Une fiction fiscale ? Non, une révolution !

Dans mon article du 06 juillet 2016 https://www.temoignagefiscal.com/une-fiction-fiscale-par-philos/ je vous avais raconté mes démêlés avec l’administration fiscale depuis le 1er janvier 2013 en raison de l’adoption, dans la loi de finances pour 2013, d’un article 9 insérant des dispositions fiscales nouvelles dans l’article 125A du CGI (code général des impôts).

Sans entrer dans les détails, je rappellerai juste que cet article 125A a créé une situation tout à fait nouvelle en ce que :

  • il a mis en application une sorte de système de prélèvement à la source concernant les placements de revenus à taux fixe qui a abouti à faire payer d’avance un impôt forfaitaire à un taux arbitrairement fixé à 24% lors du détachement du coupon.
  • ce système a aboutit à faire payer avec un an d’avance une provision fiscale bien supérieure au montant réel de mes impôts puisque ce prélèvement s’est appliqué à compter du 1 janvier 2013 pour des revenus normalement imposables en 2014.
  • l’excédent prélevé, s’il y a lieu, est normalement restitué au contribuable environ 18 mois à 2 ans plus tard !

Le contribuable qui a eu la sagesse ou la prudence d’économiser et de placer son patrimoine se trouve donc soumis à un impôt forfaitaire prélevé d’avance, très largement supérieur à l’impôt réellement dû in fine et, ainsi que j’ai eu l’occasion de le formuler, l’Etat a ainsi trouvé une méthode extrêmement commode pour se constituer, aux frais dudit contribuable, une trésorerie gratuite, un crédit revolving renouvelable !

Sed lex – dura lex ainsi que le disaient les romains !

Or, cerise sur le gâteau, j’ai eu la surprise de constater en 2014, lors de l’établissement de mon avis d’imposition, que le Trésor Public comptabilisait ce prélèvement fiscal dans mes revenus imposables ; ce qui aboutissait à me faire payer des impôts sur des impôts !

Autrement dit, le prélèvement fiscal de l’article 125A était devenu par la magie fiscale un revenu !

C’est un peu comme si vous expliquiez à un salarié que, du fait d’un prélèvement fiscal nouveau, il ne percevra aucun salaire pendant le premier trimestre de l’année civile (puisque 24% équivalent à ¼ soit un trimestre) mais que l’année prochaine il devra comptabiliser ces salaires non perçus dans ses revenus imposables et qu’enfin il paiera des impôts sur ces salaires non perçus !

La France est devenue un paradis fiscal pour l’Etat et un enfer fiscal pour les contribuables !

Je dois quand même préciser que le prélèvement est organisé de telle façon qu’il intervient en amont et que, de ce fait, je n’ai jamais vu la couleur de ces revenus disparus sous forme d’impôt !

Evidement, j’ai contesté la comptabilisation de cet impôt dans mes revenus et, devant la résistance du Trésor Public, j’ai saisi le Tribunal administratif.

L’audience s’est tenue le 11 janvier 2017.

Je viens de recevoir le jugement ; et le gagnant est ………le Trésor Public !

Etonnant non ?

Le Tribunal administratif a adopté, en tous ses termes, la thèse de l’administration fiscale !

Vous trouverez en pièce jointe le pdf de ce jugement en cliquant sur le lien : numérisation0003

J’ai 2 mois pour interjeter appel mais comme l’intérêt de la cause s’élève à 1.123 € (montant de l’imposition supplémentaire résultant de la pratique du Trésor public) et que les honoraires d’avocat (il est obligatoire devant la cour administrative d’appel) sont très largement supérieurs ; je ne ferai pas appel.

Encore une fois, l’Etat a gagné et il a gagné par forfait dans une partie truquée !

Bravo !

Le problème est que le système est faussé car bien évidemment les juges administratifs savent tout cela et ils ont donc évacué le dossier en sachant que celui-ci va disparaître pour le plus grand bien des finances déplorables de l’Etat qui se trouverait, en cas de condamnation, dans l’obligation de restituer à l’ensemble des contribuables des sommes probablement pas très importantes mais néanmoins pas négligeables et de leurs carrières car condamner l’Etat en matière fiscale c’est quasiment porter atteinte à l’intégrité de l’Etat lui-même et c’est évidemment très mal vu !

Quant au fond de l’affaire : il est certain qu’il doit y avoir un gagnant et un perdant et que le perdant est forcément mécontent !

Seulement, dans cette affaire, le plus incroyable c’est que la thèse du Trésor Public se réduit à un syllogisme dont je vous communique les éléments :

  • le prélèvement de l’article 125A constitue un acompte d’impôt sur le revenu prélevé à la source et ce prélèvement s’impute sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année au cours de laquelle il a été opéré,
  • l’article 153 du CGI stipule que « l’impôt sur le revenu n’est pas déductible des revenus auxquels il s’applique »
  • de ce fait, comme le prélèvement de l’article 125A est un acompte d’impôt sur le revenu, il n’est pas déductible des revenus !

Or, si vous prenez la peine de lire l’article 125A dans sa nouvelle rédaction vous y chercherez vainement les éléments de ce syllogisme car :

  • nulle part il n’est parlé d’acompte d’impôt sur le revenu,
  • nulle part il n’y est dit que le prélèvement de l’art 125A constitue un acompte d’impôt sur le revenu,
  • Il n’a nulle part été stipulé que l’impôt provisionnel prélevé d’autorité et d’avance devait être comptabilisé dans les revenus imposables,
  • nulle part il n’est parlé d’impôt sur le revenu (sauf au §V qui prévoit l’imputation du prélèvement sur l’impôt sur le revenu)
  • nulle part il n’est fait référence à un impôt non déductible,
  • nulle part il n’est fait référence à l’article 153 du CGI
  • nulle part Il n’est fait référence à un prélèvement à la source.

Et, bien évidemment, je n’ai pas manqué de soulever ces différents points à l’audience et de plaider que ce prélèvement nouveau avait un nature particulière, qu’il n’était pas l’impôt sur le revenu, ni un acompte de celui-ci, et qu’il ne devait pas être comptabilisé dans les revenus imposables, que le Trésor Public stipulait outre le texte … mais le tribunal n’en n’a absolument pas tenu compte !

De ce fait, le Tribunal administratif a refusé de constater que le texte ne permettait pas au Trésor Public d’interpréter le texte de l’article 125A comme il l’a fait ; notamment en prétendant, à propos du prélèvement, qu’il s’agissait d’un acompte d’impôt sur le revenu ; ce qui ne figure nulle part dans le texte de l’article 125A !

Le seul point litigieux pourrait être la référence au §V qui prévoit l’imputation du prélèvement sur l’impôt sur le revenu définitif … mais le tribunal ne l’a même pas relevé !

De ce fait, le tribunal a violé un principe élémentaire du droit français selon lequel l’administration ne peut agir que sur le fondement d’un texte qui doit expressément l’autoriser a agir et, qu’en cas de conflit, le juge doit d’abord rechercher le texte en vertu duquel l’administration a agi et vérifier qu’elle l’a bien respecté !

Le tribunal a bien fait référence au texte de l’article 125A puisqu’il est rappelé in extenso mais il n’en n’a tiré aucune conséquence !

Par ailleurs, j’ai abordé aussi, dans mes conclusions, le problème de ce prélèvement et de son imputation sous l’angle des mathématiques en exposant au tribunal la situation d’un contribuable qui disposerait de 25.000 € de revenus constitué exclusivement par des placements visés par l’article 125A et qui subirait un prélèvement de 100%.

Pour ceux qui ne sont pas familiers des raisonnements mathématiques, je vous rappelle qu’un raisonnement mathématique n’est valable que s’il est vérifié dans tous les cas de figure et qu’en cas d’application d’un pourcentage, la modification du pourcentage ne doit pas aboutir à un changement de raisonnement.

