peine à 2,2% en moyenne,

en tenant compte des corrections de Thomas Herndon, Michael Ash et Robert Pollin.

Les autres études similaires mènent aux mêmes conclusions : plus la dette publique d’un pays est élevée, moins l’économie croît. La dette est un boulet.

La France risque donc de connaitre des années de croissance encore plus atone. La réponse économique inadaptée du gouvernement à la crise va pousser à d’innombrables faillites. Les nouveaux impôts vont rendre la France toujours moins attractive, freiner l’investissement, accélérer l’émigration des plus entreprenants et conduire à des conflits sociaux très durs.

DETTE AU-DESSUS DE 100 % ET PIRE CROISSANCE DU G7

Contrairement à la pensée magique keynésienne, une forte relance de la dépense étatique ne conduit jamais à une hausse de la croissance : selon des recherches de la Banque centrale européenne lors de la dernière crise, lorsque le niveau de la dette d’un pays se situe entre 44 et 90 % du PIB, le multiplicateur fiscal sur l’activité économique est positif, mais probablement inférieur à un. Lorsque la dette dépasse 90 % du PIB, les multiplicateurs budgétaires tendent vers zéro : aucune activité économique n’émerge de la dépense.

Dans ces situations, une augmentation des déficits aujourd’hui réduit les dépenses privées demain, d’au moins le même montant.

De fait, les trois États les plus dépensiers – la France, l’Italie, et l’Espagne, tous largement au-dessus de 100 % de dette en pourcentage du PIB – vont connaître les trois pires récessions au monde en 2020, selon le FMI.

Notablement, la France est le pays où la croissance estimée par le FMI pour 2020 a connu la plus forte révision négative entre avril et juin.

Comme l’explique fort bien Politico« l’une des principales victimes de la pandémie de coronavirus en Europe a été son adhésion à l’économie de marché. La pandémie a ébréché les pierres angulaires de l’architecture économique du bloc, telles que les limites de la dette publique et des règles strictes en matière d’aides d’État, alors que les pays […] ont injecté des milliards dans leurs économies pour les maintenir à flot. »

Comme en 2009, la France sera l’un des pires élèves pendant la récession et pour les mêmes raisons…

Il est impossible de se remettre d’une chute de 12,5 % du PIB rapidement. Même si le scénario favorable du FMI se produisait en 2021, la France ne retrouverait pas son niveau de vie de 2019 avant l’année 2025. Avec ses déficits primaires considérables, sa dette en pourcentage de ce PIB amoindri exploserait : ceci conduira inévitablement à des arbitrages budgétaires qui ressembleront à de la boucherie.

UN DES PIRES CONFINEMENTS AU MONDE

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) le confinement de près de deux mois en France devrait coûter au pays quelque 120 milliards d’euros de pertes de revenus.

« Pendant le confinement, le produit intérieur brut (PIB) a été réduit de 32 %, ce qui correspond à cinq points de PIB pour l’ensemble de 2020. » L’observatoire a ajouté que « près de 60 % de la baisse du revenu national a été absorbée par les administrations publiques » et 35 % par les entreprises.

En clair, le secteur privé a tenté de bosser tant bien que mal pendant que le gouvernement lançait la police à ses trousses pour le verbaliser, réalisant un record mondial d’amendes.

Pendant que le gouverneur de Virginie de l’ouest conseillait à ses administrés d’aller à la pêche même sans permis, pendant que le gouverneur de l’Ohio autorisait la chasse à la dinde et que les Suisses partaient en randonnée, les Français étaient assignés à résidence avec des contraintes plus strictes que celles que l’État applique habituellement aux petits criminels qui pourrissent la vie des banlieues « festives ».

Selon les données de téléphonie cellulaire d’Apple (iPhone) et de Google (Android) agrégées par l’IHME, seuls deux pays dans le monde ont plus confiné leurs citoyens : Maurice et l’Équateur.

La France et ces deux pays sont les seuls au monde où la mobilité des citoyens a baissé de 85 % ou plus à un moment durant la période de janvier à aujourd’hui !

Et tout cela a très bien fonctionné. Ou, disons, a fonctionné comme le prévoit la science économique : l’État a prouvé qu’on ne peut pas à la fois créer de la valeur ajoutée et rester devant la télévision.

Pour des raisons de centralisme parisien – tout se décide à Paris – l’État a choisi le confinement total : son inefficacité (ici et ) a été aggravé par son caractère universel. Comme le montre l’INSEE, la mortalité n’a non seulement pas augmenté dans certains départements mais elle a même baissé comme dans l’Ariège, le Cantal, le Finistère, ou le Tarn-et-Garonne.

La carte des décès prouve clairement que les décisions politiques n’étaient pas appropriées à la situation du terrain à part dans certains départements d’Île-de-France et du Grand Est.

Avec son confinement indifférencié ubuesque, l’État a détruit l’économie.

Il ne peut même pas s’enorgueillir d’avoir sauvé des vies : à l’heure où j’écris ces lignes, la France est au triste sixième rang mondial en nombre de morts dus au Covid-19 avec 456 décès par million d’habitants contre seulement 386 pour les États-Unis, 226 pour la Suisse et le Canada, 108 pour l’Allemagne et 8 pour le Japon…

D’OÙ VIENT LE PROBLÈME ?

En temps de crise, la France ou, pour être plus précis, les hommes de l’État français ont toujours les résultats les plus déplorables.

Pourquoi ? Je pourrais en discourir longtemps mais je préfère conclure en forme de question.

Parmi ceux-ci, quel ministre des Finances ou du Budget, de gauche ou de droite,

  1. François Baroin
  2. Gérald Darmanin
  3. Bruno Le Maire
  4. Emmanuel Macron
  5. Arnaud Montebourg
  6. Pierre Moscovici
  7. Michel Sapin

a prononcé chacune de ces citations grotesques :

  1. « Il y a une phase où nous investissons beaucoup d’investissement public (sic) […] et nous excluons toute augmentation d’impôt pour financer cette dette. »
  2. « Une dette [publique] à 120% du PIB n’est pas en soi une catastrophe. »
  3. « La question des comptes publics est accessoire. »
  4. « La croissance zéro, ce n’est pas grave. »
  5. « Ces rumeurs sont totalement infondées et les trois agences, Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s ont confirmé qu’il n’y avait pas de risque de dégradation » de la note AAA de la dette française.
  6. Il faut « une Europe davantage intégrée » avec « une relance keynésienne au niveau européen, via un budget investissement élaboré au niveau de la zone euro. »
  7. « C’est parce que nos finances publiques étaient saines, […], c’est parce que nous avions fait des efforts économiques, […] que nous pouvons dépenser […] sans compter. »

C’est impossible à dire : ces moulins à parole sont aussi ineptes qu’interchangeables.

Tout le problème est là.

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Dette, dépenses : la faillite sereine de la France

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2 réflexions sur « Dette, dépenses : la faillite sereine de la France par philippe Lacoude. »

  1. Plus de fonctionnaires et collatéraux, plus d’élus, plus de commités Théodule, plus d’escrologistes, plus d’ingérences de l’état, moins de libertés publiques : voilà la « bonne » recette pour mener la France au succ… zut non! à la faillite

  2. Comment après toutes ses macroneries, ose-t-il continuer à jouer les fiers à bras, il est même capable d’applaudir à la faillite (y compris frauduleuse) de notre pays sans vergogne, pour quelle (dé)raisont peut-il être aussi imbu de sa petite personne ?

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