La démocratie manipulée
La démocratie est, comme le marché, un espace de liberté fragile qui suppose que les parties qui le composent soient à équivalence d’informations pour qu’il n’y ait pas tromperie au moment des choix.
En effet, la démocratie donne à la population le droit de choisir ses dirigeants, droit qui n’est valide qu’exprimé en toute connaissance de cause.
Les dirigeants élus sont chargés de gérer les aspects communautaires de notre vie, c’est-à-dire les espaces décisionnels appartenant à chacun de nous dont il nous est apparu, objectivement, qu’il était de notre intérêt d’en mutualiser la gestion, qui alors nous échappe évidemment.
Plus ces espaces décisionnels mutualisés sont nombreux, plus la structure qui va les prendre en charge sera lourde, cette lourdeur amenant automatiquement la complexité. La complexité entraine la spécialisation, qui naturellement accapare la connaissance, laissant alors les non spécialistes dans l’ignorance.
Là sont les limites du système collectif.
Plus nous allégeons nos responsabilités en confiant des pouvoirs personnels à la collectivité, plus l’outil créé pour gérer cela se complexifie et nous échappe.
Le gain de la mutualisation de nos pouvoirs personnels est donc limité par la situation d’ignorance dans laquelle cette mutualisation nous plonge. A partir d’un certain seuil d’ignorance le gain se transforme en perte tant il nous expose à l’angoisse, au complotisme, aux fausses informations, finalement aux escrocs, au détriment de la démocratie, de sa nécessaire transparence.
Le cycle infernal
La part de décision que nous acceptons de collectiviser va, en démocratie, être confiée à des élus, qui vont s’appuyer pour l’assumer sur la fonction publique.
Il est clair que les élus qui acceptent de prendre en charge les parties de nos pouvoirs personnels — que nous avons accepté de mutualiser — doivent avoir les compétences nécessaires pour s’en occuper au mieux de nos intérêts.
Si nous abandonnons une trop grande quantité de pouvoirs personnels aux élus, si nous dépassons leurs raisonnables capacités de gestion, ils ne peuvent plus assumer leur mission.
On voit bien l’intérêt que nous avons de bien calculer le volume de ce qui doit être ou ne pas être mutualisé, il n’y a pas la place pour la croyance à ce sujet. On constate que la réalité n’est pas exactement cela, mais qu’au contraire les croyances tendent irrationnellement à s’imposer sur ce sujet crucial.
Le dérapage
La fonction publique devrait être neutre. C’est un outil au service de ce que la population a décidé de mutualiser, dont la gestion dépend des élus qui ont la charge d’assumer la bonne marche des pouvoirs mutualisés.
Nous devrions en être là. Nous sommes ailleurs.
A la suite d’errements, dont chacun à son idée, la masse des pouvoirs personnels mutualisés a débordé les élus et leur outil la fonction publique.
Le processus « complexité-spécialisation » s’est emballé. La population est entrée en voie d’ignorance dans le cadre des pouvoirs délégués, donc des responsabilités liées.
L’amplification constante de cet état a attiré les fous.
En réalité, d’abord les escrocs qui ont profité des opportunités offertes par l’ignorance croissante de la population, selon le processus que nous venons de d’écrire, qui se sont servis grassement tout en faisant illusion.
Puis la situation ainsi créée est devenue ingérable, alors les escrocs se sont « fait la malle », soit ils sont passés à autre chose, soit ils font mine d’être opposés au système qu’ils ont mis en place.
Seuls des fous et des illuminés acceptent aujourd’hui de jouer le rôle de gestionnaire des pouvoirs mutualisés, alors que cette gestion est hors de contrôle.
Nous sommes tous projetés dans une situation aberrante, dépossédés d’une trop grande part de nos pouvoirs personnels nous assistons à l’effondrement de la mutualisation de ceux-ci en n’ayant plus les moyens de comprendre le phénomène, tant notre ignorance concernant nos propres pouvoirs délégués est grande.
Des fous ont pris le pouvoir démocratique, le pouvoir administratif et… ils nous traitent de fous pour dissimuler leur déroute face à la complexité qu’ils ont générée, qu’ils sont incapables de gérer. C’est le comble de notre époque.
Le bilan
Le plus terrible est la perte de vue de la simplicité des pouvoirs que nous avons confiés à la mutualisation, par flemme, par laxisme, tels que notre santé, notre éducation, nos déplacements, notre économie, etc… tant de choses que chacun de nous sait faire mais ne fait pas au bénéfice de rêves artificiels qui vont être sous peu mortels.
Quand la folie se prétend la raison, quand la raison est accusée de folie, la démocratie est en grand danger car alors la liberté de choix de l’électeur n’existe plus et sans elle plus de démocratie, une simple apparence de démocratie.
Bien à vous. H. Dumas
L’histoire de la gifle (amplement méritée) rappelle ce qui arrivait à ceux qui cachaient sur le portrait de Staline : un aller simple pour le Goulag.
En revanche, un Suédois qui tue sa femme en la brûlant vive dans la rue ne risque pas grand chose.
Bien vu. Bien dit.
Un peuple de moutons finit toujours par engendrer un gouvernement de loups.
De Confucius : Et La vraie faute est celle qu’on ne corrige pas.
La vie n’a cure de répondre à la barbarie qui l’opprime.
Désobéissance civile !
La désobéissance civile est une des émanations poétiques de cette fin de non – recevoir. Elle ne tolère aucune forme de prédation, aucune forme de pouvoir.
En 2018, le gouvernement français s’était ridiculisé en traitant le peuple des ronds-points de péquenauds incultes et irresponsables.
Que la vogue du coronavirus lui livre l’occasion de reprendre l’offensive avec plus de pertinence n’a rien d’étonnant.
Publié le 13 octobre 2021 par Raoul Vaneigem
https://pour.press/desobeissance-civile/?fbclid=IwAR0UixHQ34JSCWHDOKtKjGR5uhQhFCtW3RQhu9TsS7uEuSR4MqXPaHlykR0
Ainsi sommes-nous fondés à passer outre à tout décret liberticide
Vivre humainement est une expérience à la fois atemporelle et, historiquement parlant, radicalement nouvelle. S’y attacher et la poursuivre suffit pour que toute velléité d’entraver sa liberté se heurte à une fin de non-recevoir.
Ainsi sommes-nous fondés à passer outre à tout décret liberticide.