Bataille navale en vue

Grosse agitation aujourd’hui en baie de Saint Brieuc.   Les pêcheurs commencent, ainsi qu’ils l’avaient annoncé, leur action contre la prochaine implantation d’un parc éolien de 62 engins à 16 km des côtes.

La gendarmerie est omniprésente dans la région d’Erquy (port de pêche important dans la région) avec pour mission de bloquer les véhicules des pêcheurs (des fourgons en général) ; le but étant évidemment de gêner l’action et le rassemblement des pêcheurs !

Les bateaux des pêcheurs ont donc encerclé, symboliquement, le bateau (Aeolus) qui est arrivé les jours derniers dans le but de planter les pieux (par 30 m d’eau et des marées de 12 m d’amplitude) qui supporteront les éoliennes.

Plusieurs navires de guerre de la marine nationale, des douanes et des affaires maritimes sont d’ores et déjà sur place dans le but de « protéger » le chantier.

Les motifs invoqués par les pêcheurs sont plus ou moins écologiques ; ce qui est un comble à propos de ces éoliennes présentées elles-mêmes comme écologiques et implantées là en application des engagements du gouvernement (sous la présidence Sarkozy) !

Les pêcheurs y voient à juste raison une atteinte à leur outil de travail et réclament l’annulation de ce projet qui doit être mis en service fin 2023. Ils y voient une menace pour la biodiversité marine (homards, coquilles Saint-Jacques…) et les écologistes craignent la dispersion d’aluminium dans la chaîne alimentaire marine.

Cette action fait suite à un précédent acte de guérilla avec le jet d’un cocktail Molotov sur le site de Caroual, petit site balnéaire paisible près d’Erquy, où doivent arriver les énormes câbles électriques censés apporter le courant qui va être ensuite être envoyé vers un répartiteur situé près de Lamballe.

La pêche de la coquille St Jacques

Soyons clairs : les pêcheurs ne sont pas contre les éoliennes parce que ça ne fonctionne pas ou parce que cela coute cher !

Ils sont contre parce que le parc éolien va entrainer une zone d’exclusion considérable et va donc réduire leur possibilité de pèche de la coquille St Jacques ; et, dans la baie de St Brieuc, c’est un véritable business, très lucratif et extrêmement règlementé.

La pêche n’est autorisée qu’½ heure par jour (du 1er octobre au 15 mai) sous la surveillance d’un hélicoptère. La taille des prises est aussi règlementée (chaque coquille pêchée est mesurée avec une jauge).

On ne pèche donc pas la coquille comme on le veut, les infractions sont durement sanctionnées mais le braconnage reste fréquent.

Il faut ici rappeler que la pêche à la coquille n’a rien de naturel ; contrairement à l’idée généralement répandue.

D’une part, les dragues utilisées sont extrêmement destructrices des fonds marins (ce sont des anneaux métalliques avec des griffes qui fouillent les fonds et déterrent les coquilles) et d’autre part la coquille a bien failli disparaître dans les années 80 du fait de la surpêche.

L’épuisement de la ressource entrainait une diminution catastrophique des prises.

C’est l’Ifremer de Brest qui a sauvé le métier en organisant l’élevage du naissain (larves de coquille St Jacques) qui est ensuite (littéralement) semé en mer par millions !

C’est donc un produit d’aquaculture et une véritable industrie et les pêcheurs de coquilles ne sont donc que des agriculteurs de la mer qui récolent ce qui a été semé !

La coquille n’a donc plus rien d’un produit naturel mais est clairement un produit d’élevage comme pour les animaux de ferme (veaux, vaches, cochons …).

L’efficacité des éoliennes

Vous pourrez trouver toutes les informations techniques sur le site du constructeur.

C’est ici que nous touchons l’autre versant de la question de l’implantation d’un parc éolien en baie de Saint Brieuc.

On sait que l’éolien est le moyen de production électrique le plus cher après le photovoltaïque.

Le prix de revient du MW (mégawatt) éolien terrestre est d’environ 80€ alors que le MW nucléaire se situe à 40€ !

