A l’origine, généralement, il y a peu de monde. Puis, si l’évènement initié prend de l’ampleur, petit à petit quelques autres, puis une foule, voire l’humanité s’intéressent au déroulement de la situation issue de l’origine.
Mais alors ils perdent de vue l’origine, et toutes les incompréhensions sont possibles.
Je prends un exemple personnel.
Nous sommes en 1970, la grande distribution prend son envol. Il se trouve qu’à Rochefort sur mer je deviens alors l’architecte et l’ami du créateur du centre Leclerc local. Dans le même temps, à travers la Jeune Chambre Economique dont je suis membre, je suis proche d’un homme qui s’appelle Jean Louis Frot. Celui-ci est président de la Chambre de Commerce de la ville, opticien tonique il a des ambitions politiques. Il deviendra maire de Rochefort et le restera plus de vingt ans.
J’avais personnellement pris fait et cause pour la grande distribution, dont l’évidence pour moi s’imposait, qui a mis la consommation à la portée du plus grand nombre à cette époque en éradiquant les grossistes et demi-grossistes issus de la pénurie et de la pauvreté. Jean-Louis Frot était de l’avis contraire, il souhaitait entraver la grande distribution.
Un soir nous en avons débattu et, connaissant mes convictions, il m’a déclaré : « Tant que j’aurai une influence à Rochefort sur mer, il n’y aura jamais d’extension du Centre Leclerc. »
Je fus alors confondu par cette conclusion que je considérais comme un manque total de lucidité.
Cette conversation, où nous n’étions que deux, doit être considérée comme l’origine d’une tenace animosité publique entre nous, dont avec le temps je fus rendu seul responsable, qui a eu des conséquences sur la vie politique de la cité.
Cet homme aujourd’hui décédé n’a jamais progressé quant à sa lucidité, mais il a grimpé les échelons du pouvoir.
Toutes ses décisions ont été malheureuses, maladroitement je l’ai signalé. Du haut de son pouvoir il m’a stigmatisé, tout le monde m’a donné tort. J’ai quitté Rochefort par hasard, heureusement.
Ceux qui jugeaient ne connaissaient pas l’origine de la brouille, ils en jugèrent les apparences sans prendre conscience de l’insoluble dilemme visionnaire qui se reproduisait inlassablement, presqu’en tout.
Le final vaut son pesant de cacahuètes. D’abord le gars Frot a fini par mettre une succursale de son magasin d’optique dans la galerie marchande du Centre Leclerc qui n’a cessé de s’agrandir, puis sa dernière ineptie, le péage maladroit du pont de Rochefort sur la Charente, toxique à la cité, l’a renvoyé aux oubliettes des maires de cette petite ville.
Son animosité contre moi a duré jusqu’à sa mort récente. Puisqu’invité à déjeuner en ma compagnie chez un ami commun, il a refusé.
A l’échelle du patelin et de ma modeste personne, cette histoire image parfaitement, il me semble, ce que peuvent devenir les choses lorsque l’origine est perdue de vue.
Objectivement
Nous ne connaissons que très rarement l’origine des choses.
Et pourtant, si nous savions par exemple exactement l’origine de COVID nous pourrions probablement beaucoup mieux nous en défendre, n’est-ce pas ?
En règle générale, connaître l’origine pourrait apporter de telles simplifications que la plupart de nos grands centres d’intérêts se dégonfleraient comme les soufflets sortant du four.
Le tout petit nombre d’initiés présents à l’origine, la peur de la masse — qui pérore sur les conséquences — de se retrouver possiblement dépourvue par la simplicité originelle qui démotive cette masse de la rechercher, font que nous ne connaissons pratiquement jamais l’origine de nos grands débats collectifs ou de nos grandes aventures sociétales.
La difficulté
Chaque instant est à l’origine du prochain, comment détecter celui de ces instants dont le développement va croitre de celui où il va s’éteindre ?
Comment ensuite, lorsque l’embrasement est devenu mondial, revenir à l’origine impliquant une ou deux personnes ?
C’est cette difficulté qui permet aux menteurs de falsifier l’origine des choses et d’empêcher les honnêtes gens d’en comprendre la simplicité, voire la stupidité.
L’origine n’est accessible qu’à nous-mêmes et uniquement si nous étions présents. Hélas, même là, ceux qui se mentent alors sont plus nombreux que ceux qui se souviennent lucidement.
Que faire ?
J’ai passé la plus grande partie de ma vie à m’arc bouter pour expliquer l’origine des tempêtes dans lesquelles j’ai été pris, sans aucun succès.
La manipulation de l’opinion n’est possible que parce que l’origine des choses est ignorée. A ceci près que justement l’opinion ne souhaite pas connaître l’origine des choses, l’opinion préfère la polémique à la vérité et la connaissance de l’origine éteint presque toujours la polémique.
La raison d’Etat ne sert qu’à ça : masquer l’origine des fiascos de l’Etat.
Allons plus loin, comment réagirait l’humanité si elle connaissait son origine, probablement très ordinaire ?
Que deviendraient les commerces de tous les vendeurs d’histoires des origines de l’homme ?
Encore plus fort, si vous avez le malheur de défendre votre peau devant un tribunal, vous constaterez que, dès que vous voulez expliquer l’origine du conflit dans lequel vous êtes pris, les magistrats vous coupent la parole. Ils préfèrent ne pas connaître l’origine, tout pour eux est basé sur le développement qu’ils vont soumettre au corset de la loi, alors que l’origine est rarement concernée par la loi, plus souvent par la morale qui n’est pas leur tasse de thé.
Si vous avez la mémoire des origines juste… je compatis.
Bien à vous. H. Dumas.
Petite histoire pour illustré la réalité de ce monde parfois et trop souvent arrogant = À la faculté de médecine en Italie, le professeur s’adresse à un élève et lui demande :
– » Combien de reins avons-nous ? »
– » Quatre ! », répond l’élève.
– » Quatre ? », répliqua le professeur, arrogant ; de ceux qui ont du plaisir à fouler les erreurs des autres.
-« Apportez de l’ herbe parce que nous avons un âne dans la salle », ordonna le professeur à son assistant.
– » Et pour moi un café ! », répliqua l’élève à l’assistant du maître.
Le professeur s’est tellement énervé qu’il a expulsé l’élève de l’audience.
L ‘ élève était, l’humoriste
Aparicio Torelly Aporelly (1895-1971), alias le ′′ Baron de ltarré « .
À la sortie de la salle d’audience, l’élève eut encore l’audace de corriger le professeur furieux :
Il m’a demandé combien de reins nous avons ? Nous avons quatre reins : deux miens et deux siens.
′′ Nous avons ′′ est une expression utilisée pour le pluriel. Bon appétit et profitez de l’herbe « .
La vie demande beaucoup plus de compréhension que de connaissance. Parfois, les gens, pour avoir
Un peu plus de connaissance ou de croire qu’ils l’ont, ils se sentent avec le droit de sous-estimer et d’humilier les autres.
Erratum = Petite histoire pour illustrer la réalité de ce monde parfois et trop souvent arrogant: