Henri DUMAS
(à moins que ce ne soit, cette fois, Claude REICHMAN ? L’un ou l’autre, comme on voudra ; de toute manière, « c’est la même maison ! »)
ADMIRABLEMENT vérifié par…
Louis PASTEUR VALLERY-RADOT
(petit-fils de Louis PASTEUR)
ou
A quoi bon faire une feuille de soins,
quand on peut très bien suivre une feuille de route ?
[TEXTE CAPITAL à LIRE, à CONSERVER et à DIFFUSER]
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QUESTION : Décrite par ses historiens ou ses propagandistes actuels comme la cause première (voire, unique) du progrès médical en France, notre Sécurité Sociale, tant enviée des autres humains, mais fort peu imitée ailleurs, n’a-t-elle pas été pour autant perçue à ses débuts (et cela, par d’éminents praticiens eux-mêmes) comme un danger véritable, pour ne pas dire : redoutable ?
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AFFIRMATION :
Henri DUMAS. Revenons à la Sécu. Billet publié le 3 mars 2018 sur le blog : « Témoignage Fiscal » :
« La sécu a persuadé la majorité des médecins que sans elle, ils n’existeraient pas, ils n’auraient pas de malade. Dans le même temps, elle a persuadé les malades que, sans elle, il n’y aurait pas de médecin ou qu’ils seraient inacessibles. Que donc, la santé : c’est la sécu. Cette absurdité ne résiste pas à l’analyse. Le médecin et le malade n’ont besoin de personne pour se rencontrer. Sauf dans le cas où le médecin préfère l’argent à la médecine et où le malade n’est pas malade. Dans ce cas particulier, la sécu prend tout son sens, elle s’épanouit. A tel point qu’elle génère une foultitude de vocations parasites qui creusent hardiment ce que l’on appelle le « trou de la sécu ». En réalité, dans la pratique, le lien direct entre le malade et le médecin ayant été atrophié par la sécu, les deux se regardent en chiens de faïence. Le premier prend le second pour un employé de la sécu à son service. Le second prend le premier pour un morceau du revenu mensuel que la sécu prétend lui assurer, ou dans lequel il pense qu’elle le cantonne. La raison de la rencontre entre les deux, le soin de la maladie, passe en second plan. C’est absurde et grave. »
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ILLUSTRATION :
[N.B. (Sébastien MILLERAND) : C’est nous qui soulignons les passages importants.]
Louis PASTEUR VALLERY-RADOT. Danger d’étatiser la médecine.
ADMIRABLE TEXTE, écrit en 1945. Il figure dans la troisième partie (« Médecine française, médecine humaine ») du recueil intitulé : Héros de l’Esprit français. (Paris, Amiot-Dumont, 1952) :
[Intégralité des pages 161 à 168]:
« Une ordonnance du 19 octobre 1945 sur les assurances sociales a profondément ému le corps médical par les articles qui touchent à l’exercice de la médecine.
Le législateur, dans une louable intention, veut que tous les travailleurs, quelle que soit leur profession, participent aux avantages que donnent les assurances sociales. Il étudie les conditions les meilleures à cette participation. Malheureusement, l’ordonnance, si elle était appliquée, irait à l’encontre du but qu’il se propose, car elle ne tend à rien de moins qu’à ravaler l’exercice de la médecine à un rang que les médecins ne peuvent admettre. Ce serait la déchéance de tout ce qui fait la dignité de leur profession.
Le législateur a fait fausse route, parce que son point de départ est faux : pour lui, la médecine est une science exacte ; elle peut donc être pratiquée d’une façon égale par tout médecin. L’exercice de la médecine doit être, en conséquence, réglementé, tarifé, contrôlé.
Voilà l’erreur ! Malgré les progrès considérables effectués depuis cinquante ans, progrès dus à l’apport de la physiologie, de la bactériologie, de la physico-chimie, la médecine n’est pas devenue une science exacte. Un diagnostic ne se fait pas comme on résout un problème simple d’algèbre. Ici, peu importent les mathématiciens qui s’essaient à trouver la solution, le résultat obtenu sera toujours le même ; au contraire, en clinique humaine, la personnalité du médecin est d’importance capitale : le diagnostic et le traitement qui s’ensuivra différeront selon les cliniciens qui auront observé le malade. Si la médecine est devenue une science par ses moyens d’étude, elle est restée un art par ses procédés d’application.
