La grande lessive de l’économie et des français (2/2)

Nous avons vu dans un précédent article que les moyens du gouvernement pour combattre la crise qui s’annonce sont :

 –       La réduction des dépenses publiques,

       L’emprunt

       L’émission monétaire,

       La fiscalité,

 Après avoir examiné les deux premiers, nous nous pencherons aujourd’hui sur les deux derniers.

 III-l’émission monétaire

Nous avons  que les Etats surendettés du sud de l’Europe avaient des marges budgétaires limitées.

Dès lors, faute de pouvoir augmenter l’endettement, la promesse du gouvernement de faire « tout ce qu’il faudra pour sauver les entreprises » signifie seulement qu’il compte utiliser une technique bien connue : la monétisation de la dette.

Technique traditionnelle de financement des Etats par temps de crise, notamment de guerre, elle semble être, pour l’instant, à la fois l’arme absolue mais aussi la seule arme à la disposition des pays surendettés de la zone € (France, Italie, Espagne).

Sans la monétisation de la dette, la solvabilité budgétaire des pays du sud de l’Europe ne pourrait probablement pas être maintenue et les déficits impossibles à financer car la plupart des États du sud étaient déjà financièrement exsangues avant la crise. Faute d’une telle monétisation, ces Etats devraient faire face à une augmentation considérable des taux d’intérêts avec à la fin une crise financière susceptible de les mettre en défaut avec d’inévitables effets collatéraux sur les agents économiques (particuliers et entreprises).

 La monétisation de la dette a donc un double but : permettre aux Etats de faire face à leurs dettes et maintenir les taux d’intérêts aussi bas que possible.

 L’émission monétaire, depuis l’adoption de l’€, relève de la seule compétence de la BCE et elle va avoir lieu à (très) grande échelle à travers plusieurs mécanismes dont le MES ; mécanisme de soutien monétaire dont le montant, appelé à évoluer en fonction des besoins, a été fixé à 750Md€.

 Cette émission massive présente deux caractéristiques :

 -elle est extrêmement pratique puisqu’il suffit d’imprimer de la monnaie pour payer ses dettes. Nul besoin de produire des richesses, nul besoin de lever des impôts impopulaires ! C’est presque miraculeux … mais il faut être conscient qu’il s’agit de monnaie fictive ; c’est à dire qu’on achète des dettes avec de la monnaie créée ad hoc !

 -Elle n’est pas contrôlée par l’Etat français, car la BCE n’est pas aux ordres du gouvernement comme pouvait l’être la banque de France avec une question qui n’est pas posée pour l’instant : Combien de temps cette émission monétaire va-t-elle durer ?

 En fait, un évènement fortuit mais pas forcément imprévisible (l’épidémie) va démontrer de manière éclatante que la BCE est désormais le garant de l’Etat français (mais aussi italien et espagnol) qui s’écroulerait sans sa caution.

 Il faut être lucide, sans l’Union Européenne et la BCE, ces pays auraient été amenés à déposer le bilan !

 Mais, cette pratique emporte plusieurs conséquences très importantes :

 -la BCE venant au secours des Etats, on peut escompter que les dettes de ces pays seront de facto neutralisées puisqu’elles resteront en stock dans le BCE indéfiniment. La BCE ne les remettra jamais en circulation et le bilan de la BCE va augmenter du montant des dettes ainsi accumulées.

 -elle fait porter un risque inflationniste important qui pourrait nous porter préjudice, à nous individus, car on ne peut pas balancer quelques milliers de Md € de monnaie imprimée dans les circuits économiques sans qu’il y ait quelque inconvénient à la fin. Depuis l’arrivée de l’€, nous avons pris l’habitude d’avoir une monnaie relativement stable alors que le gouvernement français, tout comme l’italien d’ailleurs, avait la fâcheuse habitude de faire fonctionner la planche à billets pour financer ses dépenses avec pour effet notoire une dévalorisation constante de la monnaie. Il suffit de se rappeler les années 80’ pendant lesquelles l’inflation « tournait » aux alentours de 15% l’an ! Nous pourrions donc faire face à un retour de l’inflation qui lamine des revenus et détruit les patrimoines autres que ceux constitués par des actifs réels de type or ou immobilier (mais encore faut-il avoir les moyens d’en acheter).

 -La grande inconnue est évidemment de mesurer les effets dans le temps d’une telle pratique et de savoir si nous allons vers un rebond inflationniste ou vers une économie à la japonaise avec des déficits énormes, une dette énorme, des émissions monétaires massives, pas d’inflation, mais une dépression persistante en sachant que l’émission monétaire massive créé des bulles sur l’immobilier et les actions jusqu’à la prochaine crise.

