LE NON BIS IN IDEM:
WIKIPEDIA : La règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d’après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. Cette expression désigne donc l’autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal qui interdit toute nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits. Cette règle qui interdit la double incrimination (en) répond avant tout à un souci de protection des libertés individuelles de la personne poursuivie.
En droit français, le principe est nettement affirmé à l’article 368 du Code de procédure pénale qui dispose qu’« aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente »1. Le Code pénal prévoit également ce principe à l’article 113-9 qui dispose qu’« (…) aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite. »2. Enfin, l’article 6 de ce même code fait de la chose jugée une cause d’extinction de l’action publique.
En avril 2001 nous passons, à la demande du fisc, devant la 11eme Chambre Correctionnelle de Paris pour le délit de « dissimulation de recettes ».
Dans la notification du redressement pour ma société cette « dissimulation de recettes » correspond à environ 90% du montant de celui-ci.
C’est dire si ce délit est important. Sur lui repose presqu’entièrement la somme faramineuse qui est exigée de la société et par incidence directe aux associés, dont moi !
Le 2 juin 2002, le Tribunal Correctionnel rend son jugement : Pour lui, le délit de « dissimulation de recettes n’est pas prouvé et il nous en exonère.
Il réduit donc de 90% le montant du redressement.
Nous attendons, dans l’angoisse, car de passer devant un Tribunal Correctionnel, même si l’on est certain de son innocence, n’a rien de franchement rigolo, nous attendons donc de savoir si le fisc fait appel de cette décision.
Pour la petite histoire, coup de théâtre, lors de l’audience, le Procureur de la République, n’a rien requit contre nous et s’en est « remis au tribunal », c’est dire si le dossier d’accusation du fisc sentait le faisandé…
Bref, le fisc ne faisant pas appel, ce jugement est donc définitif.
Nous sabrons le champagne.
Nous pensons naïvement que c’est la fin de nos soucis, de nos saisies, de nos cautions etc…Que nous allons pouvoir recommencer à travailler sereinement, ce que nous ne faisions plus depuis 1997, occupés (le mot est faible) que nous étions à essayer de nous défendre contre cet abus fiscal.
Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps : cela n’a rien changé pour Bercy qui a continué
à nous poursuivre allègrement et a fini par couler notre entreprise.
En résumé, et pour faire court, le fisc a donc continué, sans tenir compte du jugement définitif du Tribunal Correctionnel nous relaxant.
Le Tribunal Administratif a fait de même, et nous a condamné, en contradiction absolue avec le jugement définitif précédent.
Conclusion: Le Non Bis In Idem ne s’applique pas à Bercy.
Bercy est donc bien au-dessus des lois.
Cela ne vous rappelle- t- il pas de vieux souvenirs concernant d’autres régimes?
Et il parait que nous sommes toujours en « démocratie »…
E.Bolling
Quelques dates de notre chemin de croix :
6 juin 2002 : jugement du Tribunal Correctionnel.
17 janvier 2008 : jugement perdu à 100% devant le Tribunal Administratif.
29 juin 2010 : jugement de la Cour d’Appel administrative. Il rejoint celui du Tribunal
Correctionnel. Notre société a été liquidée en 2009 !
13 décembre 2012 : Repassage une nouvelle fois devant une 2eme Cour D’Appel Administrative.
Jugement Ex Aequo et Bono, c’est-à-dire 50/50…Rapporteur Public
Il faut constater que la fameux Rapporteur Public nous a, à chaque fois, été à charge (voir la vidéo sur notre blog Contribuables Sensibles : s’abstenir)
En lisant le communiqué de presse de la CEDH suite à la décision du 27 novembre 2014 (communiqué de presse du greffier de cour), il semble qu’un recours devant la CEDH est possible même si le contribuable n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes. Henri et Emmanuel vous m’interrogiez sur ce point.
Saisir la CEDH en arguant que la jurisprudence en France est claire et ne permet pas d’espérer l’application du principe non bis in idem, semble possible sur la base de l’arrêt du 27 novembre 2014 de la CEDH.
