L’Enarchie et le dévoiement de la démocratie

Le nouveau gouvernement comporte, encore une fois, de nombreux énarques ; et l’administration domine la politique française depuis déjà une bonne trentaine d’années, que ce soit au sein de l’exécutif mais aussi au sein de l’Assemblée Nationale.

En fait, elle le fait de plus en plus … mais il paraît que les français adorent leur administration !

L’Ena est devenue le moule de la formation des élites et l’administration est devenue le vivier ordinaire de recrutement de la majorité du personnel politique et des membres cabinets ministériels ; sans que la « mauvaise » gestion persistante des deniers publics permette d’apporter un quelconque brevet d’efficacité et de capacité à ses membres …

Or, il est nécessaire de rappeler, à ce stade, que l’administration n’est pas là pour commander ou décider, elle est là pour obéir et exécuter les décisions du pouvoir et accessoirement les décisions judiciaires. Elle est au service des français et doit être apolitique et notre nouveau président l’a d’ailleurs rappelé dans l’un de ses discours (« je suis là pour servir et pour vous servir ») !

Seulement nous savons bien que l’administration est devenue un véritable Etat dans l’Etat qui agit à sa guise, sûre de son impunité, protégée par ses propres tribunaux administratifs complaisants pour ne pas dire franchement partisans (le juge judiciaire n’a pas le droit de connaître de litiges entre l’administration et l’individu).

L’administration résiste à tout et n’en fait finalement qu’à sa guise.

Certains ministres libéraux (Alain Madelin en particulier) se sont même heurtés à la haute administration de Bercy qui a fait bloc contre lui et refusé obstinément de lui obéir lorsqu’il s’est trouvé en position de ministre !

On sait aussi que nombre de ministres ne sont en fait que les porte paroles de leurs cabinets ministériels ; lesquels détiennent la réalité du pouvoir de décision au sein des ministères !

Il faut rappeler, encore une fois, que cette « haute » administration fonctionne en circuit fermé ; qu’elle est complètement déconnectée des réalités économiques et sociales de la population de base (appelée sans dents par certain président), qu’elle est payée grassement par l’argent gratuit des autres (nos impôts), assurée d’une sécurité de l’emploi absolue, d’horaires de travail « accommodants » et d’une retraite paisible et fructueuse payée par l’argent gratuit des autres (nos impôts encore !), d’un montant largement supérieur à celle du privé

Au surplus, la possibilité de faire de la politique leur est facilitée par leur statut puisque, contrairement à plusieurs pays de l’Europe du nord, ils n’ont aucunement l’obligation de démissionner de la fonction publique ; ils sont juste en disponibilité ou détachement contrairement à l’entrepreneur, au professionnel libéral ou à l’employé du privé.

Dernier détail, qui ne gâte rien : pendant leur carrière politique, la progression de leur carrière professionnelle, au sein de l’administration, reste assurée bien qu’ils n’y exercent aucune fonction (ce qui est impossible dans une entreprise privée).

Enfin, il convient de rappeler que les énarques constituent une caste à part entière qui s’auto entretient, s’auto protège et s’auto promeut dans une espèce d’endogamie politique à la fois malsaine et malfaisante …

Une promotion chasse l’autre à l’occasion du changement de président puisque la promo Sedar Senghor (Macron) a pris la place de la promo voltaire (Hollande) … comme un clou chasse l’autre !

Mais ne nous leurrons pas ; au delà des déclarations de bonnes intentions, des promesses, ce sont les mêmes, avec le même formatage et la même façon de penser !

Le problème qui dépasse ce constat est donc de se demander quel brevet de compétence dispose cette élite devenue incontournable et que l’on retrouve partout puisque, l’administration, haute et petite, dirige de facto le pays ?

Il faut rappeler que l’Ena n’est pas une école de commerce, ni une MBA, et que ses élèves n’ont aucune notion de l’économie réelle ni de la direction d’une entreprise puisqu’ils passent sans transition du lycée à Science-Po puis à l’Ena et qu’ils en sortent à 23 ans, en fonction d’un classement purement intellectuel basé sur leur capacité à réussir à une gamme programmée d’examens, pour, sans aucune expérience professionnelle autre qu’un stage dans une préfecture, exercer des fonctions de direction ; ce qui, par une espèce d’assimilation abusive, leur permet de prétendre, ensuite et de manière tout à fait présomptueuse, diriger un pays entier sous tous ses aspects !

Et, dans cette école on leur apprend, sans qu’ils n’aient aucune ouverture sur le monde extérieur, les bienfaits supposés d’une administration toute puissante, protectrice et rassurante des français, dépensant pour leur bonheur les deniers publics dans le cadre d’une conception monolithique de l’économie basée sur l’étatisme et le contrôle administratif de l’ensemble du pays.

Il faut être conscient qu’il s’agit là d’une vision du monde perçue à travers le seul prisme de l’administration ; et d’un modèle économique dans lequel le particulier et l’entreprise, toujours suspects de fraude et d’abus, doivent être surveillés, contrôlés, régulés.