Ainsi donc, dans l’hypothèse où le prélèvement serait porté de 24 à 100% (rien de l’interdit car après tout le taux a été fixé arbitrairement) on se trouverait donc dans la situation suivante :

– revenus bruts                                     25.000

– prélèvement fiscal                           25.000

– net perçu                                                        0

A ce stade,

– selon moi      revenu imposable                 0

– selon le fisc  revenu imposable       25.000

Sans sourciller, le tribunal a choisi la solution du Trésor public selon laquelle 25.000 – 25.000 = 25.000 c’est à dire que le contribuable soumis à un tel prélèvement n’aurait aucun revenu mais se trouverait néanmoins imposable pour des revenus absolument fictifs à hauteur de 25.000 € !

Mes sentiments oscillent entre l’incompréhension et l’admiration car, rendez-vous compte nous assistons à une véritable révolution, à un changement de paradigme !

25.000 – 25.000 n’est plus égal à 0 mais à 25.000 !

Ce problème digne d’un élève de CE1 n’a pas été compris par le tribunal (3 juges quand même).

Je nourris les plus grandes craintes à propos de la généralisation du prélèvement à la source en 2018 car je pense que nous n’avons pas fini de rire … enfin façon de parler car on peut difficilement aller plus loin dans la spoliation fiscale !

Nous nous trouvons donc en présence d’un système verrouillé à propos duquel il n’est pas inutile de rappeler que les juges administratifs sont des fonctionnaires issus de l’ENA et qu’à ce titre ils sont les instruments plus ou moins conscients d’un système dont le but essentiel est de protéger les intérêts de l’Etat au mépris de ceux du citoyen qui n’est en l’occurrence qu’un administré !

Dans ce blog, nous persistons à prétendre que la justice administrative n’assure pas la garantie des droits du contribuable dans la mesure où le juge administratif n’a pas pour mission de protéger les intérêts du contribuable mais exclusivement ceux de l’Etat !

A mon avis, démonstration en est une nouvelle fois faite !

Cela m’amènera à une remarque acerbe : Nous citoyens et contribuables ordinaires n’avons pas les moyens des hommes politiques de compenser, par une hausse de nos revenus, grâce à de petits procédés à la limite de la légalité, les effets désastreux d’une fiscalité confiscatoire !

Evidemment, ce sont là les méthodes d’un Etat aux abois qui essaie de trouver des ressources fiscales à tout prix ; légitimées par une justice « aux ordres » !

Seulement, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’écrire au Trésor Public ainsi qu’aux services de Bercy, l’extorsion fiscale est un exercice qui trouve très vite ses limites !

A bon entendeur …

Bien cordialement.

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

5 réflexions sur « Une fiction fiscale ? Non, une révolution ! »

  1. Bjr,
    Je retiens une phrase: »l’administration ne peut agir que sur le fondement d’un texte qui doit expressément l’autoriser a agir »
    Le hic c’est les kapos du fisc ne peuvent fournir un texte légal fondant leur redressement puisqu’ils créent ces redressements de toutes pièces sans les justifier par des textes.

    J’ai une contrôleuse des impôts Mme Michèle T. sur la DGFP de Bordeaux qui m’affirme que « ma bonne foi n’est pas en cause » mais qui pour motiver son redressement supprime des éléments composant mes frais réels sans justifier les raisons légales de ces suppressions!

    Quand je fournis les textes légaux et que je lui demande de procéder de même, c’est silence radio ou refus!

    Il est clair qu’elle ne pourra jamais justifier ses suppressions si ce n’est de créer un I.R. là où il y en a pas.

    Fermez le ban!
    @+

  2. Bonjour Philo et Henry et à tous ,

    L’impôt fictif vous heurte ?
    Hélas c’est la généralité de ce système qui va même au delà car moi je parle d’impôt confiscatoire : PLUS d’IMPÎOT QUE LA BASE concernée ( suivez l’exemple ci-dessous car c’est légal et rien à dire ou à faire)

