Il faut avoir des principes et bien se conduire !
La France a beaucoup de mal à se trouver un chef. Celui qu’elle a est passablement démonétisé, et si tout le monde voudrait qu’il s’en aille, personne ne veut l’y contraindre. Les meilleurs analystes disent que son maintien est le prix à payer pour que soit sauvegardée la légitimité constitutionnelle. En réalité il reste parce que tout le monde veut que rien ne change. Non qu’on soit content. Mais finalement on ne vit pas si mal et même les gens déclassés bénéficient d’avantages matériels qui les maintiennent en assez bon état. Bref, encore un instant Monsieur le Bourreau. L’époque change, c’est vrai, mais plus cela sera lent, mieux cela sera.
Toutes les sociétés humaines ont connu de tels moments. Car le changement est ce qu’il y a de plus difficile pour l’homme. Il ne le supporte que lorsque le grand vent de l’histoire l’emporte. Que ce soit la destruction de son village par les gens d’un village voisin ou un conflit mondial à grands coups de bombes et de canons. Alors là, il faut changer. Parce qu’on n’a pas le choix. Il y a certes des révolutions tranquilles, que seuls les pays vraiment civilisés peuvent se permettre. Mais ce n’est vraiment pas la majorité des cas. Pour la France en ce moment, le seul espoir est une crise financière qui rendrait nos prêteurs plus exigeants sur nos devoirs. Mais ces prêteurs, étrangers pour un plus de la moitié d’entre eux, représentent de braves retraités qui n’ont pas envie que leurs sous subissent de trop rudes traitements. Donc, toujours et encore, rien ne bouge.
Qu’on ne se fasse quand même pas trop d’illusions. Cela va finir par bouger. Simplement parce que tout bouge sur terre. Même l’empire romain, même l’Eglise de France, même la Ligue de football, même la présidence de l’amicale bouliste, tout a bougé. Et si vous ne connaissez plus aucun chanteur ni aucun acteur, c’est que les anciens ont disparu et que vous êtes un peu out. Comme tout le monde en ce moment, qui est une époque de grand changement à cause des progrès techniques, qui d’ailleurs n’en sont peut-être pas mais qui chahutent fortement la société.
Tenez, prenez l’intelligence artificielle. Quelqu’un lui a-t-il demandé de réformer notre régime social ? Personne à ma connaissance, et d’ailleurs ce serait inutile parce que tout le monde sait ce qu’il faudrait faire. Ce n’est pas si difficile que cela de décider que dorénavant on ne vous prendra plus votre argent pour vous assurer contre tout et qu’on vous laissera le faire vous-même, avec l’aide des milliers d’organismes mutualistes qui existent dans tous les pays développés. C’est si simple qu’on a voté depuis des années toutes les lois pour le faire et qu’on n’ose pas les appliquer.
Je me souviens d’une réunion publique au Figaro où j’expliquais tout cela, que le patron du journal, Alexis Brézet approuvait fortement de la tête. Pour autant cet excellent journal ne fit pas la moindre campagne en ce sens. Avant qu’en ce mois de décembre 2025, peu de jours avant la venue du Père Noël, par une sorte de miracle divin, la charmante Bertille Bayart ne commît un cinglant éditorial intitulé « La Sécu, cette octogénaire qui dévore ses petits-enfants », dont la conclusion mérite vraiment d’être retenue : « Quatre-vingts ans après la création de la « Sécu », magnifique projet à l’époque, la dépense sociale dévore aujourd’hui les comptes publics, la fiche de paie des salariés et la compétitivité des entreprises. C’est l’avenir qu’on lui sacrifie. » Je ne ferai qu’un reproche à Bertille : la Sécu ne fut pas « un magnifique projet à l’époque », mais une « réforme » imposée à De Gaulle par le parti communiste, qui faisait « 28 % des voix aux élections et est armé », comme le confiait le général à un visiteur.
Le Figaro n’est pas toute la France, mais il compte. Pourquoi ne bouge-t-il pas plus ? Je citerai ce mot d’Henri de Castries, successeur de Claude Bébéar à la tête du premier assureur mondial, Axa, à qui je demandais, lors d’une réunion, pourquoi il ne mettait pas en œuvre les directives européennes libérant la protection sociale, et qui me répondit : « Nous n’avons pas les commandes », ce qui signifiait qu’il ne dirigeait pas l’Etat. Ce qui était stupéfiant puisqu’il ne s’agissait que d’appliquer des lois ! La famille Dassault était présente à cette réunion, ainsi qu’une belle panoplie de ministres et de dirigeants de sociétés, et rien ne se produisit. Est-ce normal, Docteur ?
Non, ce n’est pas normal, et cela signe le mal. La France est malade de son pouvoir. Sans lui, rien ne bouge, mais avec lui rien ne bouge non plus. Voilà donc ce qu’il faut changer dans notre pays, probablement en retirant du pouvoir au président et en en confiant davantage aux élus, qu’il faudrait réduire à 200 députés, ce qui serait bien suffisant pour un pays de 67 millions d’habitants. Gouverner est avant tout un exercice de confiance. Les citoyens feront de bon cœur ce qu’ils ont consenti en toute liberté et en toute intelligence. Les discours haineux disparaîtront d’eux-mêmes dans un pays bien gouverné. Tout comme dans une famille où on cesse de s’engueuler quand on se met d’accord en confiance. Certains diront que cela ne se décrète pas et ils auront raison. Mais cela se mérite quand on a des principes et qu’on se conduit bien.
Claude Reichman
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