Je voudrais essayer d’analyser le processus intellectuel, singulièrement complexe, que nécessite l’examen d’un malade : ainsi comprendra-t-on combien importe la personnalité du médecin, ce dont fait fi le législateur.
En présence d’un malade, le médecin doit d’abord mener l’interrogatoire comme le ferait un juge d’instruction. Il doit être attentif à un mot, une description, un souvenir. Il doit saisir l’essentiel. Si le patient se perd dans des détails sans importance, il doit le ramener aux faits principaux. Dans le labyrinthe où le médecin risque de se perdre, il lui faut trouver le vrai chemin. De quelle sagacité ne doit-il pas faire preuve !
Mais ceci ne constitue qu’un début. L’interrogatoire terminé, l’examen clinique commence. Il s’agit d’examiner d’abord l’organe vers lequel le malade a attiré l’attention. Puis il faut faire l’examen des autres organes systématiquement, en notant avec soin les moindres signes observés. Rien ne peut être laissé dans l’ombre, sous peine de faire une grave erreur de diagnostic. Les matériaux cliniques accumulés, il faut maintenant les assembler en leur donnant une hiérarchie, mettant en vedette les signes majeurs autour desquels gravitent les mineurs.
Après ce travail d’analyse vient celui de synthèse, qui aboutit à une de ces trois solutions : le diagnostic peut être affirmé ; ou bien le diagnostic a besoin d’être confirmé par des examens complémentaires (examens bactériologiques, chimiques, biologiques ou radiologiques) ; ou bien encore le diagnostic est impossible sans l’aide de ces examens.
Dans ces deux dernières hypothèses, le médecin doit guider les investigations de l’homme de laboratoire. C’est lui qui doit dire au technicien quelles recherches il doit effectuer. Tant d’examens peuvent être pratiqués dans les humeurs de l’organisme que l’on ne saurait concevoir un médecin n’indiquant pas au biologiste ou au chimiste les analyses à entreprendre.
Ces examens complémentaires étant faits, voici le dernier acte, le plus important de tous : le médecin doit confronter ses constatations cliniques avec les résultats du laboratoire ou les films radiologiques. C’est alors qu’il doit faire preuve de discernement, plus encore qu’aux étapes précédentes. Les résultats biologiques ou les films devront être examinés sans négliger les symptômes observés ; l’erreur du médecin, en cas d’hésitation, serait de faire table rase de la clinique. Dans cette dernière étape, si le médecin n’a pas de jugement, il s’expose aux pires erreurs.
Le diagnostic étant posé, il s’agit d’établir un traitement. Ici encore, ici surtout, il faut que le médecin fasse preuve d’esprit critique.
Je ne sais pas de profession où il faille témoigner de plus de logique et de plus de discernement que la profession médicale. Aussi s’étonne-t-on de voir le législateur, dans son ordonnance, ne tenir aucun compte de la personnalité du médecin.
Pour être bon technicien, il ne suffit pas d’avoir fait de sérieuses études, il faut encore avoir du bon sens : voilà pourquoi la médecine n’est pas exercée « indifféremment » par tous.
Le législateur a tort de croire que l’acte médical peut être contrôlé. Il ne peut l’être que dans des cas exceptionnels de faute professionnelle grave. Comment, ainsi que le propose le législateur, un médecin désigné par le « directeur régional de la Santé » pourrait-il être amené à trancher un débat concernant un diagnostic ou un traitement ? Comment jugerait-il les prescriptions des médecins homéopathes ? La proposition de faire de ce médecin un arbitre fait sourire.
C’était jusqu’à présent la supériorité de la médecine française de laisser à tout médecin sa liberté de jugement. Désormais, il sera contrôlé ! Sur quelles bases ?