    1er point : La SA « x » est vérifiée .
    2èmement : Le vérificateur pour une fois a raison ( je ne parle pas des cas ou il a tort)
    3èmement : Il rappelle en BASE et considérons donc que c’est exact ( ex recettes dissimulées) 1000 000 € ( c’est fréquent dans la restauration car les dissimulations de recettes se répartissent à 90 % entre salaires payés au blacks que le fisc ne veut pas voir et 10 % réellement pris par le gérant .)
    4èmement : CONCLUSION :Rappels IS en impôt pour la société 330 000 e et distribution de bénéfices majorés de 25 % pour non adhésion à une AGA déclarant des revenus « cochons » ( recettes non comptabilisées) au gérant 1 million d’euros = 1,25 taxés à 45 % IR + 15 % CSG = 750 000 € en impôt
    5èmement : puisque c’est pas bien , le tout est majoré de 40 % de mauvaise foi .
    5èmement : RESULTAT en impôt majorés 1512 000 + intérêt de retard ( pour faire court 8 %) TOTAL MIRACULEUX de 1630 000 € d’impôt pour une base de 1000 000 d’impôt .
    AH !!!! J’oubliais la TVA + taux de 10 % = 100 000 majoré de 40 % = 140 000
    MIRACLE DE JESUS ET DES PETITS PAINS : BING pour près de 1800 000 en impôt pour 1 million en base
    QUI PEUT ME CONTREDIRE ? C’EST LEGAL

    1. Bonjour Francis
      Mon cas n’est même pas exceptionnel …
      Un jour, il n’y a pas si longtemps (3 ans) j’ai expliqué à un vieil ami convaincu par le hollandisme (il en est un peu revenu depuis) qu’il y a 18.000 foyers fiscaux en france qui paient plus d’impôts qu’ils n’ont de revenus !
      Il en était attéré et non comprenait pas comment celà était possible !
      Et pourtant, ça n’inquiète personne !
      L’Etat français a aussi été sanctionné par le Conseil Constitutionnel (suite à une QPC) parce qu’il essayait de faire comptabiliser dans les revenus imposables de certains contribuables des plus values latentes qui évidemment ne sont pas encore réalisées (c’est leur définition).
      Après on s’étonne que les contribuables massacrés fiscalement cherchent des cieux plus cléments !!!

  3. Très intéressant
    Mécaniquement bien sûr, mais aussi psychologiquement.
    Comment les magistrats arrivent-ils à se motiver pour s’assoir à la fois sur la logique et sur la loi dans le cadre de la levée d’impôts fictifs ?
    Enfin comment font-ils pour rester indifférents aux effets dévastateurs que leur attitude provoque chez les victimes ?
    Autant de choses que j’ai beaucoup de mal à comprendre.

  4. ouais ..
    on n’est pas sortis de auberge hollandais avec Eckert tapis au coin du sapin !
    plus que quelque mois a tenir et ca repart en anal-macronisme !

    une class action mais a l’américaine pas a la sauce Hamon ..une vrai , dure et tatouée ! – pas du genre .. je me suis fais spolier par les FAI , on me fais payer un débit IP titres bas , une redevance avec même pas le TV alors que la pub vante du x-mega .. et la les organisation de consommateurs ..

    tra-la-la , on s’occupe de tout .. ils font un deal entre avocat pour arrêter leur action (perso) et nous on a quoi ca continue ..a se faire baiser !

    genre prenez de l’EDF .. on fait du tarif règlemente des ak , de l »uramin , on reprends des activités d’autres groupe déficitaires ..
    l’état palpe un max de dividende et les pp en moins value l’on dans l’ os !

    oui le monde ne tourne pas rond..magistra-le-MENT , ils ne sont pas éjectables , et ceux qui parachutes par l’armée de Bercy et qui ont fait l’école des ânes ne sont aps prêt de quitter leur sièges..
    on n’est pas sur TF1, tournez petit mangé tant que la musiqué chantonne
    info .
    On compte 1 373 magistrats administratifs en France au 1er janvier 2016 : membres du Conseil d’État, du corps des 42 tribunaux administratifs ou des 8 cours administratives d’appel… Ce chiffre comprend les « membres du corps » en activité dans la juridiction administrative ou à l’extérieur (18% environ en détachement, mise à disposition, etc.) et les personnes accueillies en détachement (42).
    Rémunération
    Les salaires vont de 2 800 euros par mois en début de carrière (3 100 euros pour les énarques dont les années de formation sont comptées comme ancienneté) à 6 400 euros en fin de carrière.

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