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Le programme des Gilets jaunes n’est pas libéral

Le mouvement de Gilets jaunes rassemble une immense quantité de Français, de toutes conditions, autour d’un espoir de changement et d’une amélioration de la qualité de vie, essentiellement grâce à un l’obtention d’un meilleur pouvoir d’achat.

Ce que l’on présente comme le « programme » ou les « revendications » des Gilets Jaunes  est extrêmement protéiforme. Ce qui s’en dégage quand même est le dirigisme économique. Malheureusement le « dirigisme économique » n’est porteur d’aucun espoir, d’aucune amélioration de la qualité de vie ou épanouissement personnel, ni d’aucun accroissement du pouvoir d’achat. Au contraire, si nous en sommes là aujourd’hui c’est à cause de plusieurs décennies de dirigisme économique.

Il est judicieux de le faire remonter aux ordonnances du CNR de 1945/46 qui mirent la France sur la voie du collectivisme. Sur la Route de la servitude pour reprendre Hayek. Il y eu des coups d’accélérateur. Mai 68 et les Accords de Grenelle payés en monnaie de singe parce qu’ils firent entrer la France dans l’inflation et le chômage. Le choc pétrolier qui suivit la guerre du Kippour qui vit l’État se lancer dans une fuite éperdue dans le dirigisme, le déficit budgétaire et la dette. (Le dernier budget équilibré date de 1974). La crise dite des « subprime » qui servit de prétexte pour accroître l’interventionnisme, les prélèvements obligatoires, la dette, et fustiger la « finance » et la « mondialisation » boucs émissaires idéaux. Pour boucler la boucle nous n’oublierons pas le Grenelle de l’environnement qui, grâce à la mise en place de l’écologie punitive, aggravât en vert le totalitarisme rouge clair du pays.

Si l’effet du dirigisme, qui est la misère universelle, est bien identifié, c’est ce « ce qu’on voit », la cause qui est la « spoliation légale » ne l’est pas, «c’est « ce qu’on ne voit pas ». Les dites « revendications », comme les « experts » consultés depuis le 17 novembre, ne proposent comme solution de sortie de crise que de déplacer la « spoliation légale » sur d’autres épaules. (Les « riches », Total, les GAFA, taxer les transactions financières, taxer la livraison à domicile de colis d’Amazon, rétablir l’ISF, verser aux uns des primes piquées à d’autres etc…) Bastiat avait bien deviné cela : « Aussitôt que les classes déshéritées ont recouvré leurs droits politiques, la première pensée qui les saisit n’est pas de se délivrer de la spoliation (…) mais d’organiser, contre les autres classes et à leur propre détriment, un système de représailles, — comme s’il fallait, avant que le règne de la justice arrive, qu’une cruelle rétribution vînt les frapper toutes, les unes à cause de leur iniquité, les autres à cause de leur ignorance. » La Loi (1850). Peu de gens réalisent que, à ce petit jeu où chacun se débarrasse sur autrui de la patate chaude de la spoliation légale, tout le monde finit par perdre. Au départ les uns gagnent les autres perdent … et vice versa. À la fin du jeu tout le monde a perdu. Quand les gens s’en rendent compte cela donne la révolte des Gilets jaunes avec 80% de soutien populaire.

Attardons nous sur cet élément capital qu’est « la spoliation légale » :
« C’est ce qui est arrivé. La chimère du jour est d’enrichir toutes les classes aux dépens les unes des autres; c’est de généraliser la Spoliation sous prétexte de l’organiser. Or, la spoliation légale peut s’exercer d’une multitude infinie de manières; de là une multitude infinie de plans d’organisation: tarifs, protection, primes, subventions, encouragements, impôt progressif, instruction gratuite, Droit au travail, Droit au profit, Droit au salaire, Droit à l’assistance, Droit aux instruments de travail, gratuité du crédit, etc. Et c’est l’ensemble de tous ces plans, en ce qu’ils ont de commun, la spoliation légale, qui prend le nom de Socialisme.  » La Loi (1850). La spoliation légale entraîne une perversion de la loi. Nous ne sommes plus dans un État de Droit parce que la loi organise ce qu’elle devrait combattre : les atteintes aux droits naturels des personnes qui sont la Propriété, la Liberté, la Personnalité. « elle a converti la Spoliation en Droit, pour la protéger, et la légitime défense en crime, pour la punir. » La Loi (1850). Même légal un vol reste un vol et le pillage légal des ressources des gens un pillage. Les conséquences sont pires que s’ils étaient illégaux.

Ces conséquences sont la pénurie et la misère : pas de travail pour 6 millions de personnes, des centaines de milliers de SDF et de mal logés, la pénurie dans le domaine de la Santé, des retraites de misère conséquence inéluctable de la répartition, des pauvres, des nouveaux pauvres et des travailleurs pauvres, des salaires de pitié, presque un quart de Français en découvert bancaire en fin de mois, etc…Mais ce n’est pas tout « Est-il besoin de prouver que cette odieuse perversion de la Loi est une cause perpétuelle de haine, de discorde, pouvant aller jusqu’à la désorganisation sociale? » La loi (1850)
Haine, discorde, désorganisation sociale, nous sommes aujourd’hui, en France en plein dedans.