 -On peut espérer que les émissions monétaires de la BCE seront suffisantes pour empêcher la hausse des taux surtout pour les pays à risque ; c’est à dire que la force de frappe monétaire de la BCE sera plus forte que la spéculation sur les dettes des pays membre de la zone €.

 Le rôle de la BCE sera donc prépondérant car elle va monétiser la dette des Etats pour leur permettre de faire face à leurs échéances et soutenir leurs économies à l’arrêt mais n’évince pas la question centrale qui est : est-ce que le recul de l’activité peut être corrigé par des politiques budgétaires expansionnistes, avec monétisation, par la BCE, des déficits publics supplémentaires, notamment pour éviter une forte hausse des faillites?

 A court terme, c’est effectivement la seule solution car c’est le seul moyen pour pallier, à terme, le refus prévisible des marchés financiers  de financer la dette française.

 Néanmoins, tous les problèmes ne sont pas résolus, loin de là, car ces solutions temporaires ont des effets définitifs !

 La BCE fait figure de pompier pour éteindre un incendie mais le problème se posera lorsque l’action de la BCE va cesser car qui voudra financer la dette d’Etats surendettés pratiquement insolvables surtout avec des taux d’intérêts à zéro ou presque ?

 En fait, la BCE risque de se retrouver face à un «aléa de moralité» c’est à dire qu’elle risque de se retrouver dans l’impossibilité d’empêcher les Etats de se mettre à dépenser sans jamais réduire les déficits parce que, en fin de course, c’est la BCE qui paie ?

 En fait, tant que la BCE financera, elle masquera la réalité et la profondeur du problème de l’insolvabilité des Etats surendettés, mais la mission de la BCE n’est pas d’assurer de manière permanente, par le biais de l’impression monétaire, les fins de mois des Etats dépensiers qui ne veulent faire aucune réforme !

 Et sur ce plan, la question à ce jour sans réponse mais on peut déjà affirmer que les pays de l’Europe du nord refuseront cette éventualité et ce refus pourrait signifier l’explosion de la zone € !

 La banque Natixis, pour sa part, ne voit qu’une seule solution de sortie : l’émission d’€bonds (ou coronabonds) c’est à dire des emprunts portés par l’Union Européenne elle-même qui est actuellement fermement rejetée par les pays de l’Europe du nord !

 IV- la fiscalité

C’est le « bras de levier » favori de l’administration mais c’est une arme à manier avec précaution et l’expérience des gilets jaunes a montré qu’il y avait des limites à la progression de la fiscalité.

 Les prévisions de la loi de finances étaient, pour un PIB (2019) de 2.416 Md€, un budget de recettes de 306 Md€ (soit donc un taux de prélèvement de 12,5%), des dépenses prévues de 399 Md € et un solde déficitaire de 93 Md €.

 Evidemment, toutes les constructions fiscales faites avant mars sont devenues subitement caduques car on anticipe une contraction du PIB d’au moins 10% rien que sur 2020 ; avec probablement des effets collatéraux sur 2021. C’est à dire que le PIB va se contracter de 241 Md € et passer de 2.416 à 2.175 Md€ !

 Du fait de la contraction de l’activité économique, les rentrées fiscales vont donc inévitablement chuter. En maintenant le même ratio de prélèvement de 12,5% sur 2.176 Md€, on  aboutit à une collecte fiscale de 272 Md € c’est à dire une réduction de 34 Md€ de la recette fiscale ; sauf effet de rattrapage, très improbable, en deuxième semestre 2020.

 La chute de la consommation pour mars est déjà fixée à 50%, les ventes de voitures neuves ont chuté de 73% et les recettes de TVA (qui seront comptabilisées en avril) auront donc chuté dans les mêmes proportions !

 Entre les dépenses fiscales supplémentaires (indemnisation du chômage partiel – 20 Md€), les pertes de recettes liées à la diminution de la consommation (TVA -20Md€), les pertes des entreprises (IS en chute libre -20 Md€),  la mise en jeu de la garantie de l’Etat (5% de 300 Md€ = 15 Md€), les entreprises qui mettront définitivement la clé sous la porte principalement dans les secteurs du tourisme et de la restauration, le cout de nationalisations et les soutiens à des entreprises en grandes difficultés (rien que pour Air France on parle de 5 Md €), l’élévation exponentielle du chômage et des indemnisations, le bilan risque d’être apocalyptique !

 Vous pouvez escompter une aggravation du déficit budgétaire de 100 Md € qui va bondir de 93 à 200 Md € ; et la dette va bondir de 2.380 à 2.580 soit au bas mot 120% du PIB ! Pour l’Italie la dette devrait passer de 134 à 160% du PIB !

 Le plafond des 3% va littéralement exploser à plus de 9% !

 Néanmoins, il faut prendre conscience que la diminution concernera quasi exclusivement le secteur privé qui est le seul producteur de richesses car l’administration, dont l’activité est aussi prise en compte dans le calcul du PIB, mais qui ne risque aucune disparition pour cause de faillite, conservera finalement une activité quasi constante.

