→ En moyenne, les Français ont travaillé 207 jours pour l’État en 2016. Que vous inspire ce chiffre ?
C’est un bien triste record, dans un pays qui se prétend le pays de la liberté!
D’après les chiffres publiés par Contribuables associés, le chiffre concernant la France constitue presque un record du monde (seule la Finlande ayant un jour de libération fiscale plus éloigné dans l’année). C’est un bien triste record, dans un pays qui se prétend le pays de la liberté !
L’impôt, en effet, est imposé, comme son nom l’indique bien. Il est donc l’expression de la contrainte par laquelle les droits de propriété des citoyens sont attaqués et cette contrainte, pour être légale, n’en est pas moins une contrainte. Or, il n’y a pas de liberté sans respect des droits de propriété légitimes résultant des efforts des individus pour créer des richesses.
C’est pourquoi il n’est pas excessif de dire que les Français sont des esclaves fiscaux. Il n’y a en effet pas de différence entre la situation d’un esclave et celle d’un citoyen qui se voit privé de la plus grande partie des fruits de ses efforts.
Il faut d’ailleurs ajouter que le poids réel de l’impôt supporté par les citoyens est supérieur à ce qu’indique ce chiffre. En effet, du fait de cette spoliation légale, beaucoup d’individus sont incités à diminuer leurs efforts productifs. Si le poids de la fiscalité était beaucoup plus faible, ils auraient beaucoup plus de bien-être d’une part parce qu’ils produiraient plus et d’autre part parce qu’ils seraient moins imposés.
Célébrera-t-on un jour l’abolition de l’esclavage fiscal ?
Il faut aussi ajouter que ce chiffre n’est qu’une moyenne, mais que le jour de libération fiscale est beaucoup plus éloigné pour un certain nombre de contribuables du fait de la progressivité de l’impôt (mais aussi de quelques autres impôts tels que l’ISF).
Pour ceux qui sont les plus talentueux, les plus innovateurs, les plus disposés à faire des efforts le jour de libération fiscale peut être très proche du 31 décembre ! Comment une société peut-elle accepter une telle tyrannie ? Chaque année on célèbre l’abolition de l’esclavage. Célébrera-t-on un jour l’abolition de l’esclavage fiscal ?
→ Les dépenses publiques engloutissent 56,6% de notre PIB. Pourquoi la France dépense-t-elle autant pour sa sphère publique en comparaison de ses voisins ?
Il n’y a, évidemment, aucune justification à une telle différence entre la France et les autres pays et il clair qu’on ne vit pas mieux en France, bien au contraire. Il est difficile d’expliquer parfaitement pourquoi il en est ainsi dans un pays qui a connu dans le passé de belles périodes de liberté et où des penseurs de grand talent ont diffusé dans le monde des idées favorables à la liberté.
Le problème est d’abord un problème idéologique parce que ce sont maintenant les idées favorables à l’interventionnisme étatique qui sont prédominantes et le fait que l’Etat bénéficie du monopole de l’éducation n’y est pas étranger. Un immense effort de formation aux idées de la liberté serait donc nécessaire.
Tous les politiciens ont naturellement tendance à accroître les dépenses publiques, donc leurs pouvoirs
Mais il y a aussi des raisons pratiques à ce record français. En effet, tous les politiciens ont naturellement tendance à accroître les dépenses publiques, donc leurs pouvoirs (et éventuellement leur bien-être). Pour obtenir une majorité de voix aux élections tout en poursuivant cet objectif, ils ont intérêt à distribuer des privilèges, mais en cherchant par ailleurs à minimiser le nombre de personnes hostiles aux impôts qu’ils prélèvent.
Pour cela il est habile – mais immoral – de mécontenter une minorité d’électeurs en recourant à l’impôt progressif ou de recourir à des impôts cachés, c’est-à-dire des impôts que la plupart des gens paient sans le savoir (par exemple la TVA).
→ L’excès de dépenses publiques est-il une des explications du manque de compétitivité de la France ?
Le problème français n’est pas essentiellement un problème de compétitivité vis-à-vis de l’extérieur. En effet les prix sont dans une large mesure déterminés sur les marchés mondiaux et ils s’imposent en tant que tels aux producteurs français qui doivent, s’ils paient des impôts à taux élevés, réduire d’autant les rémunérations et les profits.
Il est vain d’imaginer que la France pourra retrouver la prospérité sans une diminution considérable et rapide des dépenses publiques et des impôts.
Le véritable problème causé par ce montant exorbitant de dépenses publiques et d’impôts est un problème intérieur. Il vient de ce que cet excès détruit les incitations productives des individus : les incitations à travailler, à entreprendre, à innover, à épargner, à investir sont d’autant plus réduites que la fiscalité prélève une part plus importante du produit de ces efforts. Il est vain d’imaginer que la France pourra retrouver la prospérité sans une diminution considérable et rapide des dépenses publiques et des impôts.
→ Quelles solutions préconiseriez-vous pour réduire le poids gigantesque des dépenses publiques ?
Beaucoup d’activités actuellement monopolisées par l’Etat et les collectivités locales pourraient être prises en charge de manière beaucoup plus efficace par le secteur privé. Il conviendrait donc d’engager un très large programme de privatisations (par exemple établir la concurrence dans l’assurance-maladie ou l’éducation).
L’une des difficultés de la situation française vient du statut de la fonction publique
Mais il faudrait aussi un vaste programme de déréglementation. En effet, les réglementations sont nuisibles non seulement parce qu’elles paralysent les activités productives et déresponsabilisent les individus, mais aussi parce qu’elles impliquent de financer des fonctionnaires innombrables pour contrôler le respect de ces réglementations.
L’une des difficultés de la situation française vient certes du statut de la fonction publique qui rend difficile une diminution rapide du nombre de fonctionnaires. Il conviendrait certainement de le modifier, mais dans l’immédiat on pourrait imaginer que l’Etat se transforme en une sorte d’entreprise de travail par interim qui louerait au secteur privé les services qui pourraient lui être rendus par des fonctionnaires devenus inutiles dans la fonction publique.
Propos recueillis par Benjamin Izarn et publié dans Contribuables Associés.
« La tyrannie fiscale » par Pascal Salin, Éditions Odile Jacob, 331 pages – janvier 2014.