Voilà ce qu’indique le communiqué :
« Concernant la recevabilité de la requête, la Cour relève que, vu la jurisprudence claire des juridictions suédoises à l’époque des faits, même si Mme Dev avait expressément invoqué une violation de ses droits protégés par l’article 4 du Protocole n° 7 dans le cadre de la procédure fiscale, elle n’aurait eu aucune chance de succès. De plus, les nouveaux recours instaurés à la suite du revirement de jurisprudence des tribunaux suédois ne s’appliquaient pas à son affaire. En fait, ce n’est qu’à la suite de la décision rendue par la Cour suprême le 11 juin 2013 et des décisions et jugements ultérieurs des deux juridictions suprêmes, qui ont conclu que le système suédois de pénalités fiscales et d’infractions fiscales était incompatible avec l’article 4 du Protocole n° 7, que la
possibilité d’obtenir une réouverture de la procédure fiscale ou de la procédure pénale (en fonction de celle ayant débuté en second) a été introduite. Cette possibilité peut s’appliquer rétroactivement à des jugements rendus à compter du 10 février 2009 (date de l’arrêt de la Grande Chambre de la CEDH en l’affaire Sergey Zolotukhin c. Russie). Étant donné que la procédure dirigée contre Mme Dev s’est terminée le 8 janvier 2009, la Cour conclut qu’elle n’a pas failli à épuiser les voies de recours internes à sa disposition. »
Me Benzarti- Avocat fiscaliste- Neuillyavocat.fr
La CEDH dans un arrêt du 27 novembre 2014 Lucky Dev c/ Suède réaffirme le principe ne bis in idem.
Dans cette affaire, un contribuable se voit appliquer des pénalités fiscales, alors que le juge pénal l’a auparavant acquitté du chef de l’infraction fiscale (affaire suédoise). Le principe ne bis in idem ne s’oppose pas seulement au cumul des sanctions, mais aussi à ce qu’une personne soit sanctionnée pour une infraction pour laquelle elle a déjà été acquittée (violation de l’art. 4 du Protocole n° 7) : CEDH, 27 novembre 2014, n° 7356/10, Lucky Dev c/ Suède
Sur cette question la France s’est toujours prévalue d’une réserve par rapport à l’article 4 du Protocole n°7 (Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois). La CEDH a remis en cause la position de l’Italie qui se prévalait également d’une réserve (affaire GRANDE STEVENS ET AUTRES c. ITALIE du 4 mars 2014).
La réserve française à l’égard du principe est donc fortement critiquable aujourd’hui.
Cette réserve à été clairement balayée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 20 mai 2015, n° 13-83489, et qui a fait application du principe non bis in idem, au motif que les états ont une obligation positive au regard des Arrêts CEDH et ne doivent pas attendre de se faire condamner pour appliquer les principes dégagés pas cette Cour
Bonjour,
il me semble qu’il s’agit d’une décision en droit boursier et non en droit fiscal. Elle confirme la décision du conseil constitutionnel en droit boursier du 18 mars 2015. C’est une avancée auquel on s’attendait. A quand une décision en droit fiscal?
Vous avez entièrement raison; il s’agit de droit boursier.
Ceci étant, l’Arrêt Lucky Dev a été confirmé par deux autres, et, à mon sens, la Cour de Cassation en levant la Réserve de l’article 4 du Protocole n° 7 ne fait que prendre les devants d’une solution qu’elle sait inéluctable.
Elle l’affirme sans vergogne dans son attendu qui reprend une solution enfin admise, au titre des obligations positives.
Elle admet ainsi une solution qu’elle anticipe.
La prochaine QPC sur le sujet sera forcément admise, et on connaît la suite…
La France a très souvent fait de l’obstruction en pensant sans doute repousser la solution aux litiges qui ne lui sont pas favorables.
C’est en partie vrai(en partie seulement, lorsqu’elle estime pouvoir s’appuyer sur des sentences non confirmées), mais lorsque les décisions se suivent à un certain rythme, elle ne peut que plier un genou, d’autant que la solution Lucky Dev a été devancée par la CJUE dans l’Arrêt Akerberg Franson.
Si toutes les juridiction Conventionnelles sont hostiles, elle ne peut que s’incliner.
Nous avons depuis peu un jugement intéressant de la CEDH qui réaffirme ce principe d »interdiction des doubles peines administratives et pénales. Je peux vous le retrouver.
Bonjour, si vous pouviez me donner les références de la CEDH sur ce point ? D’avance merci
Bonjour Christophe,
CEDH 27 novembre 2014, LUCKY DEV contre Suède (Requête n°. 7356/10)
Je n’ai pas tout compris de votre procédure (au niveau des qualifications), mais maintenant c’est plus que limpide, le NO BIS IN IDEM j’applique aussi au FISC !!. La jurisprudence est formelle sur ce point :
CAA Marseille 19/02/2009 n°06-2559, GUETTA
Les éléments recueillis par l’administration dans l’exercice de son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, extérieur et détachable de l’ESFP du contribuable, ne sauraient être rattachés à ce dernier, alors même que ces éléments ont été découverts dans le délai d’un an à compter de l’envoi de l’avis d’ESFP.
L’administration est par suite tenue d’engager une vérification de comptabilité pour régulariser la situation du contribuable au regard de son activité occulte.
CAA Marseille 19 février 2009 n° 06-2559, GUETTA