C’est sur le compte de Jim !
On devrait reprendre « Le gardien » à Paris. La pièce d’Harold Pinter ferait le plus grand bien aux Français. Ils pourraient enfin se voir tels qu’ils sont devenus.
« Le gardien » met en scène trois personnages qui exposent interminablement des projets qui ne verront jamais le jour. Davies, une sorte de clochard, scande le spectacle d’une injonction, toujours la même : « Il faut s’organiser ! » Et bien entendu rien ne s’organise ni ne se décide. Vous l’avez compris, même si Pinter est anglais, on est en France.
L’auteur ne visait pas un pays particulier, mais un comportement humain universel. Les trois personnages ne peuvent pas échapper à leur situation faute de volonté, et peut-être de capacité. Alors ils tournent en rond.
Comment ne pas voir à quel point cette pièce de théâtre est emblématique de la situation française actuelle ! Finalement les politiciens de notre pays – et sans doute de certains autres – face à l’épidémie, ont figé la vie parce qu’ils ne parvenaient pas à la changer. On ne leur demandait pourtant pas grand-chose. Diminuer le train de vie de l’administration, rendre efficace la Sécurité sociale, préparer le peuple à la faillite des retraites et instaurer un nouveau régime de pensions enfin viable. Bref rien qui soit hors de portée d’un politicien moyen. Mais les nôtres voyaient en face d’eux non pas des chemins malaisés mais une immense montagne, écrasante, inaccessible. Alors ils discouraient interminablement et nous promettaient, comme le clochard de Pinter, de « s’organiser » !
Le pire est qu’on en est toujours là. Nos dirigeants voient avec terreur l’épidémie suivre la pente saisonnière de toutes les infections respiratoires et s’éloigner doucement, laissant le peuple s’égayer dans les rues enfin ensoleillées de nos villes et former – qui sait ? – des projets qui ne plairont pas au pouvoir. Alors on agite la peur des nouveaux variants et on retarde autant qu’on peut la reprise d’une vie normale. « En responsabilité », répète de sa voix rocailleuse le premier ministre, comme le clochard de Pinter disait « Il faut s’organiser ».
« Une épidémie gérable est devenue une catastrophe », se désole un excellent – et lucide – scientifique. Il ne se trompe que sur un point : la catastrophe a été voulue. Tout ce que la France compte d’importants personnages émargeant au budget de l’Etat s’est ligué pour refuser aux Français leur droit le plus sacré : se soigner. Nos cent mille médecins généralistes ont subi une punition qu’ils ne pouvaient pas même imaginer. Ils ont été réduits à soigner clandestinement les infectés du virus, comme on soignait les maquisards blessés sous l’occupation. Et tout cela pourquoi, mon bon Monsieur ? Pour que le chèque de fin de mois vienne gentiment se nicher dans le compte de nos importants acharnés à le rester. Cette fois, c’est vrai, eux se sont organisés !
Pour l’instant, les tombereaux d’argent public emprunté continuent de se déverser sur la France ravie. Nos dirigeants ont tellement peur des Français qu’ils en sont à offrir des primes aux enseignants, qui ne sont certainement pas ceux de nos compatriotes qui ont le plus travaillé. Mais qu’importe, c’est sur le compte de Jim.
Jim est un joyeux Anglais que j’ai connu dans un petit hôtel des Baléares où je passais quelques jours de vacances il y a bien des années. Le vin n’était pas cher et Jim se régalait consciencieusement. A chaque fois que le serveur déposait un verre devant lui, Jim le levait à la santé de tous et s’écriait « Twenty two ». C’était le numéro de sa chambre. Certains pensionnaires de l’hôtel, croyant que Jim disait « A votre santé », lançaient eux aussi « Twenty two » à chacun de leurs nombreux verres de vin. Je vous laisse deviner la tête de Jim quand, à la fin de son séjour, on lui a présenté l’addition !
Françaises, Français, à la bonne vôtre. Pensez à Jim quand, à vous aussi, on présentera l’addition !
Claude Reichman
A la une du 29 mai 2021
C’est sur le compte de Jim !
On devrait reprendre « Le gardien » à Paris. La pièce d’Harold Pinter ferait le plus grand bien aux Français. Ils pourraient enfin se voir tels qu’ils sont devenus.
« Le gardien » met en scène trois personnages qui exposent interminablement des projets qui ne verront jamais le jour. Davies, une sorte de clochard, scande le spectacle d’une injonction, toujours la même : « Il faut s’organiser ! » Et bien entendu rien ne s’organise ni ne se décide. Vous l’avez compris, même si Pinter est anglais, on est en France.
L’auteur ne visait pas un pays particulier, mais un comportement humain universel. Les trois personnages ne peuvent pas échapper à leur situation faute de volonté, et peut-être de capacité. Alors ils tournent en rond.
Comment ne pas voir à quel point cette pièce de théâtre est emblématique de la situation française actuelle ! Finalement les politiciens de notre pays – et sans doute de certains autres – face à l’épidémie, ont figé la vie parce qu’ils ne parvenaient pas à la changer. On ne leur demandait pourtant pas grand-chose. Diminuer le train de vie de l’administration, rendre efficace la Sécurité sociale, préparer le peuple à la faillite des retraites et instaurer un nouveau régime de pensions enfin viable. Bref rien qui soit hors de portée d’un politicien moyen. Mais les nôtres voyaient en face d’eux non pas des chemins malaisés mais une immense montagne, écrasante, inaccessible. Alors ils discouraient interminablement et nous promettaient, comme le clochard de Pinter, de « s’organiser » !
Le pire est qu’on en est toujours là. Nos dirigeants voient avec terreur l’épidémie suivre la pente saisonnière de toutes les infections respiratoires et s’éloigner doucement, laissant le peuple s’égayer dans les rues enfin ensoleillées de nos villes et former – qui sait ? – des projets qui ne plairont pas au pouvoir. Alors on agite la peur des nouveaux variants et on retarde autant qu’on peut la reprise d’une vie normale. « En responsabilité », répète de sa voix rocailleuse le premier ministre, comme le clochard de Pinter disait « Il faut s’organiser ».
« Une épidémie gérable est devenue une catastrophe », se désole un excellent – et lucide – scientifique. Il ne se trompe que sur un point : la catastrophe a été voulue. Tout ce que la France compte d’importants personnages émargeant au budget de l’Etat s’est ligué pour refuser aux Français leur droit le plus sacré : se soigner. Nos cent mille médecins généralistes ont subi une punition qu’ils ne pouvaient pas même imaginer. Ils ont été réduits à soigner clandestinement les infectés du virus, comme on soignait les maquisards blessés sous l’occupation. Et tout cela pourquoi, mon bon Monsieur ? Pour que le chèque de fin de mois vienne gentiment se nicher dans le compte de nos importants acharnés à le rester. Cette fois, c’est vrai, eux se sont organisés !
Pour l’instant, les tombereaux d’argent public emprunté continuent de se déverser sur la France ravie. Nos dirigeants ont tellement peur des Français qu’ils en sont à offrir des primes aux enseignants, qui ne sont certainement pas ceux de nos compatriotes qui ont le plus travaillé. Mais qu’importe, c’est sur le compte de Jim.
Jim est un joyeux Anglais que j’ai connu dans un petit hôtel des Baléares où je passais quelques jours de vacances il y a bien des années. Le vin n’était pas cher et Jim se régalait consciencieusement. A chaque fois que le serveur déposait un verre devant lui, Jim le levait à la santé de tous et s’écriait « Twenty two ». C’était le numéro de sa chambre. Certains pensionnaires de l’hôtel, croyant que Jim disait « A votre santé », lançaient eux aussi « Twenty two » à chacun de leurs nombreux verres de vin. Je vous laisse deviner la tête de Jim quand, à la fin de son séjour, on lui a présenté l’addition !
Françaises, Français, à la bonne vôtre. Pensez à Jim quand, à vous aussi, on présentera l’addition !
Claude Reichman
A la une du 29 mai 2021
C’est sur le compte de Jim !
On devrait reprendre « Le gardien » à Paris. La pièce d’Harold Pinter ferait le plus grand bien aux Français. Ils pourraient enfin se voir tels qu’ils sont devenus.
« Le gardien » met en scène trois personnages qui exposent interminablement des projets qui ne verront jamais le jour. Davies, une sorte de clochard, scande le spectacle d’une injonction, toujours la même : « Il faut s’organiser ! » Et bien entendu rien ne s’organise ni ne se décide. Vous l’avez compris, même si Pinter est anglais, on est en France.
L’auteur ne visait pas un pays particulier, mais un comportement humain universel. Les trois personnages ne peuvent pas échapper à leur situation faute de volonté, et peut-être de capacité. Alors ils tournent en rond.
Comment ne pas voir à quel point cette pièce de théâtre est emblématique de la situation française actuelle ! Finalement les politiciens de notre pays – et sans doute de certains autres – face à l’épidémie, ont figé la vie parce qu’ils ne parvenaient pas à la changer. On ne leur demandait pourtant pas grand-chose. Diminuer le train de vie de l’administration, rendre efficace la Sécurité sociale, préparer le peuple à la faillite des retraites et instaurer un nouveau régime de pensions enfin viable. Bref rien qui soit hors de portée d’un politicien moyen. Mais les nôtres voyaient en face d’eux non pas des chemins malaisés mais une immense montagne, écrasante, inaccessible. Alors ils discouraient interminablement et nous promettaient, comme le clochard de Pinter, de « s’organiser » !
Le pire est qu’on en est toujours là. Nos dirigeants voient avec terreur l’épidémie suivre la pente saisonnière de toutes les infections respiratoires et s’éloigner doucement, laissant le peuple s’égayer dans les rues enfin ensoleillées de nos villes et former – qui sait ? – des projets qui ne plairont pas au pouvoir. Alors on agite la peur des nouveaux variants et on retarde autant qu’on peut la reprise d’une vie normale. « En responsabilité », répète de sa voix rocailleuse le premier ministre, comme le clochard de Pinter disait « Il faut s’organiser ».
« Une épidémie gérable est devenue une catastrophe », se désole un excellent – et lucide – scientifique. Il ne se trompe que sur un point : la catastrophe a été voulue. Tout ce que la France compte d’importants personnages émargeant au budget de l’Etat s’est ligué pour refuser aux Français leur droit le plus sacré : se soigner. Nos cent mille médecins généralistes ont subi une punition qu’ils ne pouvaient pas même imaginer. Ils ont été réduits à soigner clandestinement les infectés du virus, comme on soignait les maquisards blessés sous l’occupation. Et tout cela pourquoi, mon bon Monsieur ? Pour que le chèque de fin de mois vienne gentiment se nicher dans le compte de nos importants acharnés à le rester. Cette fois, c’est vrai, eux se sont organisés !
Pour l’instant, les tombereaux d’argent public emprunté continuent de se déverser sur la France ravie. Nos dirigeants ont tellement peur des Français qu’ils en sont à offrir des primes aux enseignants, qui ne sont certainement pas ceux de nos compatriotes qui ont le plus travaillé. Mais qu’importe, c’est sur le compte de Jim.
Jim est un joyeux Anglais que j’ai connu dans un petit hôtel des Baléares où je passais quelques jours de vacances il y a bien des années. Le vin n’était pas cher et Jim se régalait consciencieusement. A chaque fois que le serveur déposait un verre devant lui, Jim le levait à la santé de tous et s’écriait « Twenty two ». C’était le numéro de sa chambre. Certains pensionnaires de l’hôtel, croyant que Jim disait « A votre santé », lançaient eux aussi « Twenty two » à chacun de leurs nombreux verres de vin. Je vous laisse deviner la tête de Jim quand, à la fin de son séjour, on lui a présenté l’addition !
Françaises, Français, à la bonne vôtre. Pensez à Jim quand, à vous aussi, on présentera l’addition !
Claude Reichman