Hélas, les agressions fiscales dont je suis l’objet m’amènent à fréquenter assidument les prétoires.
Au-delà du fait que je perds systématiquement mes procès, dans des dossiers où ni ma bonne foi ni le fait que j’ai raison ne peuvent être mis en doute par un observateur objectif, je suis perplexe face à la justice.
Le premier réflexe du justiciable déçu est de s’en prendre aux magistrats qui ont instruit et jugé son affaire. Cela est d’autant plus facile que la mise en scène et l’accoutrement dont se parent les magistrats dans l’exercice de leur fonction, le cérémonial dont ils s’entourent, génèrent une impression de vanité, d’arrogance, qui dérange et porte à les juger sans concession.
Mais, quand l’injustice des jugements est systématique, quels que soient les magistrats, qu’ils vous soient parus ouverts ou obtus, gentils ou méchants, intelligents ou limités, tolérants ou sectaires, il faut bien se rendre à l’évidence, le problème n’est peut-être pas dû aux magistrats.
Lorsque vous additionnez les jugements incompréhensibles qui compliquent les situations au lieu de les régler, qui eux-mêmes sont des vecteurs d’injustice, lorsque vous constatez que cela n’est pas l’exception mais la règle, vous en venez à penser que ce ne sont peut-être pas les hommes chargés de la justice qui sont en cause.
Si vous rajoutez à ces observations que, aussi bien à travers l’histoire que la géographie, les exemples de justices en total disfonctionnement sont légions, la question de comprendre pourquoi il en est ainsi devient lancinante.
La justice et la loi peuvent-elles être intelligentes ?
Clairement, la réponse est non.
D’abord, l’intelligence est bien la chose la plus injuste du monde. Pourquoi tel enfant est-il brillant et tel autre complètement abruti ? N’est-ce pas là le début de l’injustice qui frappe aveuglément l’humanité ? L’enfant devenu adulte, rien n’aura changé.
Cette criante injustice, inacceptable, va devoir être atténuée par la seule nécessité qui nous est faite de vivre en groupe.
Evidemment on peut, comme le fait croire l’Education Nationale Française, imaginer que, par je ne sais quel tour de magie, tous sortiraient des lycées avec un diplôme dont la seul détention mettrait tout le monde au même niveau d’intelligence.
Hélas, ce n’est pas ce qui se passe. Reste donc à faire vivre ensemble des êtres humains aux capacités intellectuelles aussi différentes que peuvent l’être leur beauté, leur santé, leur taille, etc…
Cette tâche, consistant à nous faire vivre ensemble, est dévolue à la justice.
Elle va s’acquitter de sa mission indépendamment de la personnalité des magistrats à qui elle la confie. Quels que soient leurs caractères, les magistrats vont rendre tous la même justice, qui est exclusivement fonction de l’objectif du groupe.
Dans une société en conquête, la justice va privilégier l’efficacité, donc probablement l’intelligence, elle accompagnera la marche en avant du groupe, elle sera dure avec ceux qui se trompent, qui ne comprennent pas.
Dans notre société en stagnation, voire en régression, elle va privilégier la compassion. Elle va entrer en conflit direct avec l’intelligence qui vise prioritairement la création et l’action au détriment de l’égalité. L’égalité ne peut se rechercher que par la limitation de l’intelligence pour arriver à une réflexion médiane, égale et compréhensible par tous.
En conclusion
Les magistrats ne sont pour rien dans la part de médiocrité qui envahit leurs jugements. Elle découle directement du but global poursuivit par la société elle-même.
Pour ne pas avoir compris cela, pour avoir cru que la justice était de droit intelligente et donc, dans mon esprit, juste, j’ai tout perdu.
Si j’avais intégré plus tôt que la justice ne peut être, dans une société égalitaire, qu’un gigantesque rabot lissant tout débordement intellectuel, je me serais épargné bien des espoirs déçus et destructeurs.
Je crois devoir préciser que je ne porte pas de jugement de valeur sur notre organisation sociale, je constate simplement que compassion et égalitarisme ne peuvent pas s’envisager sans sacrifier pour partie l’intelligence, l’imaginaire, et la créativité en ce qu’elle peut posséder de réaliste. J’exclus les créativités dévoyées et stupides, évidemment.
J’accepte que la justice soit le reflet des objectifs collectifs de notre société. J’en accepte les conséquences. Je sais que je ne gagnerai aucun de mes procès, le fait d’avoir compris la raison de ces échecs m’apaise.
Je crois aussi devoir préciser que, de mon point de vue, tout cela finira dans la misère et la pauvreté généralisées, mais c’est un autre problème.
Bien cordialement. H. Dumas