Cela veut dire que l’essentiel de la diminution du PIB de 241 Md € sera exclusivement supportée par les seules entreprises du secteur privé !

 Autrement dit, cela va être une catastrophe fiscale avec des recettes en chute libre. On pourrait même assister à une véritable disette fiscale car le PIB perdu ne sera pas récupéré avant probablement plusieurs années !

 On entendra beaucoup d’appels à la solidarité nationale mais ceux-ci ont peu de chances d’être entendus et la solution la plus simple sera d’augmenter les impôts pour remonter le niveau de la collecte car, inévitablement, et malgré les promesses faites, le gouvernement n’aura pas d’autre choix, lorsque le soutien monétaire de la BCE cessera, que d’augmenter la fiscalité pour la porter à des montants jamais vus.

1 point de TVA c’est 10 Md € de recettes (Le total des recettes de TVA s’élève à 130 Md €). En la portant à 25%, le gouvernement peut escompter 50 Md € de recettes en plus mais cette projection ne tient pas compte d’une chute consécutive de la consommation. En effet, si c’est relativement invisible, ce n’est pas indolore car, à terme, c’est une augmentation générale des prix de 5% des produits hors alimentation.

 Un doublement de l’impôt sur le revenu pourrait rapporter 73 Md € mais il aura un effet dépressif sur les ménages. Si cette mesure est adoptée, vous toucherez alors du doigt les vraies raisons pour lesquelles le prélèvement à la source a été mis en place !

Le rétablissement de l’ISF pourrait rapporter 5 Md € et une hausse de 1 point de CSG rapporterait 15Md€.

 L’heure des comptes n’a pas encore sonné mais il est à craindre que l’on en sorte lessivés car l’issue inévitable est la fuite en avant consistant à se lancer dans des confiscations massives en usant de prétextes divers (état de guerre, nécessité, crise, solidarité) habillés de motivations juridiques (nationalisations, emprunts forcés, impôt de crise).

 Selon toutes les probabilités, cela va (très) mal se passer et validera toutes les prédictions pessimistes que nous avions pu faire ! (ici) et (là).

Il existe une ultime solution et elle redoutée par tous : C’est la prédation directe que nous évoquerons dans un prochain article.

 Bien cordialement à tous !

Vous pouvez me joindre à l’adresse électronique suivante : ophilosmou@hotmail.fr

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

5 réflexions sur « La grande lessive de l’économie et des français (2/2) »

  1. Ce vendredi, les ministres de l’économie de l’UE ne viennent – ils pas de se mettre d’accord sur un plan d’émissions de coronabonds avec mises en place de mesures d’économie pour les états les plus endettés dont la France, l’Italie et l’Espagne? Ce plan doit être maintenant validé par les dirigeants des pays membres de l’UE.

    1. Non, il s’agit d’un accord pour enveloppe de 500 Md€ de prêts par l’intermédiaire de la BEI (banque européenne d’investissement) et la Commission Européenne.

      Sans harmonie fiscale et budgétaire, il n’y aura jamais d’€bonds et comme les Etats du sud ne veulent pas de cette harmonie …

      J’en parlerai dans un prochain article.

  2. Merci, encore une fois un très bon article.

    Ce n’est pas le moment d’être à son compte en ce moment. La question qui se pose est : est-ce que les fonctionnaires vont un jour morfler?

    Quoi qu’il se passe leurs salaires tombent et c’est toujours aux entreprises d’assumer toutes les pertes.

    Autre question, quelle est la limite de la BCE pour imprimer de l’argent? Si il y a une hyperinflation est-ce que ce n’est pas une bonne solution pour les gens qui se sont endettés? Ils pourront rembourser avec de la monnaie de singe leur maison.

    1. Pour l’instant c’est no limits …
      Mais il n’est pas sur que cela dure car, comme expliqué, les pays de l’europe du nord ne veulent pas voir leur épargne financer les dettes des pays cigales du sud !

      L’hyperinflation a des effets destructeurs extrèmement violents. Voir Allemagne 1923, le Venezuela, le Zimbabwe,

      Pour l’instant il n’y a pas de risque car il y a un effondrement de la demande.

      On y verra plus clair dans 6 mois environ.

  3. Qui va payer la crise du virus chinois* ? : les PME/PMI/ETI bien sûr ainsi que les personnels de ces entreprises ! Les 6,5 millions de chômeurs dus à cette crise sont tous sans exception issus de la société civile et bon nombre d’entre eux ne retrouveront pas d’emploi. Quant aux fonctionnaires ? tout va bien pour eux, merci, pas un centime ne manque à leurs émoluments, mêmes les primes et avancements sont conservés.

    * pour faire plaisir à Xi 🙂

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