Nous autres, qui avons la charge d’enseigner la clinique aux jeunes, nous n’affirmons jamais un diagnostic : nous laissons à nos élèves la liberté de discuter, nous savons que nous ne sommes pas infaillibles et qu’il n’est rien d’absolu en médecine, car la médecine-n’en déplaise au législateur-n’est pas une science exacte. Le praticien n’aurait donc qu’à s’incliner désormais devant « l’expert » ? Nous voilà à la mesure de l’Allemagne d’avant-guerre, où les professeurs affirmaient « ex cathedra » ! Notre esprit français a été formé à une autre école, à celle des Descartes, des Claude Bernard, des Renan, des Paul Valéry, et c’est là sa grandeur, ne l’oublions pas.
Le législateur a été, avec une logique imperturbable, jusqu’au bout de son erreur : ne tenant pas compte de la personnalité intellectuelle du médecin, il n’a pas plus d’égards pour sa personnalité morale. L’acte médical sera tarifé, de même que la vente d’une denrée. Bien plus, le tarif sera le même, quel que soit l’acte médical : ainsi, pour le législateur, n’y-a-il nulle différence entre la difficulté du diagnostic d’un panaris et la difficulté du diagnostic d’une lithiase vésiculaire ?
Ceci n’est pas tout. Lisez cet article de l’ordonnance : « Les médecins sont tenus, dans toutes leurs prescriptions, d’observer, dans le cadre de la législation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec l’efficacité du traitement. » C’est un peu comme si l’on disait : « Les épiciers sont tenus de donner à leurs clients les denrées les plus économiques, compatible avec le minimum de calories jugées indispensables. »
Ainsi, le médecin devra s’abstenir de prescrire tel médicament qu’il jugera plus efficace qu’un autre, de peur de passer devant le tribunal de contrôle !
Comme cette absence de liberté laissée au médecin, cette méfiance vis-à-vis de lui, ces prix tarifés, ces assujettissements à d’impossibles contrôles choquent la conscience professionnelle ! Et surtout, combien toutes ces mesures sont préjudiciables à la santé publique ! S’imagine-t-on qu’ils seront bien soignés, ces malades qui passeront devant le médecin comme des numéros et seront examinés au plus vite par lui ?
Le législateur a oublié que, pour le médecin, les qualités du coeur sont aussi importantes que le savoir. Il n’a sans doute jamais rencontré ces médecins de famille, qui sont les conseillers et les amis de leurs clients. Il n’a sans doute jamais vu à l’oeuvre des médecins de campagne, ou ces médecins de quartier des grandes villes, qui sont nuit et jour sur la brèche, qui se donnent à leur métier de plein coeur, qui compatissent à toutes les souffrances, aussi bien morales que physiques, qui sont anxieux de leurs malades jusqu’à l’angoisse quand ils se sentent impuissants à leur venir en aide. S’il avait connu ces médecins, qui sont toute conscience et tout dévouement, il aurait compris que le médecin a une personnalité qui importe et que la médecine ne doit pas s’exercer comme un vulgaire « métier », avec tarifs et contrôles. Non seulement il n’a pas conçu ce qu’est l’esprit de la médecine, mais il en a négligé l’âme.
Sans doute, dans une prochaine ordonnance, ne laissera-t-il plus au malade le libre choix du médecin : à quoi bon ? Tous les médecins, à ses yeux, se valent. Il sera donc naturel que les malades de la rue Y s’adressent au médecin numéro Z. Ce médecin numéro Z sera astreint à ne soigner que les malades de cette rue Y.
Un jour, sans doute, les fonctionnaires-médecins seront-ils tenus de travailler X heures par jour et à voir par heure X malades qui leur seront désignés ; ils seront rétribués par l’Etat et attendront la retraite des fonctionnaires. Ce jour-là, les médecins seront-ils plus heureux et les malades mieux soignés qu’ils ne le sont aujourd’hui ? J’en doute. Mais ce que je sais, et ce que savent avec moi tous les praticiens qui ont été à l’école des Trousseau, des Dieulafoy, des Potain, des Widal, des Sergent, et qui ont le respect et l’amour de leur art, c’est qu’on est en train de tuer la médecine française. »
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