Il n’y a qu’un responsable c’est l’étatisme

Répondre à la souffrance des Français, à leur désespoir, à leur détresse matérielle et morale, que la politique qui les a plongés dans la misère, décidée par de soi-disant élites, est la bonne relève de l’égarement. La justifier en disant que, grâce à cette politique, qui les fait crever aujourd’hui, dans 30 ou 50 ans la planète sera sauvée, la fin du monde évitée et que leurs enfants et petits enfants respireront un air pur, alors qu’ils ont dès aujourd’hui sur leur tête une dette de 35000 euros est un délire total. L’oligarchie n’a plus aucun sens des réalités. Finir par annuler des hausses de taxes ne résout rien.

La Libération fut une occasion manquée de mettre la France sur le chemin de la liberté économique. Le premier choc pétrolier et la crise des « subprime » en furent deux autres. Il est à craindre que la colère des Gilets jaunes n’en soit une quatrième. Pour s’en sortir il faut avoir les pieds sur terre et revenir aux fondamentaux de justice et prospérité, très bien définis par Bastiat : il est impossible d’organiser une société juste et harmonieuse sur le vol.

Revenons à la requête principale qui est l’amélioration du pouvoir d’achat. Dans pouvoir d’achat il y a deux éléments : les sous, tout le monde connaît et la liberté d’acheter légalement un « service », au sens Bastiat ( objet, service au sens classique, plaisir culturel etc…)

« Les sous » c’est facile à comprendre. Il y en a, il est possible d’acheter. Il n’y en a pas, il est impossible d’acheter. Le problème est que l’État confisque les sous des Français à qui il ne reste que les miettes de ce qu’ils gagnent. 48% des richesses crées sont volées par l’État. (Il est en plus dispendieux : il dépense l’équivalent de 57% du PIB). Pour trouver des sous il ne sert à rien de déplacer le curseur de la spoliation légale, ni de répartir différemment son poids. Il faut que l’État rende l’argent aux personnes. Cela s’appelle le salaire complet pour les salariés, le chiffre d’affaire diminué des frais nécessaires à l’exercice de la profession pour les non salariés et la totalité de leur pension pour les pensionnés. Cela double presque le salaire net avec lequel les gens ont l’habitude de raisonner. Gageons que chacun en fera meilleur usage qu’un ministre.
Une fois l’argent rendu d’une main il ne faut pas que l’État le reprenne de l’autre. Il est indispensable de remette à plat la fiscalité. Bastiat plaide pour un seul impôt faible et strictement proportionnel. ( Un petit rappel utile : Agnès Verdier Molinié recensait dans son livre « On va dans le mur » 360 impôts en 2015. Macron en a créé 11 depuis juin 2017. Pour mémoire Hollande en avait créé 28 entres 2012 et 2013 et Sarkozy 31 durant son mandat.)

Le pouvoir d’acheter un service impose de définir ce qui est du domaine de l’État et de ce qui est du domaine des gens. Aucun politicien n’a été capable de réaliser cette partition et par conséquent de baisser les dépenses publiques. C’est donc aux gens de le faire. Cela s’appelle le libre choix. Pour qu’il puisse s’exercer, (maintenant que les Français ont tous leurs sous), il doit être mis fin aux monopoles publics. C’est à dire que les gens doivent pouvoir choisir entre le « Service public et les services privés » dans les domaines de la santé, des retraites, de l’éducation, etc… Cela implique de revenir sur les ordonnances de 45/46. Revenir sur les ordonnances rendrait l’échange du service « travail » libre alors qu’aujourd’hui le travail libre est illégal et interdit. Cela s’appelle le « travail au noir ». Il ne faut pas s’étonner que les entraves au travail induisent un chômage de masse structurel.

Toutes les prétendues réformes reposent sur le triptyque : je perds, tu gagne ; je gagne, tu perds ; tout le monde perd. Autrement dit toute prétendue réforme se fait aux dépens de quelqu’un d’autre d’où l’existence d’une opposition systématique. « D’un côté, les Droits acquis se soulèvent et se coalisent; on répugne à froisser une foule d’existences auxquelles on a donné une vie artificielle. D’un autre côté, le public a désappris à agir par lui-même. Au moment de reconquérir cette liberté qu’il a si ardemment poursuivie, il en a peur, il la repousse. Allez donc lui offrir la liberté d’enseignement? Il croira que toute science va s’éteindre. Allez donc lui offrir la liberté religieuse? Il croira que l’athéisme va tout envahir. On lui a tant dit et répété que toute religion, toute sagesse, toute science, toute lumière, toute morale réside dans l’État ou en découle! » Frédéric Bastiat Services privés, service public (1850)

Il manque les réformes vraies, gagnant-gagnant. En voici trois à mettre en œuvre en premier : intégralité des revenus, un seul impôt faible et proportionnel, fin des monopoles publics. « Il faut décharger la charrette avant de fouetter les chevaux » et il faut vaincre la peur.

N’importe qui de sensé peut appliquer ces mesures. On lit parfois que le quinquennat de Macron est fini. Quitte à manger son chapeau autant qu’il prenne enfin les bonnes décisions. Il y gagnera en sauvant ce qui peut l’être de son mandat et les Français gagneront en retrouvant le chemin de la prospérité.

08/12/2018
Patrick de Casanove
Président du Cercle Frédéric Bastiat.

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