La conséquence immédiate est que l’on préfère une économie basée sur la dette et l’endettement public plutôt que sur l’esprit d’entreprise et la création de richesses car l’initiative individuelle est par nature moins contrôlable !

On en voit aujourd’hui le résultat : la France cumule tous les records de dette, de déficit et de pression fiscale !

La France est finalement devenue une affaire de caste, de famille – on n’osera pas encore parler de la mafia énarchique – mais la conclusion s’impose !

Seulement, quand les exécutants n’ont font plus qu’à leur tête et se permettent de contrecarrer le pouvoir choisi par la population (ce qui s’appelle la démocratie), il ne fait aucun doute que ces exécutants détiennent de facto la réalité du pouvoir tout en échappant à tout contrôle qu’il soit politique, hiérarchique, judiciaire ou démocratique !

Et, il ne faut pas rêver, cette administration ne se réformera pas d’elle-même !

En fait, ces membres de l’administration constituent une France d’insiders c’est à dire d’une partie favorisée de la population qui bénéficie de la sécurité de l’emploi, d’un salaire assuré souvent supérieur au privé, d’une retraite confortable (payée par les contribuables) calculée sur les dernières années (contrairement aux salariés du privé) !

Evidemment, ce schéma déplait fortement aux outsiders c’est à dire à ceux qui doivent ne bénéficient pas des mêmes avantages et doivent souvent chercher un emploi sans aucune garantie, ensuite, de le conserver !

Le dernier président en a d’ailleurs apporté la preuve la plus éclatante en préservant les fonctionnaires tout au long de son mandat (jour de carence supprimé, revalorisation du point indiciel, maintien des avantages au niveau de la retraite).

Le fonctionnaire élu protège sa caste et n’apparaît être finalement que le vecteur d’une seule catégorie socioprofessionnelle ! On appelle ça du corporatisme électoraliste !

Et ce pouvoir omniprésent qui nous contrôle de plus en plus tend, comme tout pouvoir dominant, à augmenter toujours plus son emprise sur la population qu’elle contrôle jusqu’à la domination hégémonique sans partage dont je n’ose pas encore qualifier la nature …

Car, le but, réel et non affiché, est le pouvoir, tout le pouvoir, rien que le pouvoir !

Evidemment, la déclaration d’intention selon laquelle le nouveau gouvernement se déclare libéral relève de la posture et nous verrons qu’il n’en sera rien !

Sous l’ancien régime nous avions la monarchie éclairée (en gros un peu libérale mais de droit divin quand même), nous avons désormais l’administration éclairée ; ce qui, vous en conviendrez, n’est ni satisfaisant ni encourageant !

Nous sommes donc bien face d’un dévoiement de la démocratie dont il ne faudra attendre aucune mesure libérale ; bien au contraire et nous aurons droit à un quinquennat étatiste et technocratique selon la formule d’Eric Verhaeghe sur le site La voix des entreprises – Décider et Entreprendre.

Il ne faudra pas s’étonner que, plus tard et par simple rejet d’un tel système dans lequel elle ne se reconnaît pas et dont elle se sent exclue, une part importante de la population se jette dans les bras du populisme !

Et, en attendant, la France continue d’emprunter à tout va sur les marchés … on ne va quand même pas renoncer aux « bonnes vieilles » habitudes et à ce modèle économico administratif qui nous a tant réussi !

Bien cordialement

 

Απο την ελλαδα (De Grèce)

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

2 réflexions sur « L’Enarchie et le dévoiement de la démocratie »

  1. moi je dirait :
    –>une France illuminée avec une voix franc qui maçonne et résonne dur !

    « sarko avait averti  » … PFFF (le grand orient qui averti contre l’occi-dent-ce)
    je me MARRE ou j’en ait marre comme dirait un certain comique disparu

    vous voulez rentrer dans le dur secret de la pyramide..a l’instar du discours d’introduction de la présidence ..au sommet ..qui comme depuis depuis des dizaines d’ années …si vous en êtes la caste exclue ..tant pis pour vous .. c’est la maison France qui régale !

    ayez l’œil ..voyez tout ..lisez bien entre les lignes des promesses électorales qui comme on dit n’engagent que les idiots qui y croient 🙂

  2. Bonjour Philos,
    La prise de pouvoir par la caste privilégiée administrato-bureaucratique est un phénomène universel lié à l’organisation humaine mondiale actuelle.
    Sakharov avait averti l’Occident que le problème n’était pas tant le communisme, simple croyance, mais la place qu’il donnait à la bureaucratie.
    Il considérait l’administration et la bureaucratie comme le véritable obstacle à la liberté, les responsables de ses malheurs d’homme intelligent aspirant à une vie ouverte et libre.
    Hélas ses recommandations sont restées lettre morte.
    Nous n’échapperons pas à la. violence qui découle naturellement de l’oppression.
    Quand et comment ? Là seulement est la question.

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