Mais, avec l’éolien marin nous touchons du doigt l’absurdité d’une décision politique prise de manière totalement irresponsable par des gens qui savent qu’ils n’auront pas à subir les conséquences de leur décision !

Le cout du MW éolien marin explose et se situe aux alentours de 200€ ; soit 5 fois plus cher que le nucléaire !

Autrement dit, l’électricité d’origine éolienne n’est absolument pas compétitive et ne peut fonctionner que dans le cadre d’un mécanisme de subventions massives !

En outre, sur le site du constructeur (Iberdrola – société espagnole qui a remporté l’appel d’offres), vous pourrez lire que ce parc éolien va produire 496 MW, avec 62 éoliennes de plus de 200 m ; soit la consommation électrique annuelle de 835.000 habitants.

C’est pour le moins une vision théorique et enchanteresse de la situation …

Le problème est que la puissance indiquée par Iberdrola est une puissance installée ; c’est à dire une puissance théorique partant du principe que les éoliennes fonctionnent en permanence.

Or, ce n’est pas du tout le cas : une éolienne fonctionne, au mieux, 20% du temps c’est à dire que 80% du temps elle ne produit … rien !

Il suffit de consulter le site d’Enedis pour constater que la plupart du temps les éoliennes du réseau ne produisent pratiquement rien (2 à 3 % du total).

Evidemment, la puissance indiquée est donc à diviser par 5 pour obtenir la puissance maximale effectivement disponible dans le meilleur des cas !

Dernier détail : le cout de l’installation est proprement pharaonique (2,5 Md€) et le parc n’aura qu’une vie de 20 ans (contre 60 pour une centrale nucléaire ou au gaz) !

Et devinez qui va payer le surcout de l’électricité de 150€ par MW ?

Vous, évidemment, dans votre facture d’électricité !

Pour l’instant, l’affrontement naval n’est pas encore d’actualité mais les autorités devraient se méfier du rejet par la population locale des projets parisiens et le précédent de Plogoff à propos de l’implantation d’une centrale nucléaire entre 1978 et 1981 est encore dans les mémoires dans la région !

Il ne faut jamais sous-estimer la capacité de rejet de la part de la population locale, où sont nés les bonnets rouges qui ont eu la peau de l’écotaxe et de ses portiques, qui soutiendra les pêcheurs ; et ce point n’a visiblement pas été pris en considération par les élites parisiennes !

Bien cordialement à tous !

Licence de publication : la reproduction de cet article est autorisée à la condition de la reprendre en totalité, d’en rappeler l’auteur et le site originel de publication.

 

 

 

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

2 réflexions sur « Bataille navale en vue »

  1. Donc les coquilles St Jacques et autres mollusques, crustacés et poissons bénéficieront d’un havre de paix aux pieds des éoliennes puisque les chalutiers ne pourront pas y racler les fonds avec des filets de 15 km de long, donc rien de mauvais pour la biodiversité bien au contraire.

    Dans une économie libérale idéale, la production d’électricité devrait relever de sociétés privées non subventionnées en concurrence qui produiraient le courant comme bon leur semblent que ce soit au moyen du nucléaire, de l’éolien, de l’hydraulique, du solaire, du gaz ou autre. S’il en été ainsi, on saurait depuis longtemps ce qui est rentable ou non et des idées nouvelles seraient certainement déjà apparues. La loi du marché aurait fait le tri.

    Mais l’état a décidé de monopoliser la production électrique et nous avons affaire à un mammouth inepte appelé EDF qui sert de pantoufle aussi bien aux ingés des grandes écoles qu’aux syndicalistes. Il semblerait que le nucléaire soit le moyen le plus rentable de produire du courant mais selon quels calculs, en intégrant quelles données ? Je serais étonné que Tchernobyl ou Fukushima aient été rentables.

    Il fut une époque ou le roi avait le monopole, le contrôle de la production et de la distribution du blé et de la farine et les famines étaient nombreuses. La pénurie et les hausses de prix de l’électricité nous menacent de